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Dans le cadre des Rencontres Européennes du Théâtre
Entretien : Biljana Srbljanovic
Article mis en ligne le juillet 2007
dernière modification le 24 juillet 2007

par Julien LAMBERT

Trois questions à Biljana Srbljanovic, l’auteure serbe de « Nouvelle » ; d’une part elle met en scène les conflits balkaniques et surtout l’impossible reconstruction qui doit les suivre, et d’autre part ses textes manifestent de forts parti-pris dramaturgiques, très hétéroclites et complexes.

Votre théâtre évoque abondamment la guerre, l’émigration : le qualifieriez-vous d’engagé ?
Oui, c’est-à-dire une littérature qui ne donne pas de réponses, mais pose les questions qui pèsent dans la société. À ce titre Tolstoï ou Proust sont eux aussi engagés ! Elle ne change pas forcément la société, mais pour le spectateur qui sort d’une pièce, le monde ne doit plus être pareil. Mon théâtre est politique parce qu’il décrit le destin de gens peu importants, à l’écart du courant principal. Je veux trouver une place dans la littérature pour leurs petites histoires, à tous. Parce que je ne vois pas de différence entre les vieux de France et de Serbie.

XI Europe Theatre Prize Award Ceremony : Biljana Srbljanovic (www.photoreportage.gr)

Avec les images parfois brutales, les scènes dérangeantes que vous employez, avez-vous la volonté de choquer ?
Avec La Chute je voulais carrément torturer le public serbe en lui parlant de son Histoire, des conséquences de la guerre de manière très cruelle, afin de ne pas le laisser tranquille dans la salle, s’amuser et se dire qu’on ne parle pas de lui. Idéalement j’aurais voulu enlever les chaises et les asseoir sur des bouteilles de bière. Mais la pièce a bien sûr très mal été accueillie.

Même s’il évoque aussi une phase de reconstruction, votre théâtre paraît foncièrement désillusionné… Est-ce votre état d’esprit ?
Je suis déprimée mais pas désespérée. Dans mes pièces il y a toujours des enfants, qui sont la nouvelle force d’un pays, même si en effet ce monde cruel ne les fait pas grandir, mais vieillir très vite ! Je les observe d’ailleurs beaucoup, surtout depuis mon arrivée en France. Ne sachant pas un mot de français, je me suis retrouvée comme muette et sourde. J’ai appris à fréquenter les gens d’une autre manière, à les regarder sans les comprendre dans la rue, à leur travail, à suivre leurs corps, leurs regards. Les enfants étaient plus à mon niveau : « heureux » / « pas heureux », « manger »… ils peuvent toujours exprimer l’essentiel avec très peu de signes, et j’aimerais m’inspirer de cette « écriture »...

Propos recueillis par Julien Lambert