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Cracovie : Festival Boskia Komedia - [Arts-Scènes]
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Cracovie : Festival Boskia Komedia

Paris-Cracovie. Du vent d’est. Le festival Boskia Komedia. Brèves.

Article mis en ligne le 31 décembre 2010

par Stéphanie LUPO

Du 2 au 12 décembre dernier a eu lieu à Cracovie un des plus importants festivals de théâtre polonais actuel. Il a été fondé par Bartosz Szydlowski et existe pour la troisième édition. Tous les théâtres de la ville sont investis à l’occasion.

Parmi les plus mythiques le Stary Teatr qui a vu naître toutes les productions de Kristian Lupa et parmi ceux qui ont attiré l’attention, le Laznia Nowa Theatre, sorte de « théâtre fabrique » créé récemment à Nowa Huta, un immense complexe industriel et d’habitation dans la partie Ouest de Cracovie, symbole de l’industrialisation socialiste de la Pologne et en même temps de la résistance des Polonais contre le pouvoir communiste. Le festival intitulé « Boska Komedia – Divine Comedy Theatre Festival » s’organise selon trois catégories : L’Enfer, le Purgatoire, le Paradis.

C’est au Purgatoire que le festival a été lancé avec en séance d’ouverture le nouveau spectacle de Warlikowski « Koniec » (The end), spectacle que l’on pourra voir notamment à Paris au théâtre de l’Odéon du 4 au 13 février 2011.
Autour d’une dramaturgie pour le moins complexe qui mêle des extraits du « Procès » de Kafka, un scénario non achevé « Nickel Stuff » de Koltes et « Élisabeth Costello » un roman de J.M Coetzee, prix nobel de littérature 2003, le metteur en scène polonais semble atteindre à l’apogée de son art avec ce spectacle. Beauté, force, art et artisanat, tout y est réuni pour laisser le souffle court. On y retrouve ses thèmes et son univers comme à leur paroxysme, ainsi la perte, les ravages du désir, de la mort quotidienne, l’enfermement, l’impossible communication des êtres et les constantes humiliations. La question de l’artiste est également très présente, Warlikowski avoue avoir osé l’affronter directement pour la première fois, comme un autoportrait qui s’achève sur la question de la foi aujourd’hui. Pendant environ trois heures, ce qui se passe sur le plateau semble flirter à chaque instant avec le sublime. Comme toujours dans son théâtre les acteurs sont à fleur de peau et déroutants, les femmes transfigurées, les hommes justes et sensibles tandis que l’usage de la caméra amplifie l’émotion jusqu’à l’insoutenable. Un spectacle riche, envoutant, bouleversant.

« Koniec », dans la mise en scène de Krzysztof Warlikowski.
Photo Marta Ankiersztejn

Parallèlement et sous le nom d’ « Enfer  » le festival propose une compétition officielle qui a la particularité de faire se rencontrer de jeunes metteurs en scènes talentueux émergents et des grands noms de la scène polonaise. On y a vu notamment le spectacle « Persona. Simone’s Body » de Kristian Lupa, un projet à partir de Simone Weil, qui fait partie d’une trilogie dont les parisiens ont déjà pu voir « Factory 2 » sur Andy Warhol en septembre dernier dans le cadre du festival d’automne et auront aussi la chance de voir le plus sublime des trois spectacles « Persona. Marilyn » au théâtre Nanterre-Amandiers du 3 au 7 mai 2011 ». Inspiré de la vie de Marilyn Monroe, incarné par l’actrice Sandra Korzeniak, le spectacle offre une plongée dans l’abîme de la beauté incandescente de la star où la limite est toujours confuse entre vie et art.

« Persona. Marilyn », dans la mise en scène Kristian Lupa

Bien que les maîtres aient été à l’honneur, c’est assurément la jeune génération qui a attiré l’attention, notamment deux spectacles récompensés par le jury. Le « grand prix » a été attribué en effet à Monika Strzepka, metteuse en scène qui montrait « There was once Andrzej, Andrzej, Andrzej and Andrzej ». Âgée de trente ans, elle signait avec le jeune auteur dramaturge Pawel Demirski une pièce de génie où l’on rit et pleure devant l’avalanche d’intelligence et d’audace. La question centrale étant « comment créer aujourd’hui dans les rouages d’un système sclérosé », « ce que la société attend des artistes aujourd’hui et ce que les artistes attendent de la société ? ».

« Persona. Simone’s Body » de Kristian Lupa
Photo Grzegorz Ziemianski

Un double prix, celui de la mise en scène et de la scénographie a été attribué à Krzysztof Garbaczcewski, un metteur en scène issu de l’école de mise en scène de Cracovie qui n’a pas même trente ans et qui depuis sa sortie ne cesse de faire parler de lui, pour son style inventif, démesuré, fulgurant. Il vient par ailleurs d’intégrer le Nowy Teatr à Varsovie, dont Warlikowski a la direction. Son esthétique « jeune » a quelque chose d’une révolte néo punk qui semble par ailleurs caractériser tout un courant des pays de l’Est actuellement. Il montrait une « Odyssée » contemporaine inspirée d’Homère, un voyage personnel et sensible autour de la figure de Télémaque. En avril prochain le festival « Tempsdimage » initié par Arte et la ferme du buisson met à sa disposition le musée d’art moderne de la ville de Varsovie pendant deux jours pour un nouveau projet où le défi sera de mêler nouvelles technologies, poésie, musique autour de « la vie sexuelle » d’un groupe de jeunes gens de très « sauvages ».

Krzysztof Garbaczcewski, Prix de la mise en scène et de la scénographie, pour « Odyssey », d’après Homère 2010

En parallèle toujours, la section « Paradis » était conçue pour que de jeunes metteurs en scène encore inconnus des capitales artistiques du pays puissent montrer leur travail. A noter également que le directeur s’est laissé la liberté de programmer des formes hybrides et fragiles dans ce qu’il appelle « Krakow performances » où l’on a pu voir notamment un « Siekera ! Polish Dances Punk style ». Et enfin dans la section « Life in the theatre (la vie dans le théâtre) » nous avons vu les nouvelles créations de Thomas Richard et Mario Biagini issues du Workcenter de Jersy Grotowski, notamment « I am America » et « Not History’s Bones : A poetry concert » deux spectacles qui tournent un peu partout dans le monde depuis presque deux ans et qui arriveront en France au mois de juin à Paris et au Mans.

Un festival marqué par son effervescence, par l’énergie et la beauté d’organisateurs et d’artistes de théâtre animés de passion, d’idéal, de désir. Presque une commune et contagieuse folie on pourrait dire ou encore ce qu’on ne voudrait pas voir tarir : voir créer et croire encore fortement que l’art du théâtre aujourd’hui peut influer sur nos vies.

Le festival a lieu tous les ans début décembre à Cracovie, ville de cet autre maître polonais qu’était Tadeus Kantor.

Stéphanie Lupo