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A la Fondation Beyeler, Riehen
Riehen, Fondation Beyeler : “Action Painting“, la rage de peindre

Présentation de la nouvelle exposition de la Fondation Beyeler.

Article mis en ligne le mars 2008
dernière modification le 19 mai 2008

par Régine KOPP

“Action Painting“, ainsi s’intitule la nouvelle exposition de la Fondation Beyeler. Un terme inventé par le critique américain Harold Rosenberg pour un mouvement caractérisant la peinture gestuelle abstraite, né aux Etats-Unis et correspondant en Europe à la peinture informelle.

Une exposition qui regroupe des Américains aux noms mythiques comme Pollock, Sam Francis ou Franz Kline et dont les prix se sont envolés – N°5, 1948 de Pollock a été vendu à 140 millions de dollars – mais aussi d’autres moins connus, voire tombés dans l’oubli, que l’on redécouvre. Mais la bonne idée, c’est d’avoir associé aussi les Européens, ceux qui ont émigré comme Hans Hofmann, Arshile Gorky ou de Kooning et ceux restés sur le continent, Hans Hartung, Wols, Ernst Wilhelm Nay.

Dépasser les frontières de l’art
Le parcours présente ainsi 27 artistes que le commissaire de l’exposition Ulf Küster veut faire dialoguer, pour en finir avec le chauvinisme. Car tous ces artistes entretenaient des relations étroites avec les Etats-Unis et l’Europe et se connaissaient. La vie et l’art ne font qu’un pour eux et la préoccupation artistique de tous ces artistes était la même : dépasser les frontières traditionnelles de l’art et se concentrer sur le geste pictural, pour que la personnalité de l’artiste apparaisse directement sur la toile. Privilégier la couleur et le mouvement, tels sont les principes qui inspirent ces artistes.

Le point de départ de l’exposition fait appel à un Français et montre Jean Fautrier comme précurseur de la peinture gestuelle, un point de vue en fait plutôt discutable. Une toile comme Les Glaciers (1926), veut nous placer d’emblée dans le processus de l’action painting, en arguant que l’artiste posait la surface à peindre sur une table et la travaillait de haut avec différentes épaisseurs de peintures, structurées elles-mêmes par des rayures de couleurs. Un autre Français vient étayer ce mouvement, Pierre Soulages. Peinture, 1959 avec ses larges coups de balais qui structurent la couleur, accueille le visiteur qui se demande toutefois si ce représentant de la peinture non-figurative, devenu un des grands noms de l’art abstrait appartient vraiment à l’action painting.

Pape et autres pionniers
Les premières salles de l’exposition nous font redécouvrir d’autres pionniers de la peinture gestuelle, d’origine européenne comme Arshile Gorky, influencé par l’écriture automatique des surréalistes, dont les compositions picturales associent des entrelacs de lignes dessinées et des aplats de couleurs. Hans Hartung dont Alain Resnais fit un film – visible dans l’exposition – pour représenter la naissance de l’art mais aussi Wols, également inspiré par les surréalistes, crée des compositions gestuelles nous plongeant dans des cosmos microbiens. Hans Hofmann, né en Allemagne et y ayant vécu de 1904 à 1914, émigre aux Etats-Unis où il expérimente l’égouttement de la peinture ; c’est une figure centrale de l’expressionisme abstrait. D’autres, par contre, comme Ernst Wilhelm Nay, bien que déclaré comme dégénéré par les Nazis, restera en Allemagne et développera progressivement sa propre forme d’abstraction, dans la tradition de Kandinsky : Mit aphorischem Rot (1954) témoigne de cette proximité. Au centre du parcours, un ensemble de toiles du pape du mouvement, Jackson Pollock, réalisées entre 1946 et 1953, permettent une approche de sa technique du dripping et du pouring de la couleur : Horizontal Composition (1949) retient l’œil du visiteur mais surtout Number 5 (1948) protégé par un verre de sécurité, donne l’impression d’une toile d’araignée géante colorée. Pour voir Pollock à l’œuvre, le film de 1950 de Hans Namuth montre l’artiste en action. Lee Krasner, qui épouse Pollock en 1945, est également présente avec des œuvres expressives. D’autres, qui continuent de développer cette technique complètent le parcours : Helen Frankenthaler laisse pénétrer la couleur dans la toile (Lavender Mirror, 1976 est à ce titre représentatif) comme le fera aussi Morris Louis.

L’exposition a le mérite de montrer, pour chaque artiste, un ensemble d’œuvres agencées chronologiquement. C’est aussi le cas pour Sam Francis, dont la magnifique toile Round the world (1958/59) est la pièce maîtresse d’un impressionnant ensemble d’œuvres de cet artiste, qui font face aux « orgies de couleurs » de Kazuo Shiraga, représentant du groupe japonnais Gutai (fondé en 1954). Joan Mitchell, compagne de Jean-Paul Riopelle, représente la jeune génération des expressionnistes abstraits. Cherchant le dialogue, l’exposition met aussi en regard des œuvres d’artistes du groupe Cobra (Karel Appel, Asger Jorn) avec les œuvres radicales de Willem de Kooning, l’autre figure légendaire de l’art moderne américain.
Le mot de la fin est donné à Cy Twombly, qui dépassera l’action painting de ses débuts et développera une écriture picturale très personnelle, mêlant dessin, écriture et peinture. Une exposition est toujours le résultat du choix de ses commissaires. Celui d’Action Painting a conscience qu’il y a des absents – on pense au Français Georges Mathieu qui aurait sa place dans ce panorama. A quoi, il répond que cette exposition pose plus de questions qu’elle n’en résout.

Régine Kopp
Exposition jusqu’au 15 mai 2008, www.beyeler.com