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Saison 2010-2011 du Forum de Meyrin
Meyrin, Forum : Multiples facettes

Coup d’oeil sur la nouvelle saison, avec son changement de direction.

Article mis en ligne le juillet 2010
dernière modification le 17 août 2010

par Firouz Elisabeth PILLET

Mercredi 9 juin, le public afflue, imposant, au Forum de Meyrin qui a lancé une invitation commune aux journalistes comme à son public pour assister à la
présentation de la nouvelle saison. Un hommage, toute en discrétion à l’image de l’ancien direction, est entamé par la voix off d’Anne Brüschweiler. Puis Monique Boget, déléguée municipale, entame alors un long discours de remerciement à cet infatigable guetteur de talents, dont les collaborateurs du Forum retiendront l’immense modestie et la perspicacité dans les choix de programmation.
Et de rappeler les temps-phares de l’ère Menghini : une causerie sur l’amour, un rendez-vous politique avec Negri ou Gisèle Halimi.

Après ces remerciements, place à la nouvelle directrice qui dissimule difficilement son stress et son émotion en arrivant sur scène, vêtue de noir et blanc, pour lancer : « caustique, jubilatoire, perplexe, blasphématoire, épicée, insoumise, mystique, complice… scabreuse, telle sera la nouvelle saison au Forum ! »
Qualificatifs accrocheurs, intrigants, invitant à une découverte commune faite de complicité et surtout de motivation, de foi pour poursuivre la création artistique en temps de crise financière. Car, en cette période de vaches maigres, c’est la culture que l’on pénalise en premier. Et Anne Brüschweiler de citer René Char dans l’édito du nouveau programme : «  A chaque effondrement des preuves, le poète répond par une salve d’avenir. » Une salve d’avenir que la nouvelle directrice des lieux souhaite emplie de poésie, formulant le souhait que « dans les allées (du Forum) résonnent les questions, les tourments, mais aussi l’émerveillement et la poésie de l’existence. »

Aperçu de la saison à venir
Anne Brüschweiler poursuit, en remerciant ses prédécesseurs – Jean-Pierre Aebersold et Mathieu Menghini – d’avoir fait du Forum de Meyrin un lieu de culture aux multiples facettes, qui efface à jamais l’étiquette de cité-dortoir que les urbanistes avaient attribué à la cité meyrinoise. Au fil des ans, et en signant deux conventions avec des troupes dont il soutient les créations – le Teatro Malandro et la Compagnie Alias -, le Forum a acquis ainsi une visibilité internationale grâce aux tournées réalisées par la compagnie de danse, et par la troupe de théâtre dirigé par l’expansif Omar Porras. Avec ses deux premiers directeurs, le Forum de Meyrin a laissé une empreinte forte tant sur les Meyrinois que sur la région, nouant de fructueuses collaborations avec le Théâtre de Carouge et le Théâtre de Ferney, Le Châtelard.

« La edad de oro »
© Felix Vazquez

Pour cette saison 2010-2011, l’offre conserve les acquis – danse, musique, théâtre, chant, cinéma – et s’élargit avec l’introduction du cirque, par le biais de spectacles destinés tant au jeune public qu’aux adultes. Il est à noter que la saison commence plus tôt qu’à l’accoutumée, en participant au festival de La Bâtie (septembre 2010), avec Sideways rain, de la Compagnie Alias, dans une chorégraphie de Guillaume Botelho qui fait évoluer les danseurs dans un flux continu traversant la scène, à l’image des pluies latérales qui viennent fouetter le visage. Le second spectacle à participer à La Bâtie est Gardenia, d’Alain Platel, qui aborde la thématique du passage entre les sexes et du travestissement. Pour fêter les vingt ans du Teatro Malandro, Omar Porras rend un vibrant hommage au Libertador face aux colonisateurs espagnols, Simon Bolivar, dans Bolivar, fragments d’un rêve, d’après William Ospina, en espagnol surtitré. Le 9 octobre, William Ospina et Omar Porras exposeront la genèse de leur projet théâtral à travers la lecture de leur échange épistolaire.
La tradition du cinéma sonorisé sur place, lancée par Mathieu Menghini, se poursuit avec Carmen, film muet de Cecil B. DeMille (1915), accompagné par l’Orchestre national de jazz qui laissera place à l’improvisation. Place au théâtre avec un premier spectacle destiné aux familles, Mystoires, entre le conte et le théâtre d’ombres, à la fois ingénieux et poétique, puis Ensorcelés par la mort, d’après Svetlana Alexievitch, dans une mise en scène de Nicolas Struve, qui suit le témoignage de trois personnes liées aux valeurs de l’ère soviétique alors que le Mur s’est effondré. Le Forum accueille ensuite Sami Frey qui a mis en scène et interprète Premier Amour, un monologue de Samuel Beckett qui relate les histoires que se raconte un homme au cimetière, près de la tombe de son père ; un jour arrive une femme dont il tombe amoureux… Mais est-il encore capable d’aimer ?

« Tête à claques »
© Alain Janssen

La soirée de présentation se poursuit, égrainant les spectacles qui s’enchaînent au fil des mois dans la diversité et la polyphonie artistique. La chanson suisse sera à l’honneur avec la voix si spéciale, entre parler et chanter, de Pascal Auberson, digne représentant du jazz qui sévit, depuis deux ans, sur les scènes électro. L’artiste s’offre une belle renaissance avec L’Ame jusqu’à l’os, opéra pour un seul homme.
La venue de la Compagnie Dernière Minute, avec Asphalte, dans une chorégraphie électrique, offrira la possibilité au jeunes qui fréquentent l’Undertown de suivre un atelier de hip-hop. Retour à un texte classique, avec Médée, d’Euripide, mais dans une traduction de Florence Dupont, dont la modernité a permis à Catherine Germain, plus connue pour ses rôles de clown, une interprétation très contemporaine.

Honneur au cirque
Et Anne Brüschweiler de souligner que le cirque bénéficie d‘une place d’honneur dans la programmation du Forum. D’où l’accueil de la Cie XY, dans une œuvre collective, Le Grand C, ou Pan-Pot ou Modérément chantant, du Collectif Petit Travers. La nouvelle directrice a fait de cette soirée une véritable table d’hôtes, en y conviant nombre d’invités : Jean Liermier, Hervé Loichemol, et Gisèle Sallin, qui monte, à l’occasion des vingt ans de la Compagnie des Osses, Les Femmes savantes, de Molière, vive critique de l’Académie française que l’auteur trouvait obsolète déjà à son époque.

Jacques Gamblin dans « Tout est normal mon cœur scintille »
© Elisabeth Carecchio

Le Forum reste fidèle à son rôle de passeur de talent, en proposant des rendez-vous artistiques inhabituels, comme Hear my Prayer, un chœur sous la direction musicale de Robert Hollingworth, qui interprète de grands classiques (Purcell, Barber, Sandström), poussant l’art vocal à son apothéose.
La liste serait encore longue à énumérer… Mais on peut encore mettre en appétit le public en attisant sa curiosité, en annonçant la venue de Jacques Gamblin, dans une œuvre personnelle qu’il met en scène, Tout est normal mon cœur scintille, écrite suite à un chagrin d’amour. Les innovations originales de cette saison proposent, d’une part, un banquet d’équinoxe, autour de Rabelais, dont quelques vers ont été déclamés par Claude Thébert, histoire de nous mettre en appétit. Insolite, aussi, cette proposition de théâtre en appartement avec Claude Thébert qui propose La vie errante d’Yves Bonnefoy, dans une sorte de lecture-récital ; il s’en explique : « Je viens chez vous, vous aurez préparé quelques agapes, je me mets à réciter l’œuvre proposée, et on en discutera », prolongeant la soirée au gré des conversations et des rencontres.
Thomas Fersen, Israel Galvan, danseur de flamenco novateur, un partenariat avec Archipel, Festival des musiques d’aujourd’hui, avec Valère Novarina, que la nouvelle directrice avoue avoir rencontré sur un télésiège aux Gets…

Tant de noms pour une saison riche en découvertes et retrouvailles, promettant de satisfaire la curiosité du public et d’enrichir son silence… Le ton badin reste de mise, puisque cette présentation se termine par la performance d’un jongleur de La Scabreuse, Nathan Israel, qui s’enduit le corps de peinture tout en jonglant. Après sa démonstration convaincante, il explique le nom de leur compagnie : la Scabreuse, qui est sans cesse à la recherche des limites, tant artistiques que de la décence, en soulignant que leur leitmotiv est « se rappeler de nouvelles choses ». Un programme prometteur et alléchant dont l’intégralité est à découvrir sur le site du Forum.

Firouz-Elisabeth Pillet

www.forum-meyrin.ch