La seconde partie de saison de Vidy promet Tchekhov, Godard, Musset, Marivaux, Mishima, mais aussi Louis Jouvet-Romain Gary et Jean Villard Gilles pour les textes. Elle maintient Charles Tordjman, Denis Maillefer, Jean-Yves Ruf et Luc Bondy aux commandes, et s’offre en prime l’accueil de deux spectacles du festival de dance Steps. Avec une moyenne de 15 productions par saison, Vidy se veut plus dynamique que jamais.

D’emblée, la couleur est annoncée avec deux pièces plutôt costaudes. Le rouge avec "Pierrot le fou (pas du sang, du rouge)", une adaptation du film de Godard (cf. ci-dessous), et le bleu avec "Fish Love" d’après Tchekhov par la Suissesse Lilo Baur.

Amour & Humour
Comédienne et metteur en scène en Angleterre comme en France, dans "La Tragédie d’Hamlet" de Brook, avec lequel elle a collaboré sur les "Fragments" de Beckett, ou au cinéma ("Vollmond de Fredi Murer, "Le Journal de Bridget Jones", ou le prochain film de David Yates "Bleak House"), Mrs Baur adapte cinq nouvelles de Tchekhov (dont "Amours de poisson", qui a donné lieu à la splendide affiche du spectacle). On devrait y retrouver des poissons ("La Pêche"), l’amour bien sûr, et aussi l’humour de Tchekhov, que Lilo Baur dit plus concentré dans ses nouvelles.
Il y a direction de textes et d’acteurs, mais aussi directeurs d’institutions. Pour cette seconde partie de saison, Vidy sollicite des nombreuses figures qui portent cette double casquette. Ainsi, en janvier, Charles Tordjman propose "Slogans". Le directeur du Théâtre de la Manufacture Nancy-Lorraine ("Daewoo"), à qui Vidy doit déjà "Anna et Gramsci" et "Eloge de la faiblesse", puise la matière de son spectacle dans une obscure écrivaine anarchiste russe, Maria Soudaïeva. De celle dont aucun texte n’est disponible en Russie (pour cause de censure), Tordjman tire un fiel aigre, une contestation violente contre la mafia russe, le désespoir de deux femmes en fuite, impuissantes.

Dépoussiérage
Février à quatre voix. Tandis qu’à La Passerelle de Vidy se joue "La Passion selon Jean : Mystère pour deux voix", théâtre documentaire d’Antonio Tarantino mis en scène par le directeur de La Manufacture (Haute Ecole de Théâtre de la Suisse Romande) Jean-Yves Ruf, deux autres voix résonneront dans la salle Charles Apothéloz : celles de Louis Jouvet et de Romain Gary. Leur correspondance entre 1945 et 1951, ainsi que "Tulipe ou la protestation" de Gary-Ajar, fournissent au Français Garbiel Garran la base de sa nouvelle production, à laquelle il convoque Dominique Pinon, Pierre Vial et cinq autres comédiens.

En avril, le futur directeur du Théâtre de Carouge Jean Liermier revient à Vidy. Poussé par le succès de son "Médecin malgré lui", il poursuit son dépoussiérage du répertoire classique en montant "Les Caprices de Marianne" de Musset, selon Liermier un formidable scénario de cinéma.
Mi-avril, le réalisateur ("Terre étrangère") et directeur des Wiener Festwochen, le Zurichois Luc Bondy (Vidy se rappelle encore de son "En attendant Godot" en 1999), met en scène "La seconde Surprise de l’amour" de Marivaux, variation de la première. Vingt ans après sa mise en scène du "Triomphe de l’amour", Bondy revient à Marivaux pour empêcher un mariage forcé. Un rendez-vous théâtral très attendu.

Enfin Vidy met un peu d’Arsenic dans son vin puisqu’il accueille la dernière mise en scène de Denis Maillefer ("La première Fois", "Gênes 01" et "Nature morte dans un fossé", "On liquide", "Bérénice", "La Cerisaie", “Léonce et Léna", "Roberto Zucco" et Ramuz) : "L’enfant éternel", d’après le premier roman éponyme que Philippe Forest a écrit après la mort de sa petite fille en 1997. Bouleversement et Peter Pan en perspective.

Frank Dayen

Théâtre de Vidy : rés. au 021 619 45 45, www.vidy.ch.