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Le goût des lettres - décembre 2009 - [Arts-Scènes]
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Le goût des lettres - décembre 2009

Commentaires sur : « Je t’écris pour voir », par Pascal Rebetez – « La Sorcière de Porquerac », par Roland Godel – « Objectif bulles », sous la direction de Michel Porret.

Article mis en ligne le décembre 2009
dernière modification le 9 décembre 2011

par Serge BIMPAGE

Retour sur investissement du rêve
C’est classique, plus on est éloigné plus s’impose à notre esprit ce qui nous est proche. Pascal Rebetez, lors de son séjour au Vietnam, a connu ce genre d’état entre l’ici et l’ailleurs. Il en sort un joli petit ouvrage intitulé Je t’écris pour voir. Tout est dans le titre : il y a comme une hésitation à se lancer dans ces lettres qu’il écrit à son ex-amie, à son fils qui devient père, à sa mère ou à son ami artiste. Quels effets produiront-elles sur leur récipiendaire et surtout sur lui-même ? Ici opère la magie d’une écriture sobre et nostalgique, jamais ennuyeuse.
Voyageur, écrivain, journaliste et éditeur, Pascal Rebetez fait feu de tout bois pour le grand plaisir du lecteur. Il se lance dans la rédaction de ces lettres sans filet, sans faux-fuyant ni peur de se livrer. Il en sort de beaux moments de partage dont il ne cherche jamais à tirer avantage, bien au contraire celui qui a « investi beaucoup de temps à rêver » n’hésite pas. Ainsi les confidences se succèdent, les associations d’idées, entre Hanoï et la Suisse, comme il en va en voyage.
N’achève-t-il pas ce beau bouquet en avouant : « On se demande parfois pour qui on écrit. Pourtant autrefois, au jeu de l’escamotage, je ne manquais pas d‘adresse. L’art désormais m’a fait faux bond. Il ne me reste que des histoires. J’écris pour voir (ce qui a disparu). » Rien ne se perd, rien ne se crée. Ces lettres intimes sont le ruban de toute une vie. A nous d’en découvrir le cadeau.
« Je t’écris pour voir », par Pascal Rebetez. Editions de L’Hèbe, 153 pages

Pascal Rebetez
Photo Augustin Rebetez

Une sorcière mal aimée
Voici un livre à remettre dans toutes les mains des jeunes ! C’est l’histoire terrible et magnifique de la sorcière de Porquerac. Brrr, une jeune fille née de l’aventure et pour l’aventure. Elle s’appelle Camée, « à cause de ses yeux si particuliers » qui rappelaient à sa mère ce petit bijou, une pierre taillée noir et blanc, lisse et brillante, un camée. Une belle fille, ça se voyait dès sa naissance, vouée tôt à elle-même pour cause de père absent et de mère au labeur. De sorte qu’en ce 16ème siècle débutant, la forêt constitue son unique royaume. C’est d’ailleurs dans la forêt qu’elle apprend à si bien utiliser les plantes, à reconnaître les graines de pavot et les racines de jusquiame. La suite, on la devine. Mais pas forcément les jeunes. Et quoi qu’il en soit, on est immédiatement saisi par le récit emmené d’une main de maître. Fort bien écrit, au ton juste et puissant, ce conte de Roland Godel emporte l’adhésion de tout lecteur. C’est qu’il n’en est pas à son coup d’essai : l’auteur écrit des contes et romans pour la jeunesse.
Son dernier ouvrage Les Petits Secrets de la pension Mimosas a remporté le Prix Chronos 2008. Or, l’intérêt du livre, au-delà du premier degré de son récit, réside tout autant dans sa problématique. Sensibilisé depuis tout jeune à la traque aux sorcières (la dernière avait été brûlée à l’emplacement de l’immeuble où il avait vécu), Roland Godel évoque avec finesse et talent « ce curieux mélange d’attirance, de rejet et de peur que, depuis toujours, les hommes éprouvent face aux femmes qui leur semblent tout trop libres et rebelles. » Aujourd’hui encore, en certaines régions du monde, les femmes insoumises subissent des châtiments qui, parfois, les conduisent à la mort. Pour un premier roman chez Seuil, voilà une belle réussite. D’ores et déjà, on attend le suivant. En espérant que l’éditeur le relie un peu plus solidement.
« La Sorcière de Porquerac », par Roland Godel. Editions Seuil, 158 pages.

Des bulles et des hommes
La BD a marqué le 20ème siècle. Incontournable, elle est à la fois « produit » culturel de masse et reflet d’une époque. Comment penser ce siècle sans lui consacrer une étude ? Tel est le projet du collectif emmené par Michel Porret, créatif Professeur d’histoire à l’Université de Genève. Philippe Kaenel, Alain Boillat, Alain Crobellari, Frédéric Chauvaud, Viviane Alary, Yan Schubert, Sébastien Farré, Philippe Marguerat, Olivier Roche et Danielle Chaperon examinent la relation entre BD et Histoire, religion et politique. Je les cite tous : leurs textes sont autant de petits bijoux éclairant d’une lumière avertie et originale cet art souvent consommé sans intelligence. En son examen méthodique et vivant des figures, des codes narratifs et des archétypes de la BD, Objectif bulles rencontrera aussi bien les amoureux d’Histoire que ceux de l’art de la BD.
« Objectif bulles », sous la direction de Michel Porret. Editions Georg, collection L’Equinoxe.

Serge Bimpage