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Festival d’Aix-en-Provence
Entretien : Bernard Foccroule

Variété et exigence de qualité sont au rendez-vous

Article mis en ligne le 1er juin 2011
dernière modification le 27 septembre 2013

par François JESTIN

Bernard Foccroule, Directeur du festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence, nous parle de l’édition 2011, et plus précisément de la programmation de cet été, entre œuvres plus ou moins “classiques“ – La Traviata, La Clémence de Titus, Le Nez – et créations mondiales, tel le spectacle intitulé Thank to my Eyes tiré d’une pièce de Joël Pommerat.

C’est votre 5ème édition en tant que directeur du festival, vous vous sentez à présent « en régime de croisière » ?
Oui, dans la mesure où le nombre de productions – 5 opéras cette année, et un spectacle de théâtre musical – est je pense le rythme de production du festival pour les années à venir. Maintenant nous ne sommes pas dans la routine, car chaque édition du festival est un nouveau défi. Pour moi, c’est une édition à l’image de ce que j’aime, bien sûr avec les grands classiques Mozart et Verdi, des œuvres plus rares comme le Nez, deux créations mondiales, et un Haendel au Grand Saint-Jean. Ceci présente à mes yeux un équilibre que j’essaie d’atteindre.

On constate sur le programme le retour de titres déjà donnés à Aix il n’y a pas si longtemps : La Traviata en 2004 et La Clemenza di Tito en 2005…

Bernard Foccroule
© Johan Jacobs

Très clairement, lorsque j’ai été nommé directeur du festival, j’ai très vite été voir Natalie Dessay – qui n’était pas libre avant 2011 ! – et nous avions décidé de monter La Traviata. Je pense que les débuts de Natalie Dessay sur le continent a vraiment du sens, et en plus ce n’est pas une œuvre qui déplait au public, on l’a vu avec les places qui ont été tout de suite prises d’assaut ! Je crois que nous avons à Aix un taux de renouvellement des œuvres qui est bon, mais d’un autre côté il ne faut pas forcément rejeter les ouvrages du grand répertoire, d’autant qu’ils permettent parfois d’attirer un public qui découvrira ensuite Le Nez ou d’autres créations. La programmation des œuvres dépend aussi des rencontres avec les artistes, par exemple pour La Clemenza c’est Sir Colin Davis qui m’a indiqué qu’il adorait cet opéra-là.

Après Le Rossignol en 2010, une autre œuvre russe est à l’affiche, Le Nez de Chostakovitch ; avez-vous un goût particulier pour le répertoire russe ?
Oui j’ai un goût particulier pour le répertoire russe, mais ce n’est pas la raison de la programmation du Nez ! Dans ce cas-ci, la programmation est liée à la personne de William Kentridge, qui est un artiste que j’apprécie beaucoup, que j’ai accompagné sur toutes ses productions d’opéra jusqu’à présent. Je l’avais mis en contact avec Peter Gelb au Metropolitan Opera de New-York, coproducteur du spectacle. L’œuvre que rêvait de monter Kentridge aujourd’hui était Le Nez. Je crois que suivre les artistes a du sens, et c’était une occasion à ne pas manquer.

Le Nez est aussi à nouveau en coproduction avec l’Opéra de Lyon, avec qui vous entretenez des relations privilégiées ?
Avant qu’il ne devienne directeur de l’Opéra de Lyon, j’avais travaillé un petit peu avec Serge Dorny à La Monnaie à Bruxelles, et puis un peu plus lorsqu’il était directeur du festival des Flandres. Il y invitait régulièrement Valery Gergiev, et présentait d’ailleurs pas mal d’opéras russes à l’époque. Il a engagé à Lyon comme directeur musical Kazushi Ono, qui était mon directeur musical à La Monnaie, et nous partageons effectivement pas mal d’affinités. Même avant Serge Dorny et moi-même, il y a eu souvent un lien fort entre l’Opéra de Lyon et le festival d’Aix, comme à l’époque de Louis Erlo et Jean-Pierre Brossmann. Il y a aussi la question financière : ni l’Opéra de Lyon, ni le festival d’Aix ne pourrait faire seul Le Rossignol ou Le Nez. J’y vois également un effet d’entrainement : l’année dernière, après la 3ème représentation du Rossignol, les soirées aixoises suivantes, ainsi que toutes les représentations lyonnaises se sont retrouvées sold out ; il y a ainsi une sorte de deuxième chance offerte au public de pouvoir retrouver le spectacle.

Natalie Dessay
© Simon Fowler

Après le retour au Grand Saint-Jean l’année dernière, le festival y est à nouveau présent avec Acis and Galatea ; les spectacles continueront-ils à être joués dans ce lieu ?
Oui, pour nous c’est une évidence : le Grand Saint-Jean est un lieu magique, une sorte de Glyndebourne aixois. Nous avions décidé de ne pas y aller pendant les deux dernières années du Ring pour ne pas mettre l’équilibre financier du festival en difficulté, avec en plus la crise financière qui avait éclaté en 2008. Ce lieu nous permet vraiment de programmer des œuvres qui ont cette dimension bucolique. Cette année, Acis and Galatea a un rapport évident avec la nature, avec l’eau ; le metteur en scène japonais Saburo Teshigawara est très imprégné de cette culture.

Acis and Galatea est une production de l’Académie européenne de musique…
C’est une production qui est portée par l’Académie dans la mesure où l’orchestre est constitué de jeunes musiciens qu’on a recruté dans les départements de musique ancienne, des musiciens de très haut niveau. Et puis, ce sont de jeunes chanteurs, européens et américains, dont certains sont passés par l’Académie. Nous avons engagé notamment Joseph Barron, qui vient de remporter le premier prix des jeunes chanteurs au Met, le concours le plus prestigieux en Amérique.
Je constate aussi qu’aujourd’hui de plus en plus de grands festivals investissent sur la jeunesse. Par exemple le festival de Lucerne invite les orchestres les plus prestigieux, mais possède également son académie d’orchestre. Je crois que c’est une tendance générale, et j’y vois plusieurs raisons. Je crois qu’un festival a tout intérêt aujourd’hui à avoir un noyau de jeunes artistes, c’est une relation gagnant – gagnant entre le festival et le jeune artiste en démarrage de carrière. Et puis avec ces équipes de jeunes artistes, on est en mesure de relever des défis pas banals ! Pour exemple, la mise en scène de Saburo Teshigawara n’est pas vraiment conventionnelle, et je pense qu’une partie de ce travail ne peut être faite qu’avec des jeunes, avec un tel degré d’investissement, une telle ouverture, une telle disponibilité.

Et puis deux créations sont à l’affiche, représentées dans le petit théâtre du Jeu de paume, plutôt en configuration réduite…
La création n’est pas exclusivement dédiée à un petit espace : il y aura une création de Georges Benjamin au Grand Théâtre de Provence en 2012. Je suis très attentif à na pas emprisonner des lieux dans des catégories trop rigides, en revanche il est très utile de trouver chaque fois le bon écrin à un ouvrage. Le théâtre du Jeu de Paume est le lieu le plus intime du festival et convient de manière adéquate à la création Thanks to my Eyes, qui fait appel à 5 chanteurs et une quinzaine de musiciens. De plus le travail de Joël Pommerat fait appel au noir, le noir total fait partie de son langage théâtral.

Quatuor Keller

Un petit mot sur les prochaines éditions, des projets particuliers ? Y aura-t-il un autre orchestre en résidence après le London Symphony Orchestra ?
C’est une question qui est ouverte, je pense que ça aurait du sens. Pour sa deuxième saison – sur un cycle de quatre ans – le LSO va faire beaucoup d’opéra, avec La Traviata et La Clemenza di Tito. Le LSO encadre aussi l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée. Ce que nous avions par exemple décidé l’année dernière était de sélectionner une douzaine de très bons jeunes musiciens de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée, et de les associer à l’orchestre Junior qui est beaucoup moins avancé. Ils deviennent ainsi musiciens-relais, encadrés par le LSO, et coach de l’orchestre Junior, et c’est une formule qui fonctionne bien.

Poursuivez-vous vos autres activités, de musicien et de compositeur ?
Oui je continue à jouer de l’orgue, d’ailleurs à Aix-en-Provence de temps en temps. J’ai aussi repris mes activités de compositeur, et j’ai eu le grand bonheur de voir mes quatre mélodies d’après Verlaine créées à Liège, et qui vont être reprises en tournée internationale. Et puis j’ai écrit une nouvelle version, sans chœur, de lieder d’après Rilke, qui a été aussi donnée à Liège, et qui va sortir en CD. J’ai d’autres projets en cours…

Propos recueillis par François Jestin

Edition 2011

Six ouvrages sont à l’affiche du prochain festival d’Aix-en-Provence (du 5 au 21 juillet) : opéras classiques, titres moins connus et créations mondiales. Natalie Dessay aura l’occasion de proposer sa première Violetta européenne dans La Traviata (Ludovic Tézier en Germont et Charles Castronnovo en Alfredo), Sir Colin Davis sera aux commandes du London Symphony Orchestra dans La Clemenza di Tito de Mozart, et le Grand Théâtre de Provence accueillera Le Nez de Chostakovitch, dans la production de William Kentridge, déjà donnée au Metropolitan de New-York. Acis and Galatea de Haendel (au Grand Saint-Jean), la création Thanks to my eyes d’Oscar Bianchi, et le spectacle musical Austerlitz de Jérôme Corbier, complètent le programme lyrique. Les concerts sont également nombreux, avec entre autres le LSO dirigé par Sir Colin Davis et Valery Gergiev, ainsi qu’une soirée d’extraits d’opéras français, défendus par Véronique Gens.
www.festival-aix.com

 Mardi 5 à 20h, mercredi 6 à 18h, vendredi 8 à 18h, samedi 9 à 20h, et lundi 11 juillet à 18h : Thank to my Eyes d’Oscar Bianchi. Livret de Joël Pommerat d’après sa pièce, Grâce à mes yeux. Direction musicale Franck Ollu. Mise en scène Joël Pommerat. Théâtre du Jeu de Paume.
 Mercredi 6, vendredi 8, samedi 9, mardi 12 à 21h30, jeudi 14 à 22h, samedi 16, lundi 18, mercredi 20, vendredi 22, dimanche 24 juillet à 21h30 : La Traviata de Verdi, dir. Louis Langée, m.e.s. jean-François Sivadier. Avec Natalie Dessay (6, 9, 12, 16, 20, 24 juillet) / Irina Lungu (8, 14, 18, 22 juillet) ; Ludovic Tézier. Théâtre de l’Archevêché
 Jeudi 7, dimanche 10, mercredi 13, vendredi 15, mardi 19 et jeudi 21 Juillet 2011 à 21h30 : La Clémence de Titus de Mozart. Estonian Philharmonic Chamber Choir & London Symphony Orchestra, dir. Sir Colin Davis, m.e.s. David McVicar. Avec John Mark Ainsley (Titus), Carmen Giannattasio (Vitellia), Sarah Connolly (Sesto). Théâtre de l’Archevêché

CONCERTS
 Dimanche 17, samedi 23 juillet à 20h : London Symphony Orchestra. Grand Théâtre de Provence
 Jeudi 7.7. à 20h : Quatuor Keller. Théâtre du Jeu de Paume
 Lundi 11, mardi 12, jeudi 14 Juillet à 20h : Jerusalem String Quartet. Grand Saint-Jean le lundi, puis Théâtre du Jeu de Paume
 Lundi 18 Juillet 2011 à 21h30 : Quintette à vent des Berliner. Grand Saint-Jean
 Vendredi 22 Juillet 2011 à 20h30 : Lorenzo Ghielmi. Eglise Saint-Jean de Malte

Réservations :
 Tél : 08 20 922 923 (12cts € / min)
 Tél (depuis l’étranger) : +33 (0)4 34 08 02 17
 billetterie@festival-aix.com