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Paris, Centre Pompidou
Paris, Centre Pompidou : Louise Bourgeois

Rétrospective Louise Bourgeois, avec un ensemble de 200 œuvres.

Article mis en ligne le avril 2008
dernière modification le 3 juin 2008

par Régine KOPP

Après Londres et avant New York, la rétrospective consacrée à cette artiste franco-américaine,
qu’accueille non sans fierté le Centre Pompidou à Paris, rassemble près de 200 œuvres de 1938-2007.

Un parcours chronologique nous fera découvrir les principales œuvres de cette grande dame de l’art, aujourd’hui âgée de 96 ans, qui a traversé tous les mouvements artistiques de la deuxième partie du siècle, sans en être prisonnière.

Thèmes de prédilection
Comme beaucoup de personnalités charismatiques, son art est profondément enraciné dans l’autobiographie et se nourrit de thèmes de prédilection comme la maternité, le couple, l’enfance, le corps, la sexualité, l’ambivalence homme-femme. Des thèmes obsessionnels, que les uns confient aux psychanalystes, mais que d’autres comme Louise Bourgeois exorcisent par l’expression artistique.
Femme libre dans sa vie, elle l’est aussi dans son art, usant de toutes les formes et de tous les matériaux, travaillant le bois dans les années 50, le plâtre et le latex dans les années 60, pour se consacrer au marbre dans les années 70/80 et choisir le tissu pour fabriquer des figurines dans les années 90. Ses œuvres sont des pièces fortes qui dérangent, mettent le spectateur mal à l’aise, autant par leur titre que par leur contenu.
Dans les années 1940, ce sont des dessins, des peintures et des gravures qui donneront naissance à la Femme-maison. Dans les années 50, elle dessine des gratte-ciel qui annoncent, par leur anthropomorphisme, les Personnages. Période difficile pour elle ; elle a le mal du pays, qu’elle tâche de surmonter, en sculptant des sortes de fétiches, représentant les figures du passé. Elle passe ensuite du dehors au dedans, se construisant des abris maternels – des nids, des tanières – abandonnant le bois au profit de matériaux plus souples comme le latex ou le plâtre : Fée couturière (1963) en est une métaphore. De cette période datent des œuvres plus violentes, où elle explore son intériorité, sculptant des cœurs, des viscères pour exprimer des émotions fortes. Les années 60 sont une période de maturité, très fortement marquées par l’érotisme où les organes sexuels suggèrent la complexité des sentiments humains : Le Regard (1966), Janus fleuri (1968), Fillette (1968).

La figure d’un père aimé et haï ressurgit, quand elle perd son mari en 1973. Cette épreuve l’amène à affronter le passé et à tuer la figure paternelle : The Destruction of the Father (1974) rassemble mamelles et phallus dans un festin cannibale. Avec les séries des cellules, Cells, elle revient au thème central de son œuvre, la maison, comme Cell (Choisy), 1990/93, une cellule surmontée d’une guillotine et dans laquelle dort une maison en marbre blanc. Qu’il s’agisse des femmes-maisons ou des cellules, son œuvre s’articule sur la maison comme métaphore du corps. Ce sont des lieux dans lesquels le spectateur ne peut pas pénétrer. Apparaît ensuite la figure maternelle et protectrice symbolisée par l’Araignée, annoncée par la série des grandes aiguilles, Needles-fuseaux, qui évoquent l’enfance de Louise, quand elle travaillait dans l’atelier de tapisserie de son père. C’est dans un univers féminin de couturières, de fils et d’aiguilles qu’elle grandit, à côté de sa mère qui dirige le travail, tandis que son père, mari infidèle, met en péril l’équilibre familial, en imposant sa maîtresse comme gouvernante auprès des enfants. Dans les Red Rooms, elle réconciliera les deux images du père et de la mère, construisant deux pièces, celle des parents et des enfants, inondées de rouge sang.
Artiste longtemps confidentielle, dont la reconnaissance internationale date de 1982, lorsque le Musée du Modern Art de New York lui consacre une exposition, Louise Bourgeois fait figure de pionnière, en explorant les thèmes du corps, de l’identité et de la sexualité. C’est à une femme totalement libre que cette exposition rend donc hommage. Séduits par cette audace, les mouvements féministes ne s’y sont pas trompés, qui se sont reconnus dans son art qui montre ce que beaucoup d’entre nous refoule. On ne s’étonnera pas des réactions des spectateurs : on aime ou on déteste.

Régine Kopp

Centre Pompidou, jusqu’au 2 juin 2008
Louise Bourgeois : un univers d’effroi et de merveilleux