Gino Zampieri – dont c’est la dernière saison à la tête du Théâtre Populaire Romand et de L’heure bleue - est un directeur artistique amoureux d’un théâtre multiple, divers, ouvert à tous les publics. Il le prouve une nouvelle fois cette saison : de la tragédie classique à la comédie de boulevard, en passant par une vitrine consacrée à la création romande contemporaine, le public de La Chaux-de-Fonds et d’ailleurs est assuré de vivre quelques précieux moments de théâtre.

Quelques grands noms de la scène théâtrale française seront à l’affiche cette saison à La Chaux-de-Fonds : Jacques Weber en Cyrano, Michel Galabru dans la peau de Monsieur Amédée. Des grands noms d’ici (Robert Bouvier, Valentin Raymond, François Rochaix, Michel Beretti notamment) permettront au public de découvrir une scène romande extraordinairement active et fertile. Une partie importante de la programmation 2007-2008 est consacrée à des grands classiques du théâtre occidental – les « fondamentaux » comme les appelle Gino Zampieri : Phèdre, Le Barbier de Séville, L’illusion comique ou encore la monumentale Trilogie de la villégiature de Goldoni seront l’occasion de se confronter à des textes toujours actuels, encore et toujours éclairants. Enfin du théâtre pour la famille et du nouveau théâtre inventif pour rire et se divertir !

Evénement
Premier spectacle de la saison et premier grand événement, du 18 au 28 octobre 2007 : Phèdre de Jean Racine, dans une mise en scène de Gino Zampieri. La scène du Théâtre Populaire Romand sera transformée pour l’occasion en un impressionnant décor de marbre noir. Le temps et le lieu de cette Phèdre ne sont ni la Grèce archaïque, ni la France du XVIIe siècle. Il s’agit d’un retour à l’essence du chef-d’œuvre de Racine, la tentative de mettre en évidence l’actualité de cette histoire de culpabilité, de silence et d’inceste. Pour l’interpréter, deux comédiens français : Odile Cohen et Farid Bentoumi.
Le mardi 30 octobre 2007 à L’heure bleue, Les gloutons par la Compagnie du Passage à Neuchâtel (m.e.s. Robert Bouvier). La dernière création de Robert Bouvier invite le spectateur à une échappée belle au pays des rêveurs, des joueurs et des amoureux fous. Cette pièce décrit la vie de personnages pris par leurs rêves, qui veulent bien être pris et qui essayent même d’accélérer follement le rythme, de faire battre leur cœur encore plus fort. Un kaléidoscope enchanté, une fantaisie visuelle aux images éclatées, à découvrir absolument.
Deux classiques du théâtre français à l’affiche de L’heure bleue au mois de novembre. Le 1er novembre, L’illusion comique de Pierre Corneille, dans une mise en scène de Marion Bierry (une production du Théâtre de Poche Montparnasse, Paris). Théâtre dans le théâtre, miroir dans le miroir, cette pièce est un « étrange monstre », selon son auteur. Le théâtre à son plus haut degré de subversion et de jouissance.
Le mercredi 21 novembre, Jacques Weber interprétera Cyrano dans la pièce du même nom (m.e.s. André Serré). Un grand comédien au service de ce monument d’Edmond Rostand, et une mise en scène originale : un écran sur lequel défile un chef-d’œuvre du cinéma muet signé Antonio Genina.
Changement de ton avec Vache actuelle de Camille Rebetez, mis en scène par Laure Donzé (le vendredi 23 novembre au TPR). Après avoir sondé avec un humour décapant la question de l’apprentissage laborieux de la langue allemande (Guten Tag, ich Heisse Hans), La Compagnie Extrapol explore les représentations du mythe de la vache. Un parallèle hilarant entre la vache et l’humain.
Le samedi 1er décembre 2007 : Du rouge dans les yeux de Michel Beretti par la Compagnie de L’Organon (m.e.s. Simone Audemars). L’histoire est pour le moins surprenante : le point de départ est l’Orestie d’Eschyle ; par la suite, la vidéo d’un ado est découverte dans laquelle il raconte comment il a tué sa mère. Quelques internautes en parlent sur un blog, puis ils se retrouvent pour essayer de comprendre son geste. Une tentative hardie de tendre un pont entre l’univers du théâtre grec et internet, une réflexion également sur les questions de justice et de démocratie.

Anniversaire
Pour fêter le 300e anniversaire de la naissance de Goldoni, Patrick Haggiag a l’audace de mettre en scène La trilogie de la villégiature  (les jeudi 11 et vendredi 12 janvier 2008 au Théâtre du Passage à Neuchâtel) ! 14 personnages, trois pièces en une (La manie, Les aventures de la villégiature, Retour de la villégiature), près de trois heures de spectacle. « Ça commence comme une comédie, ça continue comme une mauvaise plaisanterie et ça finit comme une catastrophe » : le ton est donné !
L’œuvre de Bernard-Marie Koltès (1948-1989) est l’une des plus fortes de la seconde moitié du XXe siècle, l’une des plus troublantes ou dérangeantes également. Le mardi 15 janvier, le TPR présente Le jour des meurtres dans l’histoire d’Hamlet dans une mise en scène de Pierre Diependaële. Koltès nous entraîne ici dans un voyage vertigineux, une tragédie où les mythes et les symboles se succèdent en désordre. Le décor est brut, sans concessions : une vidéo qui laisse entrevoir un corridor d’où s’échappent des cris, une lumière crue. Fascinant.

Deux autres classiques à l’affiche de L’heure bleue en début d’année : Shakespeare et Beaumarchais. En attendant le songe d’Irina Brook (la fille du célèbre metteur en scène Peter Brook) est une parodie pétillante de l’univers shakespearien (le 30 janvier 2008). Le 6 février, Gérard Gelas présente Le barbier de Séville . Une nouveauté bienvenue dans cette mise en scène : la présence d’un trio de musiciens sur scène dont les morceaux accompagnent avec astuce le propos et l’action.
Au TPR le samedi 16 février, Louis Soutter delirium psychédélique de Henry-Charles Tauxe, conçu et mis en scène par Jacques Gardel. Henry-Charles Tauxe nous raconte Louis Soutter (1871-1942), peintre et dessinateur né à Morges ; enfermé dès 1923 dans un asile de vieillard, c’est là qu’il produira la quasi-totalité de son œuvre. Soutter prend les traits du comédien Miguel Québatte, totalement habité par son rôle. Mais comme le dit Jacques Gardel : « Le personnage principal de cette pièce, c’est l’œuvre, ce sont les dessins qui parlent, qui libèrent leur fantastique énergie ».

Quiproquos
Le 20 février, L’heure bleue présente Monsieur Amédée , une comédie de boulevard d’Alain Reynaud-Fourton, avec Michel Galabru, qu’on ne présente plus. Monsieur Amédée, c’est l’histoire d’un professeur de français à la retraite, qui pour une raison ou une autre invite une prostituée chez lui, puis survient une seconde femme, puis une troisième… Des situations cocasses, des quiproquos en cascade : une comédie de boulevard drôle et efficace.
Le 28 février au TPR, Sandra Gaudin et sa compagnie Un Air de Rien – que nous avions déjà pu apprécier dans Je vais te manger le cœur avec mes petites dents - rendront un hommage riche et subtil au cinéma de Godard avec Pierrot le fou (pas du sang, du rouge) .
Les sœurs Bonbon d’Emmanuelle delle Piane, la seconde création du Théâtre Populaire Romand cette saison, s’adresse à un public familial (quatre représentations du 8 au 16 mars 2008). Un conte pour enfant mis en scène par Geneviève Pasquier, dans un décor de sucre d’orge, sur fond de chansons acidulées.
Le Théâtre Rumeur de Neuchâtel fête ses 15 ans d’existence en montant un texte méconnu de Stefan Zweig, Un caprice de Bonaparte . Une réflexion, un violent réquisitoire contre les abus de pouvoir et le totalitarisme mis en scène par Sylvie Girardin (le 24 avril 2008).
Et encore des marionnettes cette saison à L’heure bleue, du nouveau cirque, sans oublier la musique (à noter, entre autres, la présence du jazzman Brad Mehldau le 24 octobre, ou encore celle de Sanseverino le mercredi 19 mars), de la danse et même des opéras de très haute qualité.

Laurent Cennamo

Renseignements et inscriptions : Billetterie L’heure bleue.Tél. 032 967 60 50
www.heurebleue.ch