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Festival d’Avignon
Rencontre : Pippo Delbono

Au Festival d’Avignon, Pippo Delbono présentera La Mensogna. Entretien.

Article mis en ligne le juillet 2009
dernière modification le 10 août 2009

par Sophie EIGENMANN

C’est dans un bureau du Théâtre Lalek de Wroclaw en Pologne que
l’auteur, metteur en scène, acteur et danseur Pippo Delbono rencontre Scènes Magazine. Lauréat du 11ème Prix Europe Nouvelles Réalités Théâtrales, il a présenté à cette occasion deux de ses œuvres : sa première pièce Il tempo degli assassini (1986) et Questo buio feroce (2006).
Il sera au Festival d’Avignon du 18 au 27 juillet.

Comment se passe votre travail en ce moment ?
Pippo Delbono : Bien, je suis là pour le prix. Cet été, ma dernière pièce La Menzogna sera à Avignon et le festival du film de Locarno va également montrer une rétrospective de mon travail au cinéma. C’est bizarre pour moi, mais c’est vrai que je travaille déjà depuis 23 ans. J’ai l’impression que mon premier spectacle Le Temps des assassins reste actuel, qu’il a traversé l’histoire sans une ride. Une rétrospective, cela fait également réfléchir, c’est bien !
Je suis content car cela va sûrement m’ouvrir de nouvelles zones d’exploration. Je fais du théâtre avec du travail et non avec une idée, même si un spectacle est aussi un effet de langage.

Quelles sont vos influences ?
Dans mon théâtre, je pose beaucoup de questions. Je suis comme un enfant, mais je ne suis pas dans une recherche de sécurité. En général, les gens aiment ou détestent mon travail. Je m’intègre dans une histoire classique du théâtre. Je me sens par exemple très lié à celle de Jerzy Grotowski, qui travailla beaucoup à Wroclaw. La danse m’a vraiment marqué et quand j’ai travaillé avec Pina Bausch, il y a eu un changement de langage dans mon travail. J’ai aussi décomposé 3 minutes de spectacle pendant 16 ans, j’étais comme sous influence orientale.

« La Mensogna »
© Jean-Louis Fernandez

Comment vous sentez-vous ?
Je viens de faire deux spectacles à la suite hier soir ; c’était une première pour moi. Je me demandais comment j’allais changer de rythme, mais finalement je suis passé de l’un à l’autre sans souci. Cela demande une vraie énergie physique et instinctivement le corps sait ce qu’il a à faire. Il n’y a pas de psychologie dans ce travail. C’est quelque chose de concret qui dépend simplement de la technique théâtrale !

Votre troupe a des particularités ?
J’ai réussi à intégrer trois personnes handicapées à ma troupe : Nelson, Gianluca et Bobò. Travailler avec eux pose de nombreuses questions sur le métier d’acteur aujourd’hui. Souvent, les acteurs ne sont pas capables d’être simplement assis sur une chaise. Eux sont là à chaque instant. Ils sont naturels, très présents et en lien avec un univers proche de la commedia dell’arte. Je refuse le côté bourgeois et loin de la réalité de ce siècle. La vie est pour moi dans la terre et j’ai envie de mettre en scène les différents aspects de l’être humain.

Le théâtre a-t’il pour vous un rôle social ou politique ?
Dans le théâtre, il y a une confrontation avec la fin et avec la politique. Je retrouve dans mon travail des aspects autobiographiques dans la confrontation avec moi-même et aussi avec la mort. Je passe par ma propre expérience pour toucher le collectif. Je me pose par exemple la question : les gens qui partent prôner la défense des droits de l’homme en Afrique, sont-ils au clair avec qui ils sont, avec leur conscience ?
Si l’art est une crise, la politique doit s’alimenter de l’art pour l’aider à couper les catégories, à briser les normes qui amènent à la re-création de la même maladie du pouvoir.

Il y a beaucoup de musique dans votre travail, pourquoi lui donner autant de place ?
La musique c’est mon âme, mon histoire, ce qui m’appartient le plus. Il y a une dramaturgie dans la musique, un voyage de l’âme. Etre dans l’écoute, dans le silence. La mort c’est aussi de la musique. Il y a de la vérité dans la chorégraphie de la musique, même si elle garde une zone inconnue.

Propos recueillis par Sophie Eigenmann

Au Festival d’Avignon 2009, « La Menzogna » de Pippo Delbono du 18 au 27 juillet dans la Cour du Lycée Saint-Joseph