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Royal Opera House, Covent Garden
Londres : “La Fanciulla del West“

A Covent Garden, reprise d’un spectacle traditionnel assorti de la magnifique performance vocale de José Cura.

Article mis en ligne le novembre 2008
dernière modification le 12 décembre 2008

par François LESUEUR

A Londres, reprise de l’antique production de La Fanciulla del West signée Piero Faggioni, avec Eva Maria Westbroek, José Cura et Silvano Carroli, sous la conduite flamboyante d’Antonio Pappano.

Malgré l’originalité de son thème, sa musique pittoresque et son trio haut en couleurs, La Fanciulla del West ne fait guère recette, à l’exception de Zürich, Londres et Torre del lago qui affichent encore avec persévérance ce titre puccinien. La production londonienne présentée en septembre dernier au Royal Opera House date de 1977 et porte, par-delà son classicisme de rigueur et sa recherche d’authenticité, le poids des ans. Ce spectacle traditionnel repose en effet sur des décors au réalisme affirmé, censés coller au plus près à l’action, jusqu’au plus petit détail : rien en manque dans le saloon crasseux du 1er acte où se pressent les mineurs après leur labeur, ni dans le refuge de Minnie, perdu dans la montage (2ème acte), tandis que le 3ème se déroule en extérieur, à l’entrée de la mine, dans un petit jour blafard.

Performance vocale exceptionnelle
A ces décors tout droits sortis d’un western de la Warner des années cinquante, s’ajoutent des accessoires et des costumes fanés, portés par des personnages extrêmement typés (la tenancière au grand coeur, le bandit séducteur et le shérif usé) quelque peu empêtrés dans une mise en scène sans originalité, réduite à quelques indications générales. Rien d’indigne sur le vaste plateau du Covent Garden, le second acte et son palpitant crescendo cinématographique conserve toute sa puissance, mais comment ne pas regretter une lecture plus moderne, débarrassée de ces clichés, susceptible de renouer avec le ton précurseur de cette œuvre à part.
Dans la fosse, Antonio Pappano surprend par l’aisance avec laquelle il s’empare de cette partition inventive et caractérise, sans appuyer aucun effet, la moindre scène, lui qui grâce au concours de ce superbe orchestre force le respect chez Wagner et Verdi. La progression de sa pensée est à la fois vigilante et intangible, que celle-ci passe par la peinture d’un quotidien imaginaire de l’Amérique profonde du 19ème siècle, ou par celle d’une rocambolesque histoire d’amour, sur fond de jalousie et de règlement de compte.

« La Fanciulla del West » de Puccini, avec Eva-Maria Westbroek (Minnie) et José Cura (Dick Johnson)
© Catherine Ashmore - septembre 2008

Par son naturel et sa présence magnétique, José Cura offre au premier regard, un portrait du bandit Johnson, plus vrai que nature. Sa composition scénique riche et troublante, où se lit aussi bien le désir que le mystère, s’accompagne d’une performance vocale exceptionnelle, où le ténor peut faire valoir le grain sombre de sa voix et faire assaut d’un slancio propre à ce type de tessiture. Après avoir fait chavirer Sylvie Valayre (à Zürich) et Andrea Grüber (à Londres en 2005), Cura rencontrait pour la première fois Eva Maria Westbroek, la belle soprano néerlandaise saluée dernièrement à Aix-en-Provence (Sieglinde), Paris (Chrysothémis, Elisabeth et L’Impératrice) et Bruxelles (Leonora de La Forza del destino). Le rôle musicalement exténuant de Minnie ne l’a pas montrée sous son meilleur jour ; l’ambitus imposé par Puccini à son héroïne, maîtresse-femme respectée et âme délicate, qui se qualifie de «  pauvre fille ignorante et bonne à rien » (« Io non sono che una povera fanciulla oscura e buona a nulla ») et rêve du grand amour, ne convient pas à cet instrument, certes rayonnant, mais auquel il manque une pointe de métal et une plus grande résistance à l’effort. L’actrice est, de plus, limitée et ne parvient que rarement à se défaire d’une gestuelle peu subtile. Silvano Carroli est aujourd’hui un vétéran, car le baryton était déjà présent en 1982 sur ce plateau, avec le couple vedette Carol Neblett et Placido Domingo, ainsi qu’en 2005 avec Cura ; rien d’étonnant à ce que son shérif paraisse usé, la voix comme l’allure ne laissant apparaître que les défauts et les marques du temps.
Autour de ce trio hétérogène, distribution de bonne tenue : saluons au passage Eric Halfvarson (Ashby), Clare Shearer (Wowkle), Bovaventura Bottone (Nick) ou Daniel Sutin (Sonora).

François Lesueur

Royal Opera House Covent Garden : « La fanciulla del west » de Puccini, 19 septembre 2008.