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Septembre musical de Montreux
Portrait : Corey Cerovsek

Portrait d’un violoniste “haut de gamme“.

Article mis en ligne le juillet 2010
dernière modification le 18 août 2010

par Anne-Catherine BERRUT

Le 29 août prochain, Corey Cerovsek interprétera le concerto de Sibelius avec le London Philarmonic Orchestra, sous la baguette de Sir Andrew Davis, dans le cadre de la 64e édition du Septembre musical de Montreux. L’occasion pour le jeune prodige de faire briller l’héritage de maître Gingold, mais aussi de s’affirmer comme un musicien merveilleusement mature.

Parcours
De parents autrichiens, Corey Cerovsek est né à Vancouver le 24 avril 1972. Les intérêts conjugués de sa mère, musicienne amateur, et de son père, ingénieur en calcul de structures, ont sûrement joué un rôle déclencheur dans les talents Einsteiniens du jeune Corey. En effet, celui-ci s’est précocement réalisé à la fois dans la musique et dans les mathématiques et a décroché un double doctorat dans ces disciplines à l’université de l’Indiana à Bloomington, à l’âge de 18 ans, plus jeune médaillé d’or de l’histoire de l’université. C’est à Charmian Gadd, une des ses anciennes professeurs de violon à Bellingham, qu’il doit la rencontre avec Joseph Gingold qui sera son professeur à Bloomington. Corey Cerovsek reconnaît avoir développé auprès de ce dernier non seulement une technique à toute épreuve, mais surtout une réelle approche musicale, permise par la capacité de Gingold d’être à l’écoute de la personnalité de ses élèves. Parmi eux, on compte d’ailleurs Joshua Bell et Leonidas Kavakos. Gingold était quant à lui élève d’Ysaÿe et l’on peut reconnaître au jeu de Corey Cerovsek l’influence de l’école franco-belge.

Corey Cerovsek
© DR

Très tôt, Cerovsek a l’occasion de se produire comme soliste, dès 1981 avec l’Orchestre philarmonique de Calgary. Il joue ensuite régulièrement au Canada et aux Etats-Unis et l’Europe l’accueille pour la première fois en 1987. Depuis, la scène internationale lui a ouvert les bras, et la liste des chefs réputés sous la baguette desquels il a joué ne cesse de s’allonger : Zubin Mehta, Charles Dutoit et notamment Andrew Davis le 29 août prochain à Montreux, pour n’en citer que quelques-uns. Mais si ses partenaires sont de plus en plus imposants, Cerovsek n’en oublie pas pour autant sa sœur Katja, pianiste, avec qui il donne encore de nombreux récitals. De plus, il avait aussi étudié le piano à l’université d’Indiana, auprès d’Enrica Cavallo, et il lui arrive parfois de partager ses récitals entre les deux instruments.

La consécration
Son premier enregistrement en 1987, accompagné de sa sœur Katja, a été suivi d’une monographie consacrée à Wienawski : Corey Cerovsek plays Wieniawski (1998). Ce n’est pas un hasard si Wieniawski habite encore son répertoire, et spécialement la « fantaisie brillante sur les thèmes du Faust de Gounod », op.20 – qu’il qualifie de sa “pièce signature“ -, si l’on songe qu’à l’époque où il l’a enregistrée il jouait sur un Guarneri del Gesù qui aurait appartenu au compositeur en personne. C’est le Stradivarius Milanollo, cadeau du Professeur Nicod (directeur de l’Hôpital de Lausanne) qui a succédé au Guarneri. La rencontre a été foudroyante : M.Nicod, qui avait acquis l’instrument des mains de Christian Ferras, a décidé à l’issue d’un récital de Corey Cerovsek à Verbier qu’il en serait le nouveau dépositaire et lui a confié l’instrument quasiment sur le champ, ajoutant qu’il n’avait rien entendu de tel « depuis 47 ans ». Si le legs avait toutes les apparences d’un « don des fées », il lui a toutefois fallu quelques temps pour apprivoiser l’instrument et en faire ressortir toute la palette de couleurs, exceptionnellement riche. Le violon s’inscrit dans une tradition impressionnante puisqu’il avait appartenu à Viotti, à Paganini, à l’éponyme Milanollo et à Christian Ferras. D’ailleurs, il avoue être parfois « apeuré » par l’idée de jouer sur le même instrument que Paganini. Mais la joie d’en jouer l’emporte et donne l’impression au jeune homme d’être « passé du noir et blanc à la couleur ».

The Kid’s a genius
En 2008, le Midem Classic Award à Cannes le confirme comme musicien accompli dont le jeu sensible s’accorde autant à la musique de chambre qu’au répertoire solistique, en nominant son enregistrement de l’intégrale des sonates de Beethoven (avec le pianiste finlandais Paavali Jumppanen), paru en novembre 2006 chez Claves. Certains critiques rendent compte de la justesse de Corey Cerovsek comme chambriste en alléguant son génie des mathématiques et de l’informatique, qui expliquerait son sens de l’architecture des œuvres. L’artiste lui-même confesse se servir parfois de son sens mathématique dans l’approche musicale (tout en veillant de garder de toute nouvelle œuvre une approche intuitive), et à l’inverse se sentir créatif dans le domaine des mathématiques, révélant ainsi une joyeuse porosité des deux domaines.
S’il voyage constamment pour ses concerts, il lui arrive aussi de participer à des congrès. Il a notamment témoigné à “l’Institut Davidson sur le développement des talents“ sur les conditions de bon développement des jeunes musiciens, insistant sur l’importance du rapport humain avec le professeur. A côté de son activité de concertiste, lui reste-t-il un peu de temps pour se laisser vivre ? Peu, mais il choisit de passer son temps libre à Paris, qui est à son sens un haut lieu de culture, et on pourrait l’apercevoir à un spectacle de danse ou autour d’une bonne table, où il développe son épicurisme, agrémenté de bière belge – sa préférée.

Anne-Catherine Berrut

29 août : Concert du London Symphonic Orchestra sous la dir. d’Andrew Davis. Corey Cerovsek, violon. Septembre musical de Montreux, salle Stravinsky, 18h (loc 021 962 80 05)