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Saison 2009-2010 de L’Heure bleue - TPR
La Chaux-de-Fonds : Saison chaude à la Tchaux

Andrea Novicov, nouveau directeur du TPR et de L’Heure bleue, propose une programmation audacieuse.

Article mis en ligne le octobre 2009
dernière modification le 27 octobre 2009

par Julien LAMBERT

Théâtre, danse, cirque, concerts, chanson : les théâtres chaux-de-fonniers, dont Andrea Novicov a repris la direction avec audace et volonté, proposeront l’an prochain une trentaine d’accueils qui balayent le spectre des arts dans toute sa largeur. Les coproductions qui s’y mitonnent déjà s’accordent sur une tonalité très contemporaine.

La présentation qu’Andrea Novicov a donné de sa première programmation chaux-de-fonnière, au théâtre de L’Heure bleue ce 20 août, avait de quoi décoiffer le fidèle public local. Un petit théâtre coquet à l’italienne, écrin de luxe pour les accords pop de Mariah Carey, puis l’humour déphasé de Plonk & Replonk, maîtres incontestés de la carte postale humoristique. L’image contrastée d’une pareille mise en bouche, destinée à rendre attractif un cérémonial saisonnier souvent rasoir, concentre à elle seule la jonction des extrêmes qu’opère le nouveau directeur. Une ambition à la hauteur des attentes que les autorités semblent avoir placées dans L’Heure bleue et le Théâtre Populaire Romand, jumelés en un Centre dramatique régional neuchâtelois. D’un côté, Andrea Novicov a affirmé sa volonté de privilégier des artistes qui préservent un « équilibre entre la forme et le contenu », autrement dit des lectures dramaturgiquement exigentes exprimées dans un langage « en adéquation parfaite avec le monde ». Objectif parfaitement réalisé par le directeur dans sa récente mise en scène de Woyzeck, fidèle aux tensions du texte qu’elle replaçait pourtant dans une banlieue cosmopolite à l’image de notre monde.

« Le jeu de l’amour et du hasard »
© Marc Vanappelghem

Bourrasque de jeunesse
Cette intégrité dramaturgique n’empêche aucunement l’originalité. Les six spectacles qui seront coproduits l’an prochain en terres horlogères affichent même une contemporanéité de l’ordre d’Avignon ou de la Bâtie, faite d’expérimentation, de dérision effrontée et d’une audace qui passe les genres au mixer. Même Novicov, que les Lémaniques auront connu plus austère, accordera sa propre création annuelle avec cet esprit : il crée ex nihilo Dernier thé à Baden-Baden avec Plonk & Replonk, graphistes fous mués en comédiens et en agent-doubles, qui hésiteront à être moi ou moi, à rejoindre Baden ou Baden.
Un même esprit déconneur semble habiter les projets de deux jeunes artistes. Robert Sandoz, après Py et Duras, affronte un texte japonais inmontable où les chats parlent et les poissons pleuvent du ciel. A peine sorti de la Manufacture, Alexanre Doublet entame quant à lui tout de suite sa carrière avec un projet de quatre spectacles pour autant d’actes du Platonov de Tchekhov, conçus comme quatre épisodes d’une série télévisuelle. Le premier, intitulé Il n’y a que les chansons de variété qui disent la vérité, prend au pied de la lettre l’emphase de succès pop, mixés avec la réécriture du texte tchekhovien. Autre projet hybride : celui du genevois Dorian Rossel, qui après la bande-dessinée et le succès de Quartier lointain, propulse sur les planches un documentaire policier haletant : Soupçons. Une affaire de meurtre sanglant, dont est injustement accusé un nanti américain.

« Les Inepties volantes »
© Christian Raynaud de Lage

Si l’imprégnation des planches par l’esprit télévisuel effrayera les puristes adeptes d’un théâtre plus artisanal, ils trouveront un travail totalement en phase avec cette conception dans l’ébauche d’un Eloge du poil, que la Française Jeanne Mordoj mûrit patiemment en résidence au TPR, avant de le présenter au Festival de la Marionnette de Neuchâtel. Passée par la sculpture pour arriver au cirque, cette femme à barbe authentique y cultive un étrange laboratoire d’objets en décomposition, afin d’affiner notre ressenti de la matière organique et de brouiller les conceptions du beau et du laid. Baudelaire s’invite dans le théâtre d’objets…
En marge de cette bordée de créations gonflées, le fabuleux Didon et Enée de Purcell semble bien isolé. Mais dans sa re-création avec des chanteurs locaux d’une mise en scène encensée à Montréal, le metteur en scène québécois François Racine placera ce classique de l’opéra dans une atmosphère atemporelle et épurée, qui laissera le premier rôle à la musique.

Grands noms
Confiant dans la curiosité de son public, le directeur de L’Heure bleue-TPR n’entend donc pas pour autant le léser de valeurs sûres.

« Sweeney Todd »
© Magali Dougados

En invitant Patrice Chéreau et l’interprète hallucinante de sa Phèdre, Dominique Blanc, dans La Douleur de Marguerite Duras, mais aussi Charles Berling et Dominique Pinon dans Fin de partie, Le Cirque invisible de Victoria Chaplin et Jean-Baptiste Thierrée, ou encore Dieudonné Niangouna et ses Inepties volantes, il a même fait très fort. Plus que la séduction des stars, on lit dans ces choix une admiration pour des porte-fanions du jeu d’acteur. Du théâtre, du vrai, que les créateurs romands représenteront aussi. À l’image de Jean Liermier et de ce Jeu de l’amour et du hasard d’une justesse inouïe qu’il a créé à Carouge, ou encore d’Alain Perroux avec la Comédie musicale Sweeney Todd.
Pointue, prestigieuse et aventureuse, la programmation musicale l’est aussi, avec les pianistes jazz Abdullah Ibrahim et Jacky Terrasson, mais aussi le chanteur Polar et son groupe extraterrestre composé de musiciens handicapés, la Fanfare du Loup, et de jeunes chansonniers vagabonds d’ici et d’ailleurs. Last but not least, un accent tout particulier est mis sur les jeunes publics, qui seront gâtés avec sept spectacles à leur intention. S’il ne fallait nommer qu’un bijou remarqué en Avignon l’an dernier : Kiwi, de l’auteur contemporain Daniel Danis, errance d’un gamin des rues entre horreur et illumination, où la vidéo sert de piédestal au théâtre hypersensible des visages.

Julien Lambert

Programme complet de L’heure bleue – Théâtre Populaire Romand sur www.heurebleue.ch et www.tpr.ch. Billetterie : 032 967 60 50.