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Saison 2008-2009 du Théâtre de Poche
Genève, Le Poche : La fête aux acteurs

Pour cette nouvelle saison, Françoise Courvoisier reste fidèle à son principe : favoriser les écritures contemporaines et locales.

Article mis en ligne le septembre 2008
dernière modification le 25 septembre 2008

par Julien LAMBERT

Pour sa sixième programmation d’une saison au Poche, Françoise Courvoisier reste fidèle à son principe : favoriser les écritures contemporaines et locales, auxquelles elle adjoint en apéro de luxe un Britannicus à Pitoëff. Mais surtout, celle qui râle souvent contre le dénigrement des acteurs au profit des metteurs en scène et des auteurs, propose en six pièces autant de prétextes aux performances de comédiens, qu’on retrouvera d’ici, d’ailleurs, dans les combinaisons les plus prometteuses, à portée de main, dans la poche !

S’il est un théâtre qui n’oublie jamais de faire la part belle aux acteurs, seuls dieux incarnés de la scène mais premiers oubliés des palmarès et des journalistes, c’est bien le Théâtre de Poche de Françoise Courvoisier. Ils parlent aux présentations de saison, s’épanchent dans les Cahiers du Poche, posent en gloire sur les affiches. Ceci n’étant pas uniquement dû au fait que depuis soixante ans, l’exiguïté bien familiale des lieux nous permet d’y observer le vol de chacun de leurs postillons, ni que les auteurs programmés y soient audacieux et peu connus, mais aussi simplement à la chance d’y voir souvent les metteurs en scène réunir le meilleur comme le plus insolite de la scène genevoise, et pas toujours la même bande de copains comme tant d’autres. Des grands acteurs, il y en aura pléthore lors de la saison 2008-2009, que Françoise Courvoisier a dévoilée dernièrement avec la frénésie et le délicieux flou artistique qui la caractérisent.

Mise en scène et écriture
Trois fois « meilleur acteur de l’année » aux Molières, Gérard Desarthe a fait les beaux jours du meilleur Chéreau, il a porté ses rôles les plus existentiels, Hamlet, Peer Gynt, avec un alliage pur de la présence, de la voix, une pénétration métaphysique, sans avoir besoin de se déshabiller ou de sauter aux murs. Il était venu diriger L’Amour en quatre tableaux de Bärfuss en 2006 avec réussite, mais Britannicus , ses vers et ses pulsions à vif devraient encore mieux lui permettre de mettre à nu sa connaissance du métier partagée avec d’anciens compères sous Chéreau, les remarquables Christian Grégori et Olivier Perez, ou les plus rôdés des Helvètes, Jean-Quentin Châtelain et Véronique Mermoud. On n’a pas souvenir d’avoir vu pareil plateau depuis bien longtemps.

Gérard Desarthe
© Steeve Iuncker

Un grand acteur aux commandes laisse forcément suinter sa sensibilité du jeu sur les planches, mais quand il prend la plume ce sont les mots qui se gonflent de l’énergie de sa diction. Rien de plus vrai quand on parle de Jacques Probst, dont Le Quai raconte comme souvent une rencontre d’oubliés, dans le jardinet d’un garde-barrière. Un rôle qui ira comme un gant à Michel Rossy, entouré de Carine Barbey, Nathalie Lannuzel et Elodie Weber. La jeune metteuse en scène Camille Giacobino a elle aussi bien plus joué que dirigé. Tant mieux : c’est sûrement d’instinct qu’on aborde le mieux le vers vagabond de Probst et ces situations que Giacobino dit avec raison « sans réponses, ce qui laisse la place libre à l’imaginaire ».

Monologue et musique
La découverte devrait cependant être de plus grande envergure encore pour le spectateur genevois avec l’accueil d’un spectacle encensé en Avignon l’an dernier, Le Jour où Nina Simone a cessé de chanter , monté par Alain Timar. Ici la comédienne est tout, elle donne son sens à la scène : Darina Al-Joundi joue sa vie, qu’elle a racontée et mise en forme avec l’écrivain algérien Mohamed Kacimi. En résulte un monologue brûlant qui dit la liberté forcée et périlleuse d’une fille de révolutionnaire dans le Liban en guerre ; sexe, sang, rancoeurs, belle partition pour un monologue à souffler à l’oreille d’un mort.
Françoise Courvoisier ne nous fera pas cette année le plaisir de remonter sur sa scène, en revanche elle nous livre pour la première fois un texte de son cru et fera de son collègue directeur du Passage Robert Bouvier son Répétiteur .

Magali Pinglaut dans « Bord de mer » lors de la saison 2006-2007
© photographie/copyright Steeve Iuncker

Cette plongée musicale dans les confidences d’apprentis musiciens, aux couleurs du tarot, « psychanalyse qui coûte pas grand-chose » selon les mots jamais remâchés de la directrice, proposera, entre autres, une interlocutrice merveilleuse à la candeur domestiquée de Bouvier, en la personne de Magali Pinglaut. La comédienne belge, chavirant immobile sur les planches, avait gardé tendu sur sa prosodie aérienne les plus infimes inflexions du bouleversant Bord de mer, sans jamais baisser pavillon, dans un des plus beaux monologues que Genève ait connus.

Jeune plume et vieilles gloires
Le jeune metteur en scène Gian Manuel Rau, apprivoiseur du Pélican de Strindberg l’an dernier à Vidy, nous fera découvrir d’autres visages d’outre-mer, pardon d’outre-Sarine, dans la pièce inédite en français de Lukas Bärfuss, Die Probe . En Néron contemporain enivré par l’appel du pouvoir, Jacques Michel, diabolique conteur de L’Histoire du soldat pour l’ouverture du nouveau théâtre de l’Alchimic, leur donnera une réplique romande des plus valables dans le rôle principal.
Enfin pour nous reposer de tant de jeunesse, aimerait-on dire avec ironie, Martine Paschoud s’est plu à rassembler une étonnante pléiade de vieux crus locaux dans la maison de retraite de Loin du bal . Ce texte de la Genevoise Valérie Poirier rappelle furieusement les polissonneries séniles du Petit-bois de Viala, dont les résidents étaient pris eux aussi entre désillusion morbide et rêves inassouvis. La populaire Loulou en mère fouettarde, la brûlante Jane Friedrich en centenaire revêche, Monique Mani et Jean-Charles Fontana auront de quoi transcender en jubilation les accents glauques de cette partition pour dentiers. Ce dernier dit se réjouir d’avance d’offrir ses cheveux blonds, son cœur libertaire et son métier, qui a servi Jean Marais comme Benno Besson, aux désirs de paternité d’un rocker nostalgique.

Julien Lambert

Réservations et abonnements : 022 310 37 59