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Carouge, Théâtre : Classiques frais - [Arts-Scènes]
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Saison 2008-2009 du Théâtre de Carouge
Carouge, Théâtre : Classiques frais

Saison de transition au Théâtre de Carouge, placé dorénavant sous la direction du metteur en scène Jean Liermier.

Article mis en ligne le septembre 2008
dernière modification le 25 septembre 2008

par Julien LAMBERT

Metteur en scène unanimement salué pour sa relecture extralucide des classiques, Jean Liermier prend la direction du Théâtre de Carouge à la suite de François Rochaix. Sa volubilité, son enthousiasme, sa foi dans une réinvention constante de son art, mais surtout les spectacles prestigieux qu’il pourra faire venir comme sa confiance pour les créateurs locaux font l’effet d’un joyeux coup de peinture fraîche sur les sur les murs du théâtre de François Simon.

Jean Liermier est un homme d’idées, il aime transmettre sa vision du théâtre dans ses actualisations de classiques actualisés, il aura également à cœur de le faire dans sa première programmation au Théâtre de Carouge, qu’entament justement des spectacles initiateurs de questionnements sur le théâtre. « Les spectateurs ne se rendent pas compte de ce qui se passe chez un acteur », dit Liermier. «  J’ai le souvenir d’avoir été très déstabilisé dans mon jeu, lorsqu’un élève m’a visé avec un laser, me donnant l’impression d’être menacé par un fusil : je ne pouvais rien faire et vivais en moi un spectacle parallèle ». C’est dans le fil de cette réflexion que Philippe Morand réunira, dans Les Spectateurs , un collectif d’acteurs genevois charismatiques autour de leurs vécus, pour faire « ressentir au spectateur qu’il est acteur sans le savoir ».
La venue du Cirque invisible de Victoria Chaplin, fille de Charlot et pionnière avec son mari Jean-Baptiste Thierrée du « nouveau cirque », procède également de ce « retour à l’origine, aux sources de l’engouement actuel pour le spectacle purement visuel. Parfois, ne pas voir les choses aide à mieux les regarder ensuite » ajoute Liermier, qui pensait d’abord « faire venir un spectacle sans acteurs » pour mieux distinguer l’apport du comédien, mais a préféré ce spectacle aux images « d’une poésie à tomber par terre, Victoria Chaplin faisant elle-même les déguisements qui lui permettent de se transformer en un clin d’œil ».

Jean Liermier en répétition pour « On ne badine pas avec l’amour » de Musset, septembre 2004.
Photo de répétition : Marc Vanappelghem

Marivaux, Musset et… Piccoli
Liermier reste cependant avant tout le promoteur de grands textes, comme Les Caprices de Marianne de Musset, dont il reprend sa mise en scène de Vidy, ou Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux, qu’il va créer. Comme dans son formidable Médecin malgré lui, qui prenait crûment Molière au pied de la lettre, pas de badinage ni de marivaudage selon Liermier chez ces dramaturges. Ainsi l’improbable chassé-croisé amoureux de Marivaux est-il pour lui « une pièce de trentenaires, qui parle de l’engagement dans un couple. Sylvia a peur de se marier car elle craint les hommes qui adoptent un double visage ». Son travestissement inquisiteur pose ainsi la question du théâtre, « qui ne fait que révéler par le jeu de vraies personnalités ».
De même pour Musset : « ni lui ni Marivaux ne sont manichéens, ils ne créent pas des caractères, mais c’est à force de se débattre dans sa situation sociale que Marianne trouve son personnage ». La fureur de vivre de cette génération de 1830 aux idéaux sacrifiés se retrouve même mise en abîme par le choix de comédiens fraîchement issus de l’école de la Manufacture. Outre ces créations du foisonnant directeur des lieux, le spectacle le plus attendu de la saison est certainement Minetti de Thomas Bernhard, qui narre la rencontre d’un comédien et d’un metteur en scène accomplis, autour du Roi Lear. Michel Piccoli et René Engel font là un « clin d’œil » évident à leur création du chef-d’œuvre de Shakespeare, Liermier étant alors assistant.

Les forces locales aussi en valeur
Un spectacle aussi prestigieux n’aurait jamais pu venir à Genève sans les contacts et la réputation que s’est forgés Jean Liermier à Paris. Il est pourtant loin de cracher dans la soupe : « je ne viens pas de Paris, j’ai fait mes armes avec les créateurs locaux et c’est avec eux que j’ai envie de travailler ». Ainsi aura-t-on le plaisir de voir projeté dans l’institution le jeune comédien et metteur en scène José Lillo, qui dans La troisième nuit de Walpurgis avait donné à Saint-Gervais un modèle d’endossement purement verbal d’un texte, sur une partition ardue, essentiellement rhétorique. Liermier se souvient ainsi avoir « découvert un spectacle pour vingt personnes dans un petit squat derrière la gare : une flaque d’eau, deux acteurs, un texte ». Autre forme d’épure théâtrale, ce sont Les Nuits blanches de Dostoïevski, qui seront reprises dans l’intimité de la petite salle Gérard-Carrat. Autre adaptation d’un texte non dramatique, Candide , par Hervé Loichemol, un habitué du Carouge de Rochaix dont les principes brechtiens font un élément plus surprenant de cette programmation. «  Heureusement qu’on n’a pas des clones de Liermier toute la saison, se réjouit le directeur. Loichemol est un grand meneur d’acteurs, qui cherche à sa manière l’actualité des textes ». En l’occurrence, Liermier voir l’actualité du conte philosophique dans le thème du déni : « la façon qu’ont Candide et Pangloss de traverser les catastrophes comme des autruches, en pensant que ça ira mieux, me rappelle les promesses de redressement des banquiers face à la crise économique ».
Les spectateurs devront encore le vérifier, mais dans les principes Liermier semble avoir parfaitement réussi sa conversion à de nouvelles fonctions qui exigent altruisme et ouverture. Preuve en est l’invitation à Carouge du feu follet Omar Porras, que le directeur a su orienter vers un classique français qui parachève cette saison manifeste : Molière. «  Porras a beaucoup de liens avec Scapin, un malin au sens noble. Ces personnages qui font preuve de beaucoup d’esprit et de facilité cachent souvent une révolte en eux-mêmes, comme Porras en tant que gamin de Bogota ».
Rareté politique : le spectacle de Carouge se poursuivra au Forum Meyrin. Le théâtre de Mathieu Menghini s’est en effet associé à Carouge, reproduisant d’anciens rêves de mise en commun des forces créatrices, une nécessité selon Liermier, compte tenu de « l’état difficultueux du théâtre français », dans le but principal d’offrir des avantages aux spectateurs de ces deux théâtres aux antipodes. Ainsi, avec l’abonnement unique mis au point, théâtreux carougeois et meyrinois pourront assister à la fois aux spectacles de Liermier, Lillo et Loichemol, et à ceux de Wajdi Mouawad, d’Olivier Py, au Woyzeck de Novicov et à la création d’Alias.

Julien Lambert

Réservations et abonnements au 022 343 43 43