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Les Jardins Musicaux de Cernier
Entretien : Mireille Bellenot
Article mis en ligne le juillet 2007
dernière modification le 26 juillet 2007

par Magali JANK

Créé en 2006 au Théâtre Populaire Romand, le Journal d’un
disparu du compositeur tchèque Leos Janácek, emmené au piano par la pianiste chaux-de-fonnière Mireille Bellenot, enchantera cette année les festivaliers de la Grange aux concerts de Cernier. Cet opéra de chambre, donné à cette occasion en version de concert, est inspiré d’une sorte de fable populaire, où se mêlent passion, mystère, lyrisme et touches d’un folklore sublimé. Eclairage.

Mireille Bellenot, lorsqu’il s’agit de monter un spectacle qui sort de l’ordinaire, vous répondez généralement présente. On vous considère même comme une pianiste « atypique ».
Au cours de mes études, j’ai eu la chance de travailler avec Werner Bärtschi, compositeur et musicien zurichois. Anticonformiste, il envisageait son métier de musicien de façon très originale. Il m’a fait découvrir plusieurs compositeurs peu joués dans les programmes traditionnels de l’époque, comme Erik Satie ou John Cage, influençant de façon déterminante mon approche de la musique. Ainsi, dès mes débuts il y a vingt ans, j’ai monté des projets plutôt hors-norme, comme « Que préférez-vous, la musique ou la charcuterie ? », une pièce d’après les œuvres et les écrits de Satie, qui avait été complètement théâtralisée. Mettre en forme ou en scène des pièces musicales en collaborant avec des artistes issus de milieux artistiques divers, comme le théâtre, la danse ou les arts plastiques, me fascine depuis toujours. Soutenir la création contemporaine me tient aussi particulièrement à cœur. Je ne laisse pas pour autant le répertoire classique de côté, car à mes yeux, il n’existe pas vraiment de rupture entre ce qu’on définit comme contemporain et ce qui précède. Néanmoins, ce sont souvent les pièces moins connues qui retiennent mon attention.

Quelles sont les raisons qui vous ont poussée à monter le Journal d’un disparu ?
La musique de Janácek est une véritable passion. Plusieurs éléments m’ont intéressé dans cette partition. Tout d’abord sa forme insolite : un opéra de chambre pour piano, ténor, alto et chœur de femmes. Ensuite, le contexte de son écriture. En effet, le compositeur s’est inspiré d’une série de poèmes attribués à un mystérieux paysan morave, déchiré entre son attachement à des valeurs traditionnelles et sa condamnable passion pour une jeune tzigane. Janácek verra en ces vers le reflet de sa propre histoire, celle d’un homme marié, mais follement amoureux d’une femme de quarante ans plus jeune que lui. Autre élément essentiel à mes yeux, l’intérêt de Janácek pour la langue tchèque et sa transcription en musique. Fasciné par les hauteurs des voix, par la voix parlée, il avait inventé une écriture propre afin de transcrire le rythme particulier de la voix de chacun, traduisant ainsi le rythme et la couleur de chaque mot. Aussi, sommes-nous en présence d’une partition extrêmement difficile aussi bien du point de vue technique que de l’interprétation. Afin de ne pas dénaturer la pièce, cette dernière sera chantée en tchèque, avec en préambule une lecture du texte en français.

La dramaturgie est essentielle dans un opéra. Souvent, l’orchestre y est pour beaucoup. Qu’en est-il du piano, seul instrument de cette œuvre ?
Comme le piano remplace l’orchestre, son rôle est déterminant. Il représente un personnage à part entière. C’est aussi pour cela que cette pièce m’a intéressée. Outre la passion contenue dans la musique de Janácek, c’est son langage très original, sans recours systématique aux dissonances dans les harmonies, qui m’a séduite. Se situant à cheval entre la fin du romantisme et l’esthétique moderne, il reste en quelque sorte inclassable dans l’histoire de la musique. La musique de ce créateur étant d’une telle expressivité, elle porte en elle-même une théâtralité, que je vais tenter de retranscrire.

Propos recueillis par Magali Jank

Le 1er septembre 2007, 19h.