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Festival d’Aix-en-Provence
Aix-en-Provence : 61ème édition

L’édition 2009 du Festival d’Aix-en-Provence a offert de très belles soirées aux mélomanes.

Article mis en ligne le septembre 2009
dernière modification le 22 septembre 2009

par François JESTIN

Quatre opéras à l’affiche de la 61ème édition du festival d’Aix-en-Provence, marquée d’abord par la fin de la tétralogie wagnérienne, un Crépuscule des Dieux inoubliable.

L’orchestre des Berliner Philhamoniker, dirigé par Simon Rattle, est le vrai héros de la soirée. Impressionnant de bout en bout, il est des moments où l’on se pincerait pour y croire, tant le son est beau et les volumes contrastés, tant aussi les instrumentistes jouent ensemble. Les musiciens ont une telle marge de maîtrise technique qu’ils peuvent oser des nuances inouïes, sans que cette perfection ne soit cependant ressentie comme mécanique ou inhumaine. Si les décibels sont victorieusement lâchés par moments (mort de Siegfried, immolation de Brünnhilde, …), Sir Simon veille à ne pas couvrir les voix, ce dont lui est d’abord redevable Ben Heppner (Siegfried), qui, s’il n’est plus le Heldentenor claironnant d’il y a quelques années, tient tout de même très dignement son rôle. A l’opposé, le volume de Katarina Dalayman (Brünnhilde) est énorme – parfois à la limite du cri – et c’est elle qui remporte le plus gros succès, à partager avec la voix noire et inquiétante de la basse Mikhail Petrenko (Hagen). Le frère Gerd Grochowski (Gunther) et la sœur Emma Vetter (Gutrune) sont aussi solides et bien caractérisés, tandis qu’Anne Sofie von Otter (Waltraute), même si elle ne possède pas les moyens naturels d’une chanteuse wagnérienne, assure parfaitement son apparition, avec de surcroît un jeu dramatique engagé.

« Crépuscule des Dieux » avec Gerd Grochowski (Gunther) et Ben Heppner (Siegfried)
© Elisabeth Carecchio

L’impact visuel de cette tétralogie, réalisée par Stéphane Braunschweig, ne laissera pas quant à lui un souvenir impérissable, même si le dernier volet est plus réussi, car moins minimaliste en raison du rappel des décors des épisodes précédents. Souvent cantonnée dans l’illustration, la production propose tout de même 2 ou 3 images plus originales, comme le cynique Hagen enfoncé dans un fauteuil club, cigare au bec, le chœur des Gibichungen déboulant tout de blanc vêtu, joueurs de polo ou de tennis, ou encore l’attroupement à la toute fin de l’opéra autour dune fosse éclairée par les reflets de l’Or rendu aux Filles du Rhin.

Offenbach au paradis
Radical changement d’ambiance avec Orphée aux Enfers dans la cour de l’Archevêché, où Offenbach prend une magnifique revanche sur la calamiteuse production de sa Belle Hélène, montée ici-même il y a tout juste 10 ans. Alors qu’en 1999 une formation très réduite de musiciens sonnait par moments comme une sympathique fanfare municipale, le traitement musical est sérieux et de qualité cette fois, avec l’orchestre de la Camerata Salzburg en fosse, dirigé par Alain Altinoglu. Mais le plus gros défi à relever se situait a priori du côté vocal, les rôles étant distribués en intégralité à de jeunes chanteurs, dont beaucoup issus de l’Académie européenne de musique aixoise.

« Orphée aux Enfers »
© Elisabeth Carecchio

Si les moyens de certains sont plutôt modestes, d’autres artistes ont un bel avenir devant eux, comme Pauline Courtin (Eurydice), Mathias Vidal (Pluton), Emmanuelle de Negri (Cupidon), ou encore l’hilarant Jérôme Billy (John Styx) dans son numéro d’imitateur. Le niveau d’ensemble est remarquable, avec – chose importante – une diction constamment appliqué, dans la mise en scène entre-deux-guerres de Yves Beaunesne bien dans le ton, réjouissante et drôle, même avec ses quelques gags au premier degré. Au final une très belle soirée et un Offenbach à la fête, là où on ne l’attendait pas forcément.

Et Py Mozart
Mozart se taille à nouveau la part du lion cette année avec deux ouvrages représentés, et la nouvelle production d’Idomeneo, signée d’Olivier Py n’aura pas laissé indifférent, celui-ci étant accueilli en particulier par de bruyantes huées à l’issue de la première. Certes les premières images ont un goût de déjà-vu – des immigrés ou sans-papiers portent leurs valises et se font violenter par des sortes de miliciens cagoulés, mitraillettes en bandoulière – mais la construction dramatique reste cohérente de bout en bout, axée sur la tension, la violence, contenue et parfois débordante, des relations (rappelons que les Dieux ont décrété que le père Idomeneo doit tuer le fils Idamante). Certes, l’œil n’est pas au repos de toute la soirée, avec de l’action véritablement à tous les étages de l’ingénieux dispositif scénique de Pierre André Weitz – des éléments de structures métalliques sur roulettes, qui peuvent pivoter, être assemblés – et on reconnaît la marque de fabrique de Py : le noir et blanc, des tôles ondulées inox qui brillent, des miroirs qui aveuglent par moments. Et pourtant il y a du mouvement, du jeu, de la vie sur le plateau, et ce travail ne méritait pas d’être sifflé.

« Idomeneo », avec Luca Tittoto (La Voce), Richard Croft (Idomeneo) et Yann Beuron (Idamante)
© Elisabeth Carecchio

Dans la fosse, un très bel orchestre des Musiciens du Louvre Grenoble, en symbiose avec le dynamisme et l’inspiration de son chef Marc Minkowski. La distribution est dominée par le ténor Richard Croft (Idomeneo) qui apporte un supplément d’âme au personnage, et donne également une leçon de chant virtuose dans son difficile « Fuor del mar ». Mireille Delunsch est idéalement vindicative puis déchaînée dans ses apparitions en Elettra, et la voix de Sophie Karthäuser (Ilia) est délicate et musicale à défaut de grand volume. La déception vient de Yann Beuron (Idamante) dont l’élégance de la ligne de chant ne parvient pas à faire oublier qu’il est trop souvent à côté de la note (plus précisément en-dessous…), tandis que Xavier Mas (Arbace) remplit fort bien son rôle de deuxième ténor.

Fidèle en amitié, l’ancien directeur de la Monnaie Bernard Foccroulle a souhaité remonter à Aix la production de William Kentridge de sa Flûte enchantée, inaugurée en 2005 à Bruxelles. L’artiste plasticien utilise une vaste boite à outils : un cœur de mise en scène traditionnelle dans des décors et costumes d’inspiration néocoloniale, entouré de nombreuses animations lumineuses, en majorité blanches sur fond noir. Le résultat est très graphique, en suivant avec amusement la ligne blanche se déplaçant sur les rideaux de tulle et cadre de scène, et permet de réviser aussi quelques cours de physique, d’optique, ou d’astronomie, en phase avec le caractère maçonnique de l’œuvre, renforcé par la présence de tableau de classe, et rapporteur, té, équerre, compas, …

« La Flûte enchantée » avec Anna-Kristiina Kaapola (la Reine de la Nuit)
© Elisabeth Carecchio

La direction musicale de René Jacobs est surprenante par le choix de ses tempi, qui vont de la course folle au ralenti presque immobile, jusqu’à l’exagération par endroits (par exemple le chœur des sbires de Monostatos), mais la clarté du son reste exceptionnelle, autorisée par la présence d’un orchestre baroque en fosse, l’Akademie für Alte Musik. Les chœurs du Rias Kammerchor Berlin sont décevants par rapport à leur prestation de l’année passée, dans Belshazzar, tandis que la troupe de solistes est jeune et de très bon niveau, emmenée par la jolie Pamina de Marlis Petersen, le Papageno de Daniel Schmutzhard, qui brûle les planches, et la pyrotechnique Reine de la Nuit de Anna-Kristiina Kaapola.

Concerts
Les festivaliers ont pu profiter de la présence aixoise du Philharmonique de Berlin, pour quelques concerts, dont celui du 8 juillet : Simon Rattle au pupitre et Lang Lang au piano sont bien plus convaincants en 2ème partie (Ravel) qu’en 1ère (Haydn). Louis Langrée (le 10) à la tête de la Camerata Salzburg donne un très beau programme Haydn, tandis que Magdalena Kozena dans la cantate Ariana à Naxos paraît un peu crispée, et quelques notes sont tendues. Louis Langrée et la Camerata Salzburg sont également sur le plateau du théâtre du Jeu de Paume (le 15), aux côtés des élèves de l’Académie européenne de musique ; le cru 2009 est assez décevant, en particulier chez les femmes. On a bien du mal à trouver une perle rare, peut-être le jeune ténor russe Pavel Kolgatin, à suivre. Heinrich Schiff est programmée deux soirées (les 23 et 24) pour Six suites pour violoncelle seul de Bach ; la justesse est malheureusement souvent mise à mal dans les – nombreux – passages virtuoses, mais l’émotion passe dans les parties lentes. Enfin Joyce DiDonato (le 27), accompagnée par les Talens lyriques, sous la baguette de Christophe Rousset, remporte un spectaculaire succès – bien mérité – dans son programme « Furore ! » d’airs de Haendel. Elle doit pourtant rester assise sur un haut tabouret après la rupture de son péroné il y a 3 semaines à Londres, mais son handicap n’entame en rien la technique ni l’expressivité de son chant.

François Jestin

Wagner : DIE GÖTTERDÄMMERUNG : le 6 juillet 2009 au Grand Théâtre de Provence
Mozart : IDOMENEO : le 17 juillet 2009 au Théâtre de l’Archevêché
Offenbach : ORPHEE AUX ENFERS : le 20 juillet 2009 au Théâtre de l’Archevêché
Mozart : DIE ZAUBERFLÖTE : le 25 juillet 2009 au Grand Théâtre de Provence
Concerts : les 8, 10, 15, 23, 24, 27 juillet 2009