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Salzburger Festspiele
Salzbourg : Festival 2009

Le festival de Salzbourg propose une affiche tout simplement renversante !

Article mis en ligne le octobre 2009
dernière modification le 17 décembre 2009

par Philippe BALTZER

Comme l’écrivait un humoriste viennois : « les Autrichiens sont un peuple particulièrement intelligent ; ils ont réussi à faire croire au monde entier que Mozart était Autrichien et que Hitler était Allemand ! ». Située à quelques kilomètres de Berchtesgaden, et de la frontière allemande, la ravissante bourgade de Salzbourg s’est naturellement imposée comme le lieu de pèlerinage incontournable de tous les mélomanes qui, chaque été, célèbrent le génie du plus illustre de ses fils : Mozart.

Il faut avoir flâné dans les rues étroites de ce petit bijou d’architecture baroque parsemé de boutiques de luxe, au milieu d’une foule de touristes en goguette et de mozartiens en smoking ou en « trachten » (costume traditionnel porté avec beaucoup d’élégance par les salzbourgeois) qui déambulent en discutant de la mise en scène de la veille ou de la programmation du lendemain.
La programmation… parlons-en ! Elle est, depuis sa création en 1920, la marque de fabrique du festival. Comme chaque année, l’Orchestre Philharmonique de Vienne établit ses quartiers d’été à Salzbourg et la pièce de Hofmannsthal Jedermann est interprétée sur la place de la Cathédrale. Le « reste » de l’affiche est tout simplement renversant : l’Orchestre Philarmonique de Berlin, les chefs Nicolas Harnoncourt, Esa-Pekka Salonen, Ricardo Muti ou Sir Simon Rattle ainsi que des artistes tels que : Juan Diego Florez, Anna Netrebko, Magdalena Kozena, Martha Argerich, Grigory Sokolov, Lang Lang, ou Maurizio Pollini pour n’en citer que quelques-uns.

Fidelio
Les versions de concert d’opéras célèbres sont une forme hybride de représentations qui sont appelées à se multiplier en ces temps de crise. Le principe est fort simple : quelques lutrins et une poignée de chaises constituent l’unique décor et un habit de soirée, laissé au gré des chanteurs, fait office de costume. Tout le monde connaît sa partition, les répétitions sont réduites à un filage de l’œuvre ... et l’imagination du spectateur fait le reste.

« Fidelio » avec Daniel Barenboim, John Tomlinson (Rocco), Waltraud Meier (Leonore), West Eastern DIvan Orchestra
© Wolfgang Lienbacher

Afin de rendre cet unique opéra de Beethoven plus digeste, le chef Daniel Barenboïm a choisi d’en remplacer les dialogues par un texte poético-philosophique, composé par Eward Said et lu par le rôle titre entre les différents airs. Waltraud Meier se tire avec élégance de cet exercice et prête à Fidelio son ample voix aux couleurs wagnériennes. John Tomlinson est un solide Rocco malgré une sonorité un peu caverneuse et un premier aria catastrophique, enfin Terje Stensvold remplace au pied levé et avec métier un Peter Mattei malheureusement souffrant.
Créé il y a une dizaine d’année l’excellent « West Estern Divan Orchestra » est une phalange qui démontre que les israéliens et les palestiniens peuvent vivre, et même faire de l’excellente musique, ensemble, surtout lorsqu’ils sont placés sous la baguette du maestro Daniel Barenboïm dont la direction alerte et précise éclaire la partition.

Théodora
La commémoration du 250ème anniversaire de la mort de George Frederick Händel fut célébrée par la traduction scénique de Théodora, l’avant dernier oratorio composé par le jubilaire. Cette œuvre nous détaille l’édifiante histoire de cette martyre chrétienne qui refuse le culte païen et qui périra en compagnie d’un officier romain qui s’était converti à la « vraie foi » par amour pour la belle princesse.

« Theodora » avec Christine Schäfer (Theodora), Bejun Mehta (Didymus)
© Monika Rittershaus

Le metteur en scène Christoph Loy installe un décor unique sobre et efficace constitué par un immense buffet d’orgues qui traverse l’immense ouverture scénique. Les chanteurs évoluent en costumes sombres et en robes de soirée au milieu de l’extraordinaire Bachchor de Salzbourg en mouvement perpétuel.
Sans grande voix, un oratorio de Händel est un supplice ! Une distribution superlative emmenée par l’excellente Christine Schäfer et le meilleur contre-ténor du moment, Bejun Mehta, font de ces 3 heures de musique baroque un véritable enchantement vocal. Ivor Bolton et le Freiburger Barockorchester proposent une lecture vive et passionnante de l’œuvre qui restera comme un des meilleurs moments de cette édition.

Cosi fan Tutte
Les dernières éditions du festival ont été très largement dominées par l’inventivité des mises en scènes de Claus Guth dont les sublimes Noces relues à la lumière de Strindberg (disponible en DVD) et un Don Giovanni forestier et cinématographique sont restés dans toutes les mémoires. Son Cosi, dernier volet de la trilogie Da Ponte-Mozart, était attendu avec impatience par ses admirateurs ... et ses derniers détracteurs.
Le jeune metteur en scène allemand, a choisi de placer cette « école des amants » dans un loft urbain contemporain sur 3 niveaux. Dans ce lieu unique, quelques nantis s’amusent en compagnie de Don Alfonso, un playboy fatigué et vaguement hypnotiseur, qui convie deux amis au carnaval triste du deuil de l’innocence.
Le pari dramaturgique audacieux de Claus Guth est de placer Don Alfonso au centre de l’œuvre. Il est celui par qui tout arrive : il sait, il provoque, il manipule, il suscite ce « désir fou de chercher à découvrir ce qui, une fois trouvé, nous rend malheureux ». Cette lecture à rebrousse poil désoriente forcement les inconditionnels de l’extase mozartien, mais comblera les amateurs de prise de risque subtils et calculés.

« Cosi fan tutte » avec , en haut : Bo Skovhus (Don Alfonso), Topi Lehtipuu (Ferrando), Florian Boesch (Guglielmo), en bas : Miah Persson (Fiordiligi), Isabel Leonard (Dorabella)
© Monika Rittershaus

Les emprunts aux spectacles précédents de Claus Guth sont nombreux et tissent un lien entre les œuvres de cette trilogie, comme cette forêt (référence directe à son Don Giovanni), lieu de mystère, qui surgit et avance dans le salon lorsque les deux jeunes femmes cèdent aux charmes des albanais. La boucle est bouclée.
Un plateau vocal fort jeune, composé d’excellents comédiens (Isabel Leonard, Topi Lehtipuu, Miah Persson et Johannes Weisser), ne révèle malheureusement aucun talent d’exception. Mention particulière pour l’excellent Bo Skovhus qui prête sa belle voix sombre à Don Alfonso ainsi que pour la pétulante Despina de Patricia Petitbon, impayable en jeune fille au pair décomplexée rousse et hirsute.
Au pupitre de l’Orchestre Philarmonique de Vienne, Adam Fischer (frère d’Ivan) choisi des tempi plutôt lents et dirige de mémoire d’une battue très sûr mais sans aspérités.

Philippe Baltzer

Festival de Salzburg, tél. + 43 662 8045 500 www.salzburgfestival.at