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Musée des Beaux-Arts de Berne
Berne : Albert Anker. Monde en beauté

Vaste rétrospective Anker au musée des Beaux-Arts de Berne. Prolongation jusqu’au 19 septembre.

Article mis en ligne le juin 2010
dernière modification le 22 septembre 2010

par Régine KOPP

A l’occasion du centenaire de la mort d’Albert Anker, le musée des Beaux-Arts de Berne célèbre ce peintre populaire, en lui consacrant une vaste rétrospective,
qui s’articule autour de quelques-uns des thèmes emblématiques de son univers pictural : le monde de l’enfance, les jeunes et les vieux, la vie d’écolier, la vie paysanne, la figuration de la mort.

Albert Anker est un artiste incontournable du patrimoine artistique, et participe à l’identité suisse. Et ce n’est pas un hasard si un homme politique comme Christoph Blocher a concentré sa collection sur cet artiste, dont il a généreusement prêté plusieurs œuvres pour cette exposition. Il suffit de voir les visiteurs se presser aux caisses, dès l’ouverture du musée, pour comprendre que cet artiste parle directement à l’âme de nos concitoyens et leur raconte la vie dure et simple de nos ancêtres, au siècle dernier.

Un peintre extraordinaire au service de la vie ordinaire
Avant de se lancer dans une carrière de peintre, dont il apprendra le métier à Paris, dans l’atelier du peintre Charles Gleyre, Albert Anker avait suivi des études de théologie. Dans une lettre émouvante, présentée dans l’exposition, l’artiste supplie son père de comprendre que c’est dans l’activité artistique et non religieuse qu’il trouvera son épanouissement. Le parcours est organisé en sections thématiques, « donnant à voir une œuvre exceptionnelle, où vérité et beauté ne sont pas contradictoires », souligne dans son introduction, la commissaire Thérèse Bhattacharya-Stettler.
Sa première source d’inspiration, il la trouve dans ces « petites histoires du village », à Anet, où il vécut, et d’où il tire toutes les impressions qui se reflètent ensuite dans son œuvre. Le Secrétaire de commune qui médite avec gravité, Le paiement de l’intérêt qui montre l’humiliation du débiteur obligé de remettre les pièces durement gagnées, L’Usurier, auquel est livré le paysan ignorant, La Soupe des pauvres, qui évoque la faim du petit peuple, toutes ces œuvres témoignent de l’empathie d’Anker pour l’être humain, se faisant également le témoin des changements sociaux de son temps. Rien n’échappe à son œil et quel que soit le sujet représenté, il le fait avec une précision photographique.

La valeur éducative du jeu
Dans ses portraits d’enfants, on les voit dans leurs activités quotidiennes ou leurs moments de détente, en train de lire ou de tricoter. Il s’intéresse aussi au thème de l’enfant dans le jeu, l’apprentissage par le jeu étant particulièrement important pour lui. Dans La Crèche II, il peint des enfants en train de jouer avec de petits blocs en bois sur la table, afin d’exercer leurs aptitudes intellectuelles. Les joueurs d’osselets, Gamin faisant des bulles de savon, Le jeu de berceau, Fillette faisant une tour de dominos, toutes ces œuvres servent à montrer la valeur éducative du jeu. En tant que peintre, Anker traite aussi les sujets ayant trait à l’école ; un sujet qu’il décline sous toutes les formes : La leçon d’écriture, Ecolier, Ecolière dans la neige, Dérangé, Une école de village dans la Forêt Noire, présenté au Salon de Paris en 1859, L’examen, toutes ces œuvres ont assuré la fortune artistique de l’artiste et à défaut d’avoir la capacité de nous émouvoir aujourd’hui, elles nous renseignent sur le système éducatif dans la Suisse du XIX° siècle.

Certaines de ses œuvres nous laissent toutefois moins indifférent, comme dans la section thématique consacrée aux jeunes et vieux : Le Buveur, assis devant son verre, avec dignité et qui regarde muet dans le vide, est un portrait saisissant, comme le sont tous ses portraits de vieillards fatigués et malades, qui expriment la mort prochaine. L’artiste a connu la mort dès son jeune âge et intègre ce thème dans ses peintures de genre. Il peint ses deux fils, Ruedi et Emil sur leur lit de mort et dans Promenade des enfants de la crèche à Berne, il ajoute à la scène d’enfants enjoués, une femme en noire, comme si la mort était omniprésente.

Les natures mortes d’Anker sont généralement moins connues que ses portraits ou sa peinture de genre. Et même si l’artiste ne les destinait pas à être montré publiquement et qu’il se consacrait à ce genre par impulsion personnelle, ces œuvres révèlent des compositions intéressantes, d’une grande sobriété, avec des références sociales qui ne trompent pas : l’univers bourgeois trahissant le raffinement de la table, Thé et biscuits, Thé et cognac, tandis que l’univers paysan se limite aux denrées plus rustiques, Bière et radis, Café, lait et pommes de terre. Il se peut que certains visiteurs ne soient pas sensibles au réalisme intimiste et lumineux de ces œuvres. Qu’ils se rendent alors dans la salle des aquarelles. Elles révèlent la vraie nature du talent de l’artiste et que, pour leur plus grand plaisir, ils pourront apprécier en toute tranquillité.

Régine Kopp

Prolongation jusqu’au 19 septembre, www.kunstmuseumbern.ch