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Saison 2009-2010 du Théâtre des Osses, Givisiez
Givisiez : Célébration

Entretien avec Gisèle Sallin au sujet de la nouvelle saison.

Article mis en ligne le octobre 2009
dernière modification le 27 octobre 2009

par Julie BAUER

C’est au Théâtre des Osses que la très dynamique Gisèle Sallin a pris le temps de nous recevoir, afin de nous parler de la saison à venir, de sa collaboration avec Nancy Houston, ainsi que des 30 ans de la Fondation des Osses.

Le Théâtre des Osses fête ses 30 ans, un mot sur son évolution ?
Avec Véronique Mermoud, nous sommes parties d’une petite compagnie off et nomade. Maintenant, nous sommes un Centre dramatique sédentaire. Un jour, on m’a proposé de donner pendant une année des cours au Conservatoire de Fribourg. J’y ai découvert une joie de vivre et un sens du jeu tel que j’ai continué cela durant 20 ans. J’y ai coaché pour un cursus professionnel des acteurs et des metteurs en scène tels que Sylviane Tille, Anne-Marie Yerly ou François Gremaud. Lorsque l’Etat de Fribourg a fondé le Département cantonal des Affaires Culturelles, une institution construite avec une grande rigueur et des lois solides, nous avons déposé un dossier pour développer un projet de Centre dramatique qui soit une fabrique de spectacles où se créent des décors, des costumes, etc. Cela a été accepté. Ensuite, pour que cela fonctionne, il faut un réservoir d’acteurs et de metteurs en scène. C’est ainsi que débute l’histoire. Maintenant, nous sommes une école préparatoire pour la Manufacture.

Gisèle Sallin
© Isabelle Daccord

Au niveau économique, comment se porte le Théâtre ?
Le public est attaché au Théâtre des Osses. Il continue de sortir et a peut-être plus besoin de culture dans les moments de crise. En ce qui concerne notre futur économique, nous disposons d’un partenariat trisannuel avec l’Etat de Fribourg et Coriolis – les communes de Fribourg – qui permet la gestion du Théâtre. Pour une entreprise artistique, c’est fondamental, cela offre du confort et permet de créer dans la sérénité.

En 2009 vous fêtez les 30 ans de la Fondation des Osses et en 2010, les 20 ans de présence à Givisiez, avez-vous prévu une célébration spéciale ?
Nous avons choisi d’évoquer cela par un rendez-vous artistique avec des artistes-clefs de l’histoire du Théâtre, plutôt que d’organiser une fête. Il y aura donc la reprise d’Allume la rampe, Louis ! d’Anne-Marie Yerly, un spectacle monté en 1982 qui fait la part belle à l’accent de la Gruyère, aux expressions du langage oral. Il y aura aussi Écocompatible, la troisième partie de la petite saga qui fait suite à Eurocompatible et Mondiocompatible. Écocompatible raconte l’histoire de Trésor et Schatzeli, un couple dont la femme, une Suisse allemande incarnée par Anne Jenny, vit en Suisse romande. Les personnages sont drôles, positifs et se défoncent pour que tout aille bien mais il leur arrive plein de problèmes. Truffé de patois, de traductions française et allemande, ce spectacle clôt l’anniversaire des Osses.

Véronique Mermoud
© Jean Mayerat

Comment va se dérouler la saison ?
La Saison comprend deux volets. L’un concerne la tradition écrite avec Jocaste Reine et Œdipe Roi, et l’autre, la tradition orale, avec Allume la rampe, Louis ! et Ecocompatible. Jocaste Reine est une commande à Nancy Houston. Il nous a ensuite paru évident de mettre cette pièce en résonance avec celle de Sophocle. C’est aussi pour cela que nous allons donner la possibilité aux spectateurs d’assister aux deux pièces dans la même journée soit le samedi à 18h et 20h30 ou le dimanche à 18h et 20h30. Des précisions quand aux dates de ces doubles représentations seront disponibles sur notre site Internet.

Vous mettez en scène quatre pièces, n’est-ce pas difficile à concilier ?
Non, car ce sont des univers dans lesquels je suis depuis plusieurs années. Par exemple, cela fait 30 ans que je travaille sur Antigone. Allume la rampe, Louis ! est une reprise et Ecocompatible est un projet commencé il y a 10 ans. En somme, ce sont des univers dans lesquels j’habite à l’année.

D’où vous vient cet intérêt pour la tradition orale ?
Ce qui m’intéresse c’est la question des autres langages. La langue littéraire d’il y a plus de 2000 ans et la langue contemporaine. C’est une chance d’aller dans un univers, une écriture, une époque différente grâce au théâtre. Par exemple, la langue orale de Molière ou de Marivaux à travers des paysans, des langages savoureux, la musique des mots, des tournures d’esprit qui appartiennent à la tradition orale.
Il y a quelques années le Prix Nobel Roger Martin Du Gard est venu aux Osses avec La Gonfle qui montre qu’à l’intérieur du langage se trouve le contenu, le comportement et l’attention humaine. C’est une philosophie orale, pas livresque. Cette œuvre contient une grande sagesse et de l’esprit critique. Pour ma part, je suis née et j’ai vécu dans une région bilingue, j’ai le plaisir d’entendre des tournures, des accents.

« Jocaste Reine » : Œdipe (Olivier Havran)et Jocaste (Véronique Mermoud
© Isabelle Daccord

Parlez-nous de votre rencontre avec Nancy Huston.
Nancy Houston est une artiste exceptionnelle, une écrivaine de très haut niveau, traduite dans dix-sept langues. Je me suis rendue compte que toutes les femmes dans le théâtre se prêtent ses livres. C’est la seule auteure contemporaine connue qui remporte un tel succès. A Paris, lorsqu’on jouait Mère Courage je lui ai écrit une lettre pour l’inviter. Elle est venue et a été touchée par la pièce ainsi que par l’interprétation de Véronique Mermoud. Cela lui a inspiré une pièce qu’elle a envoyée à plusieurs metteurs en scène dont moi, mais je ne l’ai pas montée. Puis, je lui ai demandé ce qu’elle pensait à propos du vide dramaturgique autour de Jocaste, personnage à qui le théâtre n’a jamais donné la parole, ou demandé son avis. Nancy a donc écrit Jocaste Reine. Ce projet s’est construit en toute amitié, avec de nombreux échanges durant sa création.

Parlez-nous de Jocaste Reine
Je travaille sur Œdipe depuis 30 ans. C’est passionnant de se demander : qu’est-ce qui était si prenant il y a plus de 2000 ans et comment, tout à coup, une telle matière artistique et philosophique donne la possibilité d’y revenir et de la visualiser de façon différente. Jocaste c’est à la fois une mère, une reine, une épouse, et une veuve. C’est un personnage très riche, complexe et intéressant à tous ces titres-là. Le personnage de la mère est dans la vie humaine un des plus crédibles qui soit. Sans la mère, je ne sais pas si le monde serait monde. C’est une figure d’une grande noblesse. Bien sûr, il y a des mères méchantes ou mauvaises, mais elle reste une noble de la Création. Le travail sur Jocaste est lié à mon intérêt pour cette figure. Suite à ma rencontre avec Nancy Houston, cela s’est imposé.

Propos recueillis par Julie Bauer

Infos et loc. : 026 469 70 00, www.theatreosses.ch/