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Festival de Lucerne
Lucerne, Festival : Mouture 2008

Cette année le Festival de Lucerne est consacré à la musique de pantomime, de danse et de ballet.

Article mis en ligne le octobre 2008
dernière modification le 28 octobre 2008

par Emmanuèle RUEGGER

Qu’est-ce que Don Juan ou le Festin de Pierre (1761) de Christoph Willibald Gluck, et Le Mandarin merveilleux (1917-24) de Béla Bartók, interprétés au Festival de Lucerne, ont en commun ? Ce sont des pantomimes. Et justement, cette année le Festival de Lucerne est consacré à la musique de pantomime, de danse et de ballet.

Mark Minkowski s’est taillé un franc succès avec les Musiciens du Louvre dans sa version de Don Juan. Il en a commenté lui-même chaque entrée, avec humour, en français, s’adressant à un public qui lui était tout acquis. Par contre, pas de commentaires mais une interprétation magistrale, prenante, du Mandarin merveilleux par le New York Philharmonic sous la baguette de Lorin Maazel.
Malheureusement, le festival a invité un chorégraphe qui n’a pas su convaincre. Le plus grand mérite de Joachim Schloemer est d’avoir monté un Sacre du Printemps impressionnant avec des lycéens de Lucerne, exécuté dehors, devant le bâtiment de Jean Nouvel. Autre invité, le pseudo-chorégraphe Jan Fabre. Sa chorégraphie devait accompagner le jeu d’orgue de Bernard Foccroulle, elle a été annulée.

Hommage
Comme c’est maintenant de tradition, le deuxième point fort du Festival est la musique contemporaine. Avec Pierre Boulez bien sûr, et son Academy Orchestra (orchestre formé d’étudiants). Cette année, il y avait des anniversaires à fêter : les cent ans de la naissance de Olivier Messiaen et le centième anniversaire (!) du compositeur américain Elliott Carter. Il y eut plusieurs concerts dirigés par Pierre Boulez et les élèves de l’Académie. Ils ont interprété notamment Triple Duo et Clarinet concerto de Elliot Carter avec un clarinettiste hors pair : le Turc Ismaïl Lumanovski. L’hommage à Olivier Messiaen présentait toute la palette de son œuvre. Œuvres pour Orgue, œuvres pour orchestre et bien sûr œuvres ornithologiques. Le point culminant en a été l’exécution de Des canyons aux étoiles par les solistes de l’Académie dirigés par Jean Deroyer. Le dernier concert de Pierre Boulez présentait deux jeunes compositeurs prometteurs, l’Allemand Johannes Boris Borowski et le Tchèque Ondrej Adamek. Mais surtout, il a captivé toute la salle par une exécution du Sacre du Printemps exceptionnelle.

George Benjamin dirige l’Ensemble Intercontemporain dans des œuvres de Birtwistle, Knussen et Messiaen.
Photo Georg Anderhub - Lucerne Festival 2008

Ovation
Autre moment fort du festival, la représentation de l’opéra Into the little hill de George Benjamin, compositeur anglais, et dernier élève de Olivier Messiaen. Interprétée par l’Ensemble Moderne et dirigée par le compositeur, cette œuvre avait été créée à Paris en 2006. Ce qui est frappant est l’économie de moyens, dans le choix des instruments et des voix (un soprano et un alto pour tous les personnages), effectué par Benjamin pour redonner avec efficacité ce conte des frères Grimm, Der Rattenfänger von Hammeln, qui parle de la force de fascination de la musique. Avant le premier concert dirigé par Pierre Boulez, Benjamin s’est prêté au jeu des questions devant tout le public et il a dit au sujet de son œuvre Palimpsest I et II qu’il espérait qu’elle serait « gentille » (« nice »). Elle fut plus que gentille : majestueuse et ovationnée par un public enthousiaste.
On ne peut pas parler du Festival de Lucerne sans évoquer la parade des grands orchestres invités. Cette parade est précédée par le désormais célèbre Lucern Festival Orchestra, dirigé par Claudio Abbado – qui a dû tripler son concert d’inauguration, tant la demande était grande. Il s’est distingué cette année par un programme entièrement français (Debussy, Ravel, Berlioz). Dans son deuxième programme, il a interprété un fabuleux Oiseau de feu, ballet de Fokine. Le Cleveland Orchestra, sous la direction éclairée de Franz Welser-Möst, a consacré chaque première partie de ses trois concerts à la musique des XXe et XXIe s., allant jusqu’à proposer en création le Duo pour piano et orchestre de George Benjamin, pièce de douze minutes. Le Français Pierre-Laurent Aimard, ami du compositeur britannique et dédicataire de la pièce, fut un interprète inspiré et virtuose.

Succès
Le New York Philharmonic, qui a proposé un Sacre du Printemps tonitruant, et le Philharmonique de Vienne constituent, avec le Cleveland Orchestra, le bloc des orchestres en résidence. Douze autres orchestres, et non des moindres, se sont présentés au Festival.
Un festival – un peu pauvre quand à son propos principal, la danse, mais magistral avec ses grands orchestres et surtout merveilleux pour la musique contemporaine – s’est déroulé une fois de plus à Lucerne.
Vu son efficacité et son succès, Michael Haefliger, intendant du Festival, voit son contrat prolongé jusqu’en 2015.

Emmanuèle Rüegger