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Montpellier : Histoires de danse - [Arts-Scènes]
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Festival de Montpellier Danse
Montpellier : Histoires de danse

Parmi les chorégraphes invités : Raimund Hoghe, Alonzo Kingou Jiri Kylian.

Article mis en ligne le septembre 2010
dernière modification le 18 septembre 2010

par Bertrand TAPPOLET

Le Festival de Montpellier tire sa réussite de l’expressivité qui sous-tend la danse en lien avec son histoire. Une expressivité toujours émouvante par sa douceur et sa douleur mystérieuses.

Traces chorégraphiques
Parti d’un vers d’un poème signé Lorca, Si je meurs laissez le balcon ouvert permet à Raimund Hoghe d’explorer le rapport intime à la disparition, à la maladie et au corps. En évitant la simple citation, le chorégraphe et danseur allemand revisite des pans entiers de l’œuvre de Dominique Bagouet ainsi que de ses propres compositions. Un peu comme Necesito et Jours étranges du Français, la pièce chorégraphique se décline en une suite de « tableaux », alternant silences, matériel sonore, en l’occurrence la voix off d’Hervé Guibert et celle, sur le vif, de la comédienne Astrid Bas distillant des textes notamment de Duras, Goethe et Heine. Sans oublier les plages musicales, dont des chants traditionnels d’Espagne et d’Italie. Et une sublime composition passée par Peggy Lee sur la fuite des juvéniles présences d’autrefois.
La création fait la part belle aux danseurs. Références tour à tour tendres et ironiques à des traditions de danses baroques, imaginaires et codifiées : ondulations orientalisantes de bras et des mains, saluts publics de ballet classique inlassablement repris, méditation solitaire en équilibre pour cet artiste circassien, dont le long bâton sert de tuteur et d’embrayeur au geste. La première dimension du mouvement est ici son hétérogénéité composite, changeant souvent de nature et de registre. S’y lit aussi la large palette des états, émotions et sens qu’Hoghe n’a jamais craint de mêler. L’image d’un corps en lutte avec soi ou le vide s’affirme avec parfois une ironie subtile. Passages incessants de la danse à la position figée ou légèrement animée de regardeur, pantomime due à Emmanuel Eggermont revivifiant dans sa signature corporelle, tour à tour burlesque, graphique et songeuse, les univers croisés d’Etaix, Tati et Bagouet.

« Si je meurs, laissez le balcon ouvert » de et avec Raymond Hogue, avec Astrid Bas et Emmanuel Eggermont
© Rosa-Frank.com

« Je tiens à la vérité dans la mesure où elle permet de greffer des particules de fiction comme des collages de pellicule, avec l’idée que ce soit le plus transparent possible. » Ce dit d’Hervé Guibert pourrait servir de frontispice à cet opus poignant, où chaque musique est choisie en fonction d’une étape dans le « récit » chorégraphique. Les disparus y sont convoqués par leur prénom, de ceux qui firent la danse dans les années 80 à Pina, Merce et Michael. Chacun des neufs interprètes (nombre égal à ceux de Necesito) apparaît au moins une fois en solo, le plus souvent accompagné du groupe ou d’une partie de ce dernier dessinant un contexte visuel, thématique ou sonore. Les danseurs forment d’abord une ligne mouvante qui tamise l’image scénique, tombent le sombre de leur costume pour révéler des tenues légères et colorées, dans un style estival. L’évocation mémorielle sous forme d’une sorte de memento mori accompagne ces touches d’univers solaires acidulés glissant et pendulant au cœur d’une boîte noire. La pièce est emplie d’éléments référentiels dont Hoghe pointe les correspondances plurielles « entre l’homosexualité de Lorca. Et celle de Bagouet, dont Necesito s’inspire de l’histoire de Grenade, cité du poète. Ces deux artistes disparurent jeunes dans la trentaine. »

Musicalité du mouvement
Ouvrant au spectateur un espace de partage d’une irréductible humanité, l’Américain Alonzo King fait de la ligne son horizon mouvant, volontiers courbe, hiératique par instants, tout en étant traversé de failles intimes et de déplacements. Jouant avec virtuosité du déséquilibre, remettant sur le métier des formes d’élévation, la musicalité des compositions frappe. Qu’elle soit innervée par le piano-jazz de Jason Moran, pour Refraction, pièce mettant en valeur les tutti, ou par les contreforts lyriques et religieux signés Poulenc et Corelli, au détour de Dust and Light. Sous des lumières magnifiquement sculptées, ce dernier opus courtepointe des pas de deux et des portés d’une frissonnante fluidité que dynamisent des vêtements d’une vaporeuse texture.

« Refraction » dans la chorégraphie d’Alonzo King

Ultime pièce en date de Jiri Kylian, Mémoires d’oubliettes joue d’un sentiment violent de déchirement pour des interprètes qui semblent parfois comme traversés de flux électriques. Entre ruptures et transitions, les parcours angulaires initiés par des corps originellement retenus dans des murs de lianes serrées produisent une sensation d’agitation que la musique technoïde et stratosphérique due à Dirk Haubrich accentue le côté sans issue, dont les inserts ironiques (des boites de conserves formant toison sonore avant de se déverser des cintres) ne parviennent pas à soulager l’inquiétude. Un danseur en tutu à corolle incarne le bouleversement d’une grammaire néoclassique par des duos tendus entre figurine manipulée et froide sensualité.

Le Nederlands Dance Theater, dans les chorégraphies de Jiri Kylian

Conçue en 1978 sur la musique de Stravinski (A la gloire de Dieu, 1930), Symphonie des Psaumes épouse parfaitement les rythmes puissamment émotionnels d’une célébration dramatique. Envisagée comme un uniquement mouvement se déroulant sans butée, la danse réparti les interprètes en masses choriques. L’espace du rectangle recueille ainsi des évolutions marquées par la symétrie et la segmentation dans un parti pris magnifiquement géométrique.

Bertrand Tappolet