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Feuilleton de juin 2010 : Olivier Beetschen - [Arts-Scènes]
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Feuilleton littéraire
Feuilleton de juin 2010 : Olivier Beetschen

Pour saluer Olivier Beetschen

Article mis en ligne le juin 2010
dernière modification le 9 décembre 2011

par Jean-Dominique HUMBERT

De plus loin, de plus loin, quelque chose nous revient. De la nuit. Du temps de cette nuit où, aux hommes, les dieux ont fait don du langage. Cette nuit, ce premier cri. Ce premier cri de l’énigme du langage. Ce premier livre d’Olivier Beetschen, A la nuit*.

A la nuit ! Voilà qui s’entend comme une invocation, comme un rituel, ou comme ce toast, qui salue une venue, une émergence. Nous étions là aux sources du langage, traversant, souterrains, les questions que les hommes de la tribu se posent.
Mais que veulent ces dieux par qui vient la parole ? Est-ce pour donner aux hommes un moyen de sortir de terre ou la divinité est-elle perfide pour, dans le langage, leurrer les hommes et les enfouir à jamais ?

La phrase d’Olivier Beetschen était allée dans la fable de ce questionnement, dans l’énigme du langage et de son origine.
On l’entendait ensuite qui passait, dans un deuxième livre qu’il rapportait des heures de lointains chemins, et qui revenaient d’abord en fragments — comment donner du monde une parole sinon par fragments… —, ces heures et ces lointains, ce parcours, ces moments du chemin qu’il concentrait et qu’il faisait résonner dans ce deuxième livre : Le Sceau des pierres**.
« Se mêler aux pierres
jusqu’à s’imprégner de leur sceau
 »

Olivier Beetschen

Quelque dix ans plus tard, ce troisième livre, celui que particulièrement nous célébrons avec le Prix Rod aujourd’hui : Après la comète***.
Et ce sont d’autres mondes qui viennent, d’une phrase nouvelle dans le temps des pages — mais dont la musique, pourtant, continue de faire vibrer la quête fondamentale, comme on l’entendrait volontiers dans cette « rumeur » qui répand « ses pizzicati » (p.74)

Puisque nous sommes dans la musique, gardons-la pour désigner l’un des aspects de cette œuvre, la phrase du poème se déliant, se trouvant dans des rythmes, des cadences, des allées à nouveau autres.

Tenez ici, comme nous évoquions tout à l’heure le langage des origines et sa fable première, voyez ici, dans cet Après la comète, comme il se chante, dans le langage de toutes les enfances, ici, dans la deuxième suite du livre, « Chandelles », dans la mémoire prononcée de la joie qui résonne du premier langage et de son infini.

Les heures sont là, qui recommencent, qui s’installent et qui se tiennent, aux pas des mots, dans les portées de ces poèmes.
Où se rassemblent les temps — et là, au mitan du livre, ce poème nommé le « Cénotaphe », qui est lui-même une métaphore du livre : ce tombeau vide, du corps absent, mais qui recueille, et qui salue la mémoire de l’être qui n’est plus qu’un nom, (il en est d’ailleurs question plus tôt dans le livre), ce « cénotaphe » qui recueille, comme il est dit au vers final, « la douce pluie des âges ».

Ce qu’il nous aura été donné de vivre dans les clartés par moments venus, du langage…

Mais il est grand temps d’enfin simplement déposer devant vous, et dans votre lecture, ce livre. Ce livre à la belle couverture, comme une sorte de métaphore du peintre dans la phrase du poète, ce livre que nous aimons. Ce livre qu’aimait Jacques Chessex. Ce livre, dans le matin de Ropraz qui grimpe de printemps.

Jean-Dominique Humbert

* Olivier Beetschen, « À la nuit », Poche suisse, l’Âge d’Homme, 2007.
** « Le Sceau des pierres », Editions Empreintes, 1996.
*** « Après la comète », Editions Empreintes, 2007.