Hasard du calendrier, la première partie de saison à Vidy sera en majorité circassienne (Les Arts Sauts, Circo Aereo et Les Objets Volants, Lefeuvre et André). Les grands ne seront cependant pas oubliés : auteurs (Pinter, Goldoni, Pascal, Thomas Bernhard…), metteurs en scène (Goebbels, Porras, Bayen, Rossier, Zabou Breitman…), interprètes (Merlin, Guillaumat… et même Pascal Auberson). Glissons-nous sous le rideau pour guigner.

Cirque
Les Arts Sauts c’est fini ! Sniff. Depuis quelques années, les membres du collectif avaient annoncé vouloir cesser leur collaboration. "Ils ont l’impression d’être arrivés au bout de quelque chose, explique René Zahnd, directeur adjoint de Vidy. Ils ont peur de trop se répéter dans leurs numéros… Et puis beaucoup de ces acrobates ont aujourd’hui entre 45 et 50 ans." C’est donc d’une même voix que le collectif a décidé de se dissoudre ainsi que de présenter son ultime performance à Vidy en septembre. "Ils l’avaient promis en 2003 – date de création d’Ola Kala -, continue Zahnd, après qu’un coup de vent a abattu le chapiteau et les a condamnés à présenter leur spectacle, en novembre, dans un espace qui était moins approprié. Cette année, le spectacle pourra enfin se dérouler selon la scénographie originale."
Après les Arts Sauts, qui avaient l’habitude d’ouvrir les saisons à Vidy, la relève circassienne viendra-t-elle du Circo Aereo et Les Objets Volants (la troupe proposera un spectacle "Espresso" en novembre) ? ou alors du tandem Jean-Paul Lefeuvre et Didier André, qui avaient montré leur "Jardin" à Vidy en 2005 ? En décembre, ils poseront une réflexion sur le corps omniprésent dans notre quotidien, à travers un "Bricolage érotique" dont la gestuelle et l’humour devraient faire pâlir Buster Keaton.

Auteurs
Longtemps délaissé par Vidy, Goldoni est programmé pour septembre-octobre. Mais c’est un morceau de taille qui attend la scène lausannoise puisque trois pièces seront jouées à la suite (sous le titre "La Trilogie de la Villégiature"), mises en scènes par un habitué des triptyques, Patrick Haggiag, qui avait monté "La Trilogie du revoir" de Botho Strauss à Genevilliers en 1998, et qui s’attelle en ce moment à "L’Orestie" d’Eschyle. Autres auteurs classiques, Bertolt Brecht sera porté par Omar Porras (il revient présenter "Maître Puntila et son valet Matti") tandis qu’Harold Pinter constituera le terrain de jeu de Valentin Rossier (il donnera sa version de la "Célébration"). Le metteur en scène et comédien genevois pourra notamment compter sur l’appui des artistes romands Jacques Roman et Maurice Aufair. Dans son roman "Le Neveu de Wittgenstein", l’écrivain autrichien Thomas Bernhard parle de son amitié avec le Paul Wittgenstein, le neveu du célèbre philosophe. Bernard Levy et Jean-Luc Vincent en signent une adaptation, qui ne pouvait seoir qu’à la voix d’outre-tombe de Serge Merlin. Un autre comédien se retrouvera seul sur scène, le Belge Michel Kacenelenbogen, plus connu pour ses mises en scène. En décembre, il s’attaquera comme un grand à "Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran", roman d’Eric-Emmanuel Schmitt. Enfin, Bruno Bayen se lance dans un défi impressionnant : adapter (aidé de Louis-Charles Sirjacq) et porter sur scène "Les Provinciales" de Blaise Pascal alias E.A.A.B.P.A.F.D.E.P. (Et Ancien Ami Blaise Pascal Auvergnat Fils D’Etienne Pascal), pseudonyme qu’il utilisait dans ses écrits pour éviter l’hérésie. Censuré en 1660, ce journal pamphlétaire ressort du genre épistolaire, et la plupart de ses lettres comprennent des dialogues à points de vue critiques sur la religion et l’Eglise.

Performances
La troisième grande catégorie de productions qui composent la programmation 07-08 comprend "The Pianopiece" (titre de travail), de l’Allemand Heiner Goebbels. Créée à Vidy, comme ses trois derniers spectacles, la pièce ne fera évoluer aucun comédien. Juste un piano sur scène, et un dispositif technique pour produire des effets, des effets de théâtre donc. L’habitué de Vidy ("Max Black", "Hashirigaki", "Eraritjaritjaka"), n’a pas fini de nous surprendre. Autre projet inédit, ce spectacle basé sur le livre de la journaliste Marie-José Auderset "Brûlures profondes, récit de vie de deux grands brûlés". Gérard Demierre s’en empare pour jouer avec le feu, avec les masques et avec un acrobate, une actrice, un enfant, un homme brûlé, une femme brûlée et cinq figurants. En complément à ce spectacle, le CHUV abritera en septembre une exposition intitulée "Face à la brûlure". Autre écorché de la vie, le comédien Gérard Guillaumat donnera vie, le temps de deux lectures, aux personnages de Dickens (début octobre) et à l’expérience de l’auteur algérien Louis Arti (début novembre) : "Guillaumat se souvient… trouve… et revient". Parce qu’une scène ne lui suffit pas, parce que ce qu’il fait n’est pas uniquement chanter, Vidy offre à Pascal Auberson de fouler sa grande scène durant un week-end ("Kelomès") : "À mes yeux, justifie l’intéressé sur le site MySpace, il est important que "Kelomès" se joue sur une scène de théâtre où des millions de mots français flottent en permanence dans l’air". Ce sont moins les mots qui intéressent Sylvie Courvoisier et Mario Del Curto que, respectivement, les sons et la photographie. Ensemble ils donneront quelques "Lueurs d’ailleurs". Enfin, les images inspirent aussi l’actrice française Zabou (Breitman), moins connue pour ses mises en scène. Celle à qui "Se Souvenir des belles choses" valut trois Césars exploitera le matériel filmique du célèbre photographe-réalisateur Raymond Depardon ("Urgences" et "Faits divers") dans "Des Gens", "une plongée au cœur de l’humain", explicite-t-elle.
La première partie de saison de Vidy concentre maints spectacles de cirque, d’acrobatie, voire de productions relevant plus de la performance que du théâtre à texte. "Il s’agit vraiment d’un hasard du calendrier", explique René Zahnd. La seconde partie réservera d’autres surprises, l’occasion pour "Scènes Magazine" d’y revenir.

Frank Dayen

Programme de la saison sur www.vidy.ch