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Annecy, Bonlieu : Large palette - [Arts-Scènes]
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Saison 2009-2010 de Bonlieu scène nationale, Annecy
Annecy, Bonlieu : Large palette

Une saison qui oscille entre valeurs sûres de la scène, et découvertes.

Article mis en ligne le septembre 2009
dernière modification le 20 décembre 2009

par Bertrand TAPPOLET

L’éclectisme est la marque de fabrique de la nouvelle saison de Bonlieu Annecy, l’une des scènes les plus étonnantes et pertinentes de la région franco-valdo-genevoise.

Théâtre du réel déphasé
Michel Didym est sans conteste l’un des metteurs en scène les plus novateurs dans le renouvellement des formes du burlesque. Signé du romancier Emmanuel Darley, Le Mardi à Monoprix est un texte sensible qui narre par le menu les courses hebdomadaires que Marie Pierre fait pour son père. Mais, à l’instar du voisinage immédiat et de la rumeur, l’ancêtre choyé a bien du mal à retrouver en elle le fils aimé au temps jadis, alors qu’il était mâle et se prénommait Jean-Pierre. Dans une composition proche de celle d’une Madame Marguerite dans la pièce éponyme de Roberto Atayde, c’est le fantasque et irrésistible Jean-Claude Dreyfus qui joue les Mamie Nova transgenre, livrée dans une robe à fleurs des champs et coiffée d’une perruque sur laquelle les ans ont déposé une neige argentée.

« Les Cauchemars du gecko » de Jean-Luc Raharimana
© Philippe Gaubert

Porté à la scène par Thierry Bédard, Les Cauchemars du gecko de l’écrivain malgache Jean-Luc Raharimana est un chant intérieur syncopé et qui met à mal une kyrielle de visions stéréotypées occidentales sur l’Afrique. Hors des sentiers battus d’une intrigue, voici un récit fragmenté mis en voix d’un continent, sacrifié par certains de ses leaders et pillé avec la complicité des grandes puissances. La mécanique dramatique est ici sans appel, embrassant successivement les figures sans cesse retournées de la traite esclavagiste, du livre noir du colonialisme, des errances de la décolonisation et des leurres attachés à la mondialisation. Des comédiens fichés devant un immense panneau que l’on croirait sorti d’un township, multicolore mosaïque de sacs plastiques. Des textes accompagnés à la guitare, comme des éclats rhapsodiques et sous influence rap. Un néocolonialisme travaille au corps les coopérants français envoyés sur sol malgache et les noms des satrapes africains de faire litanie : Idi Amin Dada, Mobutu, Bongo, Kabila, en passant par l’évocation du génocide rwandais, qui dans sa véracité mémorielle, tutoie les récits hallucinés et poignants du journaliste Jean Hatzfeld.

Un monde sans hommes
Jeune auteur et metteur en scène prodige allemand, Falk Richter invente une écriture de plateau, avec comme objet de désir central le travail de l’acteur. Sous la glace est une pièce d’anticipation à la réalité indécidable. Emane-t-elle des mauvais rêves d’un consultant âgé, ou reflète-t-elle le quotidien du monde de l’entreprise qui a l’arrière-goût d’un purgatoire sans fin ? La fable se cristallise autour de trois consultants sagement attablés derrière des micros. Sont-ils victimes ou bourreaux dans une société qui les sanctifient avant de les licencier ? Théâtre à dimension documentaire, tant l’auteur a recueilli le jargon et les attitudes des consultants sur leur terrain d’opérations. Il les superpose, les confronte avant de les réinjecter dans le circuit de l’intime, du personnel. Sous la glace suggère que nous sommes parlés par le formatage d’un discours dominant. Et évoque notre rapport au travail, au langage multipolaire, qu’il soit oral, sonore ou imagé.

Emily Loizeau
© JB Mondino

Eruption chorégraphique
Au-dessous du volcan exactement. Une photo du Pinatubo aux Philippines, entré brusquement en activité en 1991, intéresse le chorégraphe flamand Koen Augustijnen pour son Ashes. Un instantané dont s’inspire la scénographie. Une structure échafaudée sur deux niveaux recouverte d’un enduit immaculé évoquant une gangue cendrée. Elle est constellée d’instruments de percussions, de prises d’escalade et autre trampoline. Accompagnés de deux chanteurs (un alto et une soprano) enchaînant arias et duettos chantés sur le vif devant un orchestre baroque, huit danseurs font du rebond le muscle de leurs évolutions en multipliant relance et rupture des trajectoires avant de voir les interprètes couchés sur le flanc, ondulant, de manière hypnotique, d’avant en arrière. Les danseurs tendent à transcrire les vertiges de la folie amoureuse en exécutant tels des acrobates circassiens de sidérants mouvements de rotation et de saltation, alignant cabrioles, glissades et chutes.
Subtile méditation sur la figure de l’interrelation, de l’interactivité, La Maison dégoupille sur le plateau des danseurs-clowns et arpenteurs illuminés d’espèces d’espace domotiques. Jusqu’à prendre in fine la fuite face à l’insurrection d’une cuisine enfiévrée. A la fois velléité ambulante et discrétion d’être, le duo d’interprètes expérimentent des actions basiques comme rouler, basculer, glisser, ouvrir ou balancer comme éléments de combustion d’une chorégraphie insolite qui renoue avec les riches heures du cinéma burlesque. Mais qui est aussi une superbe reconnaissance de la métaphore à la fois ironique et tragique de l’enchaînement inéluctable des événements.

Bertrand Tappolet

Réservations et renseignements : 00334 50 33 44 11
www.bonlieu-annecy.com