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Silvana Editoriale
Livre de juin 2011 : La Collection Bonna

A propos des « Dessins italiens de la Renaissance au Siècle des Lumières » de la Collection Jean Bonna.

Article mis en ligne le 1er juin 2011
dernière modification le 23 novembre 2011

par Françoise-Hélène BROU

La collection graphique du banquier genevois Jean Bonna est riche de quelque 400 œuvres provenant de toutes les écoles et périodes, de la fin du Moyen Âge jusqu’au XXe siècle. La publication d’un catalogue raisonné sur le fonds de dessins italiens constitue le premier volume d’une série qui devrait compter deux ouvrages supplémentaires consacrés au dessin français et des pays nordiques .

Les cent dix-neuf dessins italiens recouvrent près de cinq siècles d’histoire de l’art, de la fin du XIVe à la fin du XVIIIe siècle. Certaines de ces feuilles ont été exposées à Paris, Genève, New York ou Edimbourg, accompagnées de catalogues, mais l’ensemble de la collection italienne est ici publié, illustré et commenté pour la première fois. « L’ouvrage souhaite avant tout proposer au lecteur un parcours cohérent et si possible plaisant dans la collection, sans pour autant négliger les éléments d’une étude spécialisée », écrit Nathalie Strasser, auteure de l’opus et également conservatrice de la collection Jean Bonna depuis plus de sept ans. Le catalogue des dessins italiens, «  celui de mes premières amours » confesse le collectionneur, compte 118 notices richement documentées et dont certaines donnent au dessin une nouvelle attribution. L’outil de recherche remarquable qui en résulte permet non seulement de mettre à la disposition du public des trésors privés, mais confère aussi à cet ensemble une cohérence peu perceptible à première vue, car la collection ne suit aucun fil conducteur, aucune école ou période particulière, et ne cherche pas non plus à atteindre l’exhaustivité. Jean Bonna explique lui-même comment il décide de ses acquisitions, la plupart du temps par coup de cœur, : « Je n’ai jamais acheté un dessin uniquement parce qu’un artiste était absent de ma collection, mais j’ai toujours attendu l’occasion unique d’acquérir une feuille émouvante » (Journal des Art, mars 2006).

Francesco Salviati « Cinq figures masculines attachées à un arbre », vers 1535
sanguine, 272 x 223 mm. Collection Jean Bonna, Genève, photo Patrick Goetelen, Genève

Outre son attrait esthétique, l’intérêt d’un tel ouvrage s’appécie à plusieurs autres niveaux ; d’abord l’étude des dessins ne se réalise pas seulement en fonction de la notoriété de l’artiste ou de sa cote sur le marché, la démarche est essentiellement de nature documentaire. Certes on y trouve des noms prestigieux comme : Perugino, Raphaël, Andrea del Sarto, Véronèse ou Primatice, mais on découvre aussi et surtout d’autres noms moins connus tels : Giovanni Badile, Baccio Bandinelli, Raffaellino, Giulio Campi ou Giovanni Martinelli, sinon des anonymes, qui atteignent un niveau d’excellence digne des grands maîtres. Ensuite il s’agit de mettre en évidence le caractère hautement fonctionnel de la production graphique, car celle-ci crée des prototypes devant fréquemment servir à des travaux de nature fort diverses, et souvent de plus grande envergure, dans les domaines de la peinture, de la fresque, de la sculpture, de l’architecture, de la tapisserie, etc… On comprend aisément la valeur de certains dessins, lorsque les œuvres « définitives » ont été soit détruites ou perdues, ceux-ci constituent dès lors l’unique témoignage d’un objet artistique absent. C’est le cas notamment du dessin de Vasari « l’Etude pour la nativité de Santa Margherita », œuvre préparatoire à une fresque située dans le couvent de Santa Margherita à Arezzo, détruite pendant la seconde guerre mondiale. Dans cette même perspective, un dessin peut permettre d’infirmer ou d’attester une attribution, de clarifier des contributions d’atelier, d’affiner des questions d’interprétation, de datation, d’influence, etc… Soulignons enfin que le dessin est un authentique laboratoire d’idées, l’espace mental et graphique où se construit la pensée plastique ; à cet égard suivre pas à pas l’évolution des techniques, des styles, de l’iconographie, permet de mieux cerner les progrès accomplis non seulement dans les technologies artistiques, mais aussi dans l’histoire en général, qu’elle soit religieuse, politique, géographique ou sociale.

De cette façon pouvons-nous voir, page après page, que les oeuvres des Raphaël, Fra Bartolomeo, Andrea del Sarto signent la virtuosité naturaliste de la Renaissance, que celles du Parmigianino magnifient l’esthétique maniériste dominant la fin du Cinquecento, puis que celles de Bassano, Barocci ou Cigoli expriment une sensibilité à la couleur. Nous assistons au retour du classicisme entraîné par les maîtres bolonais, les Carracci, Domenichino ou Guercino, tandis que la dernière partie de l’ouvrage est illustrée par les maîtres vénitiens, Canaletto, Guardi ou Tiepolo, actifs à la fin du XVIIIe siècle, une période de décadence de la République de Venise qui voit arriver l’occupation napoléonienne.

Françoise-Hélène Brou

« Dessins italiens de la Renaissance au Siècle des Lumières, Collection Jean Bonna », de Nathalie Strasser, distribué par Silvana Editoriale, 282 pages.