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Livre de mars 2011 : Mussolini selon Milza

A propos du livre de Pierre Milza, Les derniers jours de Mussolini.

Article mis en ligne le mars 2011
dernière modification le 16 novembre 2011

par Christophe RIME

Le professeur émérite Pierre Milza revient, à l’occasion de sa nouvelle publication, sur les derniers instants du Duce et de sa compagne Clara Petacci, fusillés en avril 1945 dans des circonstances demeurées encore troubles aujourd’hui. Autopsie.

Quoi de plus motivant pour tout bon historien aguerri, que de se plonger dans les méandres d’un passé torturé qui ne veut pas passer, mystérieux, où les faits sont sujets à caution, les témoignages contradictoires, si ce n’est falsifiés, et pour lequel l’administration de preuves solides manquent. Une histoire au travers de laquelle sourdent de multiples légendes et mythes qui contribuent à opacifier encore plus la fin d’un homme, lui-même devenu un symbole. Quelle histoire plus nébuleuse en effet que celle narrant les derniers jours du personnage qui fut le guide de la révolution fasciste italienne, Benito Mussolini ? Pierre Milza, grand spécialiste du fascisme italien et auteur de nombreux livres incontournables pour la connaissance de Mussolini, a cette fois décidé de porter son regard acéré sur ces heures sombres et embrouillées qui menèrent à la mort du Duce et de sa compagne Clara Petacci. Rencontré aux rendez-vous de l’histoire de Blois au mois d’octobre 2010, il présentait alors cet ouvrage qui doit non pas clore les débats et querelles des historiens spécialistes du sujet, mais bien au contraire, apporter son analyse critique et ses points de vue personnels, afin de soupeser le moins probable du vraisemblable et apporter son expertise à un dossier miné pour l’Italie de 1945 comme pour celle de la deuxième moitié du vingtième siècle.

Ultimes étapes de vie
Pas de révélation, ni même de révolution donc, mais bien une enquête minutieuse et méthodique, qui navigue entre les sources premières et postérieures traitant de la mise à mort du chef de la République sociale de Salo et qui balise ses cheminements par les grandes questions qui agitent encore les esprits : Qui furent les assassins du Duce ? Qui en furent les commanditaires ? Dans quelles conditions se déroulèrent les dernières heures de Mussolini ? Comment retracer les ultimes étapes de la vie d’un des deux hommes dont l’alliance domina l’Europe pendant plus de cinq longues années ? Autant de problématiques centrales auxquelles vont s’associer au gré des pages lues d’autres questions complémentaires : Qu’a-t-on fait du fameux trésor de Dongo ? Existe-t-il des liens entre la mort du Duce et la présence des services secrets de sa Majesté britannique ? Quelle est la véritable nature des rapports qui unissent Churchill à Mussolini ? « L’élimination de Mussolini, un enjeu politique national, international ? »

couverture

Les fausses pistes sont nombreuses, les trous de mémoire et d’histoire fréquents, les doxa périlleuses… Cependant, après avoir écarté les témoignages et affirmations jugées corrompues, en avoir ramené d’autres un tant soit peu à la lumière alors qu’on les tenait pour subversives et inventions, le lent et patient travail d’orfèvre auquel s’est livré l’historien Pierre Milza semble donner corps non pas à une nouvelle vérité mais à une vision plus cohérente et maîtrisée des derniers jours du dictateur italien. De Milan à Côme, de Dongo à Mezzegra – jusqu’à la « catharsis barbare » de l’exposition des corps piazza Loreto – l’auteur accompagne les dernières paroles et actes du leader déchu, même s’il est certain que « le scénario de la mise à mort de Benito Mussolini et de sa compagne n’a probablement pas fini de livrer ses derniers secrets ».

L’homme derrière l’image
Au-delà des incertitudes encore légions, nous l’aurons aisément compris, l’ouvrage livré par l’historien nous permet de nous rapprocher de l’homme derrière l’image, l’image canonique ayant fait disparaître l’homme derrière le mythe. Même si Mussolini était mort une première fois lors de la destitution votée par le Grand Conseil fasciste le 25 juillet 1943, la personne du Duce restait enveloppée d’un halo de mystère même vers la fin de sa vie. Derrière le casque militaire et la statue réifiée, il fut pourtant un homme. Un homme que l’analyse de Pierre Milza nous révèle dans sa juste dimension – jusqu’à la table d’autopsie – bien qu’il ne fut plus que l’ombre du tyran qu’il était.
La démonstration est une véritable leçon de méthodologie historique, la plume de Pierre Milza, toujours aussi pertinente et tout simplement efficace, ne cesse d’épingler et de remiser tel auteur, telle version des faits, telle thèse pour n’avoir de fin que de désengorger l’écheveau des contradictions perturbant la claire compréhension de cet événement majeur pour l’histoire de l’Italie.

Relevons pour conclure une bibliographie brève mais pointue qui aidera l’esprit curieux à se plonger dans les méandres de cet événement singulier et emblématique à la fois que fut la chute d’un leader tout-puissant d’un régime fasciste. Un livre à lire, assurément.

Christophe Rime

Pierre Milza, « Les derniers jours de Mussolini », Fayard, Paris, 2010.

A paraître prochainement, le nouveau livre de Pierre Milza consacré à Garibaldi.

Si le thème des dernières heures de vie des leaders fascistes vous intéresse, voir également l’excellent ouvrage de Joachim Fest, « Les derniers jours de Hitler », Perrin, Paris, 2002.