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A l’Opéra de Marseille
Marseille : “Il Pirata“

L’Opéra de Marseille proposait Il Pirata. Un succès !

Article mis en ligne le avril 2009
dernière modification le 26 avril 2009

par François JESTIN

Succès complet pour ce Pirate à Marseille, où le chef-d’œuvre de Bellini n’a pas été donné dans la cité phocéenne depuis… 1838 !

Pur joyau belcantiste, et opéra du premier romantisme (on y entend des échos de Donizetti, ou du jeune Verdi), Il Pirata, créé triomphalement à la Scala de Milan en 1827, demeure curieusement une vraie rareté aujourd’hui, à côté de l’écrasante Norma, jouée très régulièrement dans toutes les maisons d’opéras. Une partition inchantable ? I Puritani, La Sonnambula ou Norma, dans les mêmes typologies vocales, ne sont pas beaucoup plus aisées. C’est un peu l’histoire du serpent qui se mord la queue : les chanteurs ne connaissent pas la partition, alors on ne la joue pas. C’est ainsi que les trois rôles principaux sont ce soir trois prises de rôles.

« Il Pirata », avec Angeles Blancas Gulin (Imogene) et Giuseppe Gipali (Gualtiero)
© Christian Dresse

On retrouve avec plaisir dans le rôle-titre, le ténor Giuseppe Gipali (Gualtiero), habitué de la scène marseillaise (Tosca, Rigoletto, Un Ballo in maschera ces dernières années). La voix est élégante et consistante, la ligne bien conduite, et il semble très à l’aise dans ce répertoire, sans forcer ses moyens. Très prudemment (trop ?), il ne tente pas les suraigus écrits par Bellini, mais délivre « en échange » des aigus forte longuement appuyés. La soprano Angeles Blancas Gulin (Imogene) brûle les planches : dès son entrée en scène, la voix est énorme, et 5 ou 6 aigus fortissimi pendant la soirée amèneront un murmure de désapprobation de la part de quelques spectateurs. Les vocalises passent correctement, et elle sait aussi alléger le volume, même si on relève quelques piani joliment fragiles mais à la limite de la stabilité. Cette générosité vocale – sans doute préjudiciable à terme à la longévité de son instrument – passe également sur le plateau, où la soprano joue avec ses tripes, en particulier dans sa longue scène de folie finale. Le baryton Fabio Maria Capitanucci (Ernesto) fait valoir un riche timbre, homogène et bien projeté ; quelques passages d’agilité lui résistent toutefois. Le reste de la distribution est aussi d’un excellent niveau : la soprano Murielle Oger-Tomao (Adèle), le ténor Bruno Comparatti, et surtout la magnifique basse Ugo Guagliardo (Goffredo).
La direction musicale, assurée par Fabrizio Maria Carminati, est solide, et le choix du volume orchestral, ainsi que les tempi, sont toujours en rapport aux capacités des solistes et choristes. Le travail réalisé par l’orchestre est remarquable (magnifiques bois et cuivres), et serait impeccable sans le vague flottement de quelques attaques lentes aux cordes. Les chœurs sont vaillants sur scène, avec une nette faiblesse pour les hommes sur une fin de phrase decrescendo. La production de Stephen Medcalf situe clairement l’action dans un régime dictatorial du XXème siècle, le salut fasciste d’Ernesto ne laissant que peu de doutes. L’action des chanteurs est superbement réglée et crédible, dans ce climat d’oppression, de menace permanente ou de violence ; pendant la soirée, la pauvre Imogene se fait d’ailleurs copieusement claquer et bousculer par Gualtiero et Ernesto. La proximité de la mer est également rappelée, comme fil conducteur du spectacle, à chaque fin d’acte ou précipité, par la peinture très réussie du rideau qui montre des éléments plutôt déchaînés, avec de grosses vagues menaçantes, elles aussi.

François Jestin

Bellini : IL PIRATA : le 20 février 2009 à l’Opéra de Marseille