Arts-Scènes
Slogan du site

Cinéma Danse Expositions Musique Opéra Spectacles Théâtre

Spécial Grand Théâtre
Portrait : José van Dam

Agé de 70 ans, le baryton-basse José van Dam a décidé d’interrompre sa carrière lyrique.

Article mis en ligne le mai 2010
dernière modification le 21 juin 2010

par François LESUEUR

Célèbre dans le monde entier auprès des mélomanes et du grand public grâce à sa prestation remarquée dans le film de Gérard Corbiau, Le maître de musique, José van Dam a choisi de s’éloigner de l’opéra, sans pour autant quitter la musique puisqu’il continuera de se produire en récitals tout en se consacrant à l’enseignement. Portait d’un artiste majuscule que l’on n’oubliera pas.

La patience et la prudence dont a su faire preuve José van Dam tout au long de sa carrière, auront finalement récompensé aux centuples les espoirs de cet artiste hors norme. Car il en fallut du courage à ce jeune Belge qui choisit de suivre un chemin auquel rien ne le prédestinait. Personne dans sa famille n’était lié de près ou de loin au monde musical, mais alors qu’il a 11 ans, un ami de ses parents l’encourage à rejoindre une chorale, ce qu’il fait avec plaisir. Alto, il demande à étudier le chant et le piano avant de devenir l’élève du pédagogue Frédéric Anspach au Conservatoire Royal de Bruxelles, dont il reçoit l’enseignement et qu’il côtoiera jusqu’à sa mort. Il y reçoit un premier prix à 17 ans. En 1961, il est lauréat des concours de Liège et de Toulouse et débute la même année à l’Opéra de Paris dans Don Basilio du Barbier de Séville.

Nombreuses capacités
Doté d’une voix solide et joliment timbrée, le jeune de baryton-basse intègre la troupe de l’Opéra et y demeure quatre années, multipliant les petits rôles tout en apprenant de ses aînés, abordant son premier Escamillo en 1965. De 1965 à 1967, Van Dam quitte Paris pour le Grand Théâtre de Genève où Lofti Mansouri l’aide à acquérir un personnalité scénique plus affirmée, avant d’entrer en 1967 à l’Opéra de Berlin recommandé par Lorin Maazel qui vient de lui faire enregistrer L’heure espagnole de Ravel, où il restera six saisons. Remarqué par Karajan, Van Dam est engagé au Festival de Salzbourg, dont il sera l’invité régulier pendant une vingtaine d’années. L’année 1970 est marquée par les débuts de la carrière internationale du baryton-basse qui répond aux invitations des opéras de Londres, Vienne, San Francisco, Chicago, Milan ou de Buenos Aires... Mozart, Gounod, Bizet, Massenet, Verdi s’enchaînent, complétés par des œuvres de Bach, Mahler, Mendelssohn, Poulenc ou Schubert, Van Dam élargissant l’éventail de ses capacités en interprétant l’oratorio et la mélodie qu’il affectionne.
De fréquents détours à Paris lui offrent la possibilité de participer à des productions légendaires comme celles des Noces de Figaro montées par Giorgio Strehler, d’abord à Versailles puis au Palais Garnier en 1973, où il campe un inoubliable Figaro auprès de Gundula Janowitz et de Frederica von Stade dirigés par Solti, Faust signé Lavelli où il incarne Méphisto, mais également Leporello dans Don Giovanni en 1975, Colline de La Bohème en 1973, Les Contes d’Hoffmann en 1978 où il interprète les 4 figures diaboliques sous la conduite de Patrice Chéreau, sans oublier sa participation dans la résurrection de Dardanus de Rameau en 1980 (Isménor), Le Hollandais dans Le Vaisseau fantôme de Wagner (1980), Escamillo en 1981, avant de créer le rôle-titre de Saint-François d’Assise de Messiaen, rôle qu’il reprendra en 1992 à la Bastille dans la fameuse production de Peter Sellars, créée à Salzbourg où officie Gérard Mortier.

José Van Dam

Karajan fait régulièrement appel à lui et lui permet d’élargir son répertoire au cours de cette décennie : Hans Sachs des Maîtres Chanteurs, Falstaff, Agamemnon dans Iphigénie en Aulide de Gluck, Don Alfonso dans Cosi fan tutte de Mozart, Scarpia (Tosca), Don Quichotte de Massenet, Salomé (Iokhanaan), Golaud dans Pelléas et Mélisande, qu’il grave pour Emi, lui permettent d’asseoir sa carrière et d’assurer sa notoriété.

L’opéra au cinéma
Celle-ci s’accélère en 1976 avec la sortie du fameux film d’opéra réalisé par Joseph Losey, Don Giovanni, ou José van Dam est un intrépide Leporello aux côtés de Ruggero Raimondi. L’immense succès rencontré par cette œuvre permet au grand public de découvrir une personnalité lyrique qu’il ne connaissait pas et qui confirmera son statut quelques années plus tard avec le long-métrage de Gérard Corbiau, Le maître de musique, dans lequel Van Dam est acteur à part entière (1989).
Baryton-basse alliant puissance et finesse, richesse de timbre et qualité des nuances, José van Dam est un chanteur rare, expressif et subtil, compréhensible dans toutes les langues qu’il interprète, de l’allemand au russe (il met à son actif le rôle de Boris Godounov), du français à l’italien, dont la technique est fréquemment citée en exemple. Prudent, il met le temps avant d’accepter Wozzeck dans les années quatre vingt, refusant à plusieurs reprises Wotan, Sarastro, Pizzaro ou Telramund, privilégiant la mélodie, enregistrant les plus grands cycles (Rückert-lieder, Schwannengesang, Winterreise, Dichterliebe, ...) en alternant les tessitures.
Plus près de nous, Van Dam a interprété Hans Sachs dans la production controversée de Claude Régy au Châtelet en 1991, Philippe II dans la version française de Don Carlos dirigée par Antonio Pappano (mise en scène par Luc Bondy) en 1996, Claudius dans Hamlet en 2000 (mis en scène par Nicolas Joel). A la Bastille on se souvient de son Méphistophélès dans La damnation de Faust en 2001, somptueux spectacle signé Robert Lepage, à Garnier de son Golaud dans le Pelléas de Bob Wilson (1997 et 2000), très certainement ses deux plus beaux rôles, avec Sachs et Falstaff….

Enregistrements
José van Dam a eu la chance d’enregistrer un nombre d’ouvrages considérable en compagnie d’artistes prestigieux, parmi lesquels Simon Boccanegra (Abbado, DG 1977), Carmen (Lombard, Erato 1975), Cosi fan tutte (Muti, Emi 1982), La jolie fille de Perth (Prêtre, Emi 1985), La damnation de Faust (Solti, Decca 1981), Les contes d’Hoffmann (Nagano, Erato 1995), Parsifal avec Barenboïm (Teldec 1991), Die Meistersinger avec Solti (Decca 1995), Die frau ohne Schatten toujours avec Solti (Decca 1991), Don Quichotte avec Plasson (Emi), un chef avec lequel il grave un Faust de référence (EMI 1991), un Oedipe de Enescu (EMI 1989), mais également Padmavati, Roméo et Juliette, Lakmé, Hérodiade, Guercoeur, Manon, Mireille, la plupart de ces récitals étant publiés par Forlane, dont l’intégrale des mélodies de Duparc en 1994 qui reçoit le 1er Prix Victoire de la musique la même année. Par ailleurs un grand nombre de ses prestations sont également disponible en dvd : Don Carlo (Paris), Meistersinger (Zürich), Pelléas et Mélisande (Lyon), Les contes d’Hoffmann (Lyon), L’amour des trois oranges (Paris), Falstaff (Bruxelles).
Si le projet d’école de musique que Van Dam a eu pendant un temps du côté de Marseille, a fait long feu, faute d’accord politique et financier, le baryton-basse dispense son enseignement en Belgique depuis quelques années, dans une Ecole supérieure de musique où trois disciplines sont assurées, le violon par Augustin Dumay, le piano par Abdel Rahman El Bacha et le chant par lui-même.

François Lesueur

José Van Dam sera en récital au Grand Théâtre de Genève le 5 décembre 2010 à 20h.

Il assumera également le rôle du Baron Mirko Zeta dans la production de « Die lustige Witwe » de Franz Lehar, les 14, 16, 18, 21, 23, 28, 29, 31 décembre 2010 à 20h et les 19, 26 décembre 2010 à 17h.