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Biennale de la Danse 2008
Lyon : Danse en questions

Affiche très diversifiée pour cette édition 2008, avec œuvres créées, recréées ou historiques.

Article mis en ligne le septembre 2008
dernière modification le 24 septembre 2008

par Bertrand TAPPOLET

Du 6 au 30 septembre, sous la question générique du « retour en avant », la Biennale de la Danse de Lyon interroge la mémoire, le répertoire, la transmission et la création.

A l’affiche : œuvres historiques (Bagouet, Forsythe), œuvres créées (Montalvo-Hervieu, Ballets C de la B), ou recréées (Carlson, Linke). Plus de 85’000 spectateurs sont attendus avec, en point d’orgue, l’univers du conte feuilleté par Anjelin Preljocaj en collaboration avec le styliste Jean-Paul Gautier aux costumes de cour pour Blanche neige, un ballet réunissant 26 danseurs.

Danse de mémoire
Il semblerait que par The Continuum : Behind The Killing Fields, le chorégraphe natif de Singapour Ong Ken Sen entreprenne à la scène à lui tout seul l’œuvre de mémoire qu’aucun des dirigeants cambodgiens ne s’est jusqu’à présent résolu à amorcer. C’est un legs culturel khmer qu’il juxtapose à d’autres horizons culturels sur scène, un travail de maillage et de transversalité métissée qui est à l’opposé de la politique d’éradication systématique de la plupart des traditions qui marqua le régime de Pol Pot.

« The Continuum - Beyond
the Killing Fields »
Photo Michel Cavalca

Interprétation du réel, documentaire et théâtralité minimaliste s’entremêlent lorsque Ken Sen en arrive à la question de la mémoire. C’est le récit d’une vie, celle d’Em Theay, maître de ballet à la Cour royale, rescapée de la folie meurtrière Khmer rouge. Danser pour dévider les fils de sa vie brisée. Autour d’elle, deux juvéniles ballerines et un marionnettiste témoignent face à la caméra de leur parcours tourmenté. Ong Ken Sen marie la danse, le chant, la vidéo, la marionnette et le théâtre d’ombres pour mettre en lumière la mémoire tourmentée de ses interprètes.
Dans cette suite de gestes épousant le sentiment, cadencés dans de subtiles mouvements de doigts, de mains et de poignets, se lit un passé, une tradition sans lesquelles une culture contemporaine ne peut s’imaginer. Ce que dit en creux ce spectacle documentaire, c’est que le Cambodge est un pays aux rêves brisés. Très rares y sont les théâtres et salles de spectacle. Les arts traditionnels et populaires sont en train de disparaître à leur tour, face à la concurrence de la télévision, au mépris et au manque de subventionnement.

Résistance
Pièce pour quatre danseurs d’une jaillissante intensité, des musiciens (kora et guitare) qui incarnent la magie de l’univers mandingue et une chanteuse griotte, Babemba (d’après l’exemple de Babemba Traoré, dernier résistant aux forces coloniales françaises du Mali, qui préféra la mort à la reddition) du chorégraphe burkinabé Serge-Aimé Coulibaly passe au scalpel les grandes désespérances et horizons de la jeunesse continentale africaine à travers plusieurs figures historiques. Patrice Lumumba, Thomas Sankara (ancien président assasiné du Burkina-Faso qui parvint à donner à son pays la stabilité politique et économique), Kwamé Nkrumah (père de la décolonisation du Ghana), et Nelson Mandela sont ces mythes de l’Afrique à laquelle une jeunesse en manque de repères et de perspectives peut s’identifier.

« Faso » Danse Théâtre. Chorégraphe : Serge-Aimé Coulibaly
Photo Christian Ganet

Qu’est-ce qui en nous peut se mettre en marche vers ces hommes qui ont risqué un pari, celui d’inventer un avenir dans la dignité recouvrée ? Comment transposer en danse la facilité de contact de ces leaders, leur grande capacité de vulgarisation du monde des idées et des réalisations ? Dans une scénographie d’après la catastrophe, l’Afrique pourra-t-elle puiser dans des exemplarités historiques des raisons d’espérer et de se réconcilier avec elle-même ?

Conte initiatique
Chaque civilisation aime à se raconter des histoires. Conte saisonnier, œdipien et moral, la légende de Blanche Neige des Frères Grimm est l’embrayeur d’imaginaire offert à Anjelin Preljocaj pour créer une tragédie féerique, dans une danse fluide et éminemment écrite, un grand ballet romantique contemporain. Ses personnages chtoniens, les sept nains, deviennent ici une confrérie de moines mineurs en quête de lumière spirituelle et diamantaire, une sorte de métaphore de la chasteté. Les duos se développent en pas de deux d’amour entre le miroir magique et les femmes de l’histoire.
« J’avais envie de rêver, de retrouver cet état peut-être propre à l’enfance, où lorsque l’on vous conte une histoire, vous vous laissez porter. Blanche Neige est d’une extraordinaire densité dramaturgique et s’apparente à un thriller émaillé de multiples rebondissements. Dans ses résonances, le récit permet d’élaborer des chausse-trappes psychanalytiques. Notre époque a remis le thème de Blanche Neige au goût du jour, car la science, la diététique, la médecine ont fait évoluer l’espérance de vie. Vivre plus longtemps et jeune. Je voulais renouer avec la magie du théâtre, les matériaux. D’où le choix de Gautier, qui a déjà travaillé avec la danse, avec Régine Chopinot notamment », explique le chorégraphe.

« Blanche Neige », Ballet Preljocaj. Chorégraphie Anjelin Preljocaj (danseuse Nagisa Shiraï)
Photo JC Carbonne

Preljocaj aime à alterner les styles. Après des réalisations menées sur le canevas de compositeurs contemporains tels Stockhausen ou Cage, il cisèle avec minutie une dramaturgie musicale pour ce ballet narratif avec des éclats issus des symphonies mahlériennes. Après l’éclatante réussite du Parc sur des compositions mozartiennes et celle de son Roméo et Juliette, la scénographie de Blanche Neige s’annonce baroque, enchanteresse et merveilleuse.

Bertrand Tappolet

Biennale Danse Lyon, du 6 au 30 septembre 2008
Rés et renseignements : 0033 4 72 26 38 01
www.biennale-de-lyon.org