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Notules CD - SM 192

CD EMI : Chostakovitch - Lady Macbeth de Mtsensk & CD Ambronnay : Hasse - Serpentes Ignei in deserto & CD DG : Mozart - Requiem.

Article mis en ligne le février 2007
dernière modification le 21 janvier 2008

par Eric POUSAZ

Chostakovitch - Lady Macbeth de Mtsensk
Hasse - Serpentes Ignei in deserto
Mozart - Requiem

Chostakovitch : Lady Macbeth de Mtsensk
Cet opéra a valu à Chostakovitch un long exil intérieur ; on sait en effet que l’ouvrage déplut si fortement à Staline qu’il en a interdit sur le champ les représentations déjà programmées tant il jugeait la partition obscène ! Du coup, le compositeur se détournera définitivement de l’opéra, après avoir tenté de sauver ce qu’il savait être son chef-d’œuvre en proposant une version édulcorée de cette histoire de stupre et de sang sous le titre de Katerina Ismaïlova, jouée à Zurich l’an dernier …
Il aura fallu attendre la fin des années 70 pour que l’on songe à revenir à l’original. Cette version, gravée en 1979 à Londres sous la direction de Mstislav Rostropovitch avec son épouse Galina Vichnevskaya dans le rôle principal, a fait l’effet d’une bombe dans le monde occidental d’alors qui redécouvrait stupéfié une partition torride, d’une modernité brûlante. L’orchestre, en effet, dépeint crûment ce qu’aucun metteur en scène n’osera montrer ; ses commentaires emplissent insidieusement l’imaginaire du spectateur de visions qui ne se laissent pas facilement extirper de son esprit. La distribution est sans faille, même s’il faut reconnaître qu’à ce stade de sa carrière, Mme Vichnevskaya ne disposait plus tout à fait d’un matériau vocal suffisamment souple pour rendre justice à tous les aspects de cette personnalité hors du commun de l’univers lyrique russe, voire universel - la personnalité de Boris Godounov, comparée à celle de cette Lady Macbeth parfaitement digne de Shakespeare, paraît presque linaire et primaire ! Le cri remplace souvent le chant, mais l’interprétation a quelque chose d’halluciné, de somnambulique qui rend idéalement justice aux intentions du compositeur et font taire les critiques de détail que l’on pourrait adresser à un timbre vieillissant. A ses côtés, un grand styliste : Nicolaï Gedda dont le portrait du veule Sergeï fascine, même si le personnage paraît à des années-lumière de la personnalité de ce chanteur attachant. Avec lui, la brutalité animal du personnage se mue en calcul savamment agencé pour séduire celle que ses appétits lui ont désigné ; le chant reste donc maîtrisé, même lorsque la passion brutale se fait jour ; on ne perd pas une note de ce profil vocal aux incroyables marbrures et l’on déguste chaque nuance avec un plaisir d’esthète qui ne correspond peut-être pas à ce que le compositeur a souhaité au départ… Dimiter Petkov, enfin, brosse le portrait agressif d’un vieillard torturé par sa libido et sa soif de pouvoir. Comme ses partenaires, il rend visible une interprétation scénique dont ce document purement acoustique nous prive sans que cela gêne vraiment, tant chaque mot, chaque inflexion distille une vérité théâtrale d’une exceptionnelle vivacité. L’impressionnante liste des rôles plus épisodiques est parfaite à tous égards (on repèrera le superbe ténor mozartien que fut Werner Krenn dans le rôle de Zinoviy et l’imposant Aage Haugland en Sergent de Police) tout comme les choristes de l’Ambrosian Opera Choprus et les musiciens du London Philharmonic. Ce coffret a paru dans la collection : Great Recordings of the Century. S’il est un enregistrement qui méritait cette épithète superlative, c’est bien lui. (2 CDs EMI avec livret)

Hasse : Serpentes Ignei in deserto
On aimerait saluer avec le même enthousiasme l’exhumation de cet oratorio de Hasse enregistré récemment à Ambronay. Malheureusement, les chanteurs ne sont tout simplement pas à la hauteur des exigences certes déraisonnables d’un compositeur qui confie à ses solistes des tâches aussi ardues que dans l’opéra : vocalises, notes piquées, tenues interminable sur le souffle, large fourchette sonore. Les gosiers réunis ici sont à la peine : le contre-ténor aligne les sons vides et laids avec une constance irritante, le chant des sopranos présente des arêtes vives d’une agaçante régularité et le niveau interprétatif dépasse rarement l’acceptable… L’Orchestre Les Paladins s’en sort avec nettement plus d’aisance, mais leur chef, Jérôme Correas, ne semble pas prendre l’exacte dimension de la difficulté de la ligne de chant et presse inutilement les chanteurs. Il en résulte une interprétation qu’il faut bien qualifier de bâclée d’un ouvrage qu’il eût mieux valu laisser dormir encore quelques années supplémentaires plutôt que d’en donner une aussi pâle image. (1 CD Ambronnay édition avec textes)

Mozart : Requiem
Dans ce CD, dont le livret d’accompagnement comprend non moins de quatre portraits de Christian Thielemann mais aucun du compositeur
(!), l’auditeur retrouve le Requiem tel qu’on le jouait dans les années 50 : lourd effectif orchestral (ici : le Münchner Philharmoniker, plus roboratif et nerveux que de coutume), chœurs massifs et imposants (exécutés avec vaillance par les choristes émérites de la Radio bavaroise) et direction friande d’effets de contrastes. Thielemann ne s’embarrasse pas des découvertes récentes de la musicologie internationale, car selon lui, la tradition a autant de poids que la recherche scientifique… On n’aurait rien à redire à cela si le chef nous offrait une approche qui se laisse mesurer aux grands témoignages d’un Walter, un Karajan, un Jochum ou un Böhm. Mais paradoxalement, ces chefs de la ‘vieille’ école savaient également alléger les textures ou dynamiser de l’intérieur le contrepoint. Rien de cela dans cet enregistrement en direct, mais une exécution plutôt grandiloquente et finalement superficielle d’une page dont ce CD offre un reflet essentiellement limité à la recherche de l’effet. (1 CD DG)

Eric Pousaz