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Musée des beaux-arts, Lausanne
Lausanne, Musée des Beaux-Arts : Du Nord

L’exposition « Du Nord » est une nouvelle occasion pour le public de découvrir les collections du Musée des Beaux-Arts de Lausanne.

Article mis en ligne le décembre 2007
dernière modification le 22 janvier 2008

par Laurent CENNAMO

L’exposition « Du Nord » est une nouvelle occasion pour le public de découvrir les collections du Musée des Beaux-Arts de Lausanne, à travers un important corpus d’œuvres d’artistes du nord de l’Europe de la fin du Moyen Age à nos jours (jusqu’au 6 janvier 2008).

D’une tendre Vierge à l’Enfant et anges du Cercle de Quentin Metsys (XVe siècle) à l’installation vidéo trash de l’artiste lausannoise Pauline Boudry, en passant par Anker, Benjamin Vautier, les Actionnistes viennois (Ulf Rainer en tête) et les coups de pinceaux rageurs du Suisse Martin Disler, cette exposition ne laissera assurément pas le spectateur indifférent. Le risque est plutôt qu’il se perde ou que la tête lui tourne (un peu comme en très haute montagne)… Mais les collections sont riches (elles occupent toutes les salles du musée, dix au total), bien exposées, et un dépliant explicatif fort bien réalisé lui permet de s’orienter à travers les siècles, les écoles et les pays. Visite.

Physionomie d’une institution
Une exposition comme « Du Nord » est une occasion unique de reparcourir à grands pas l’histoire d’un musée à travers ses différentes directions et politiques d’achat, de prendre en quelque sorte la « température » d’une institution. Au XVIIIe siècle, le goût pour les « écoles du Nord » et en particulier pour l’école hollandaise du Siècle d’or se diffuse rapidement en Europe. Des artistes vaudois vont même accomplir leur formation ou s’établir dans les grands centres artistiques du Nord (La Haye, Düsseldorf, Munich). A la fin du XIXe siècle, la scène artistique s’internationalise. Les acquisitions du Musée, les dépôts de la Confédération et de la Fondation Gottfried Keller s’ouvrent largement à la production du Nord. Aux XXe et XXIe siècles, cette ouverture a des conséquences non seulement sur les achats mais aussi sur les expositions temporaires. Les directeurs successifs de l’institution (les derniers en date étant René Berger, Erika Billeter, Jörg Zutter et Yves Aupetitallot) intègrent largement les artistes du Nord qu’ils soient établis en Suisse romande ou qu’ils travaillent à l’étranger.

A voir
La première salle de l’exposition présente une vingtaine d’œuvres des écoles du Nord de 1500 à 1800 environ. Dans cette salle, plusieurs œuvres remarquables, dont certaines entrent dans la collection dès le XIXe siècle (pour plus de précisions sur les œuvres les plus anciennes, lire notre entretien de l’historien de l’art Frédéric Elsig). D’autres œuvres de qualité sont entrées au XXe siècle dans la collection, presque à contre-courant de la politique d’achat du Musée orientée vers la peinture locale et moderne. Parmi elles, des tableaux de Johann Friedrich August Tischbein, Johann Heinrich Füssli (mystérieux tondo inspiré du Conte d’Hiver de Shakespeare, Jeune fille à l’épinette et elfe messager, vers 1785-1786), ou encore des portraits touchants d’Angelika Kauffmann, artiste née à Coire en 1741, figure majeure du néo-classicisme.
Le goût pour les écoles du Nord se manifeste encore chez les peintres de la première école genevoise tels Jean Huber ou Pierre-Louis De la Rive, présents dans la seconde salle. Les Genevois (lecteurs de Georges Haldas) seront sans doute intéressés de découvrir quelques œuvres de Jean-Pierre Saint-Ours, artiste emblématique du néo-classicisme. Le lac de Brienz est un beau tableau d’Alexandre Calame, grand admirateur des « monstres » du paysage que sont Jakob van Ruisdael et Meindert Hobbema. A l’heure de l’industrialisation, la peinture ethnographique, de Benjamin Vautier à Albert Anker, s’inscrit elle aussi dans la filiation d’une peinture de genre focalisée sur la représentation de la vie paysanne amorcée au milieu du XVIe siècle par Pieter Bruegel l’Ancien. De Albert Anker, ne pas manquer la mystérieuse Mariette aux fraises (1884) ou encore son Paysan bernois lisant le journal (aquarelle, vers 1895) (salle 3). La salle 4, plus petite, présente quelques œuvres aux couleurs vives de Hodler, Giovanni Giacometti (Portrait d’Alberto, 1921) et Cuno Amiet.

Nouveaux Fauves / Actionnistes
La seconde partie de l’exposition fait faire au spectateur un bond surprenant dans le temps (et l’on ne peut se défendre ici contre l’impression que l’on entre dans une autre – ou une seconde – exposition). Ce saut s’explique notamment par l’absence d’œuvres des expressionnistes allemands dans les collections lausannoises. Cette seconde partie doit beaucoup au regard et aux goûts de Erika Billeter, conservatrice entre 1981 et 1991.
Les salles 5 et 7 sont consacrées à différents artistes qui, au début des années 80 et après deux décennies marquées par l’art minimaliste et l’art conceptuel, s’orientent à nouveau avec force vers la peinture figurative. Les « Nouveaux Fauves » se trouvent principalement en Allemagne, en Autriche et en Italie. Des artistes suisses sont rattachés à ce mouvement à partir de 1982 en raison de leur usage expressif de la peinture et du dessin. L’œuvre de Martin Disler (Seewen, 1949-Genève, 1996) interroge inlassablement et douloureusement l’expérience personnelle, s’exprimant par une pratique gestuelle impliquant souvent le corps tout entier. Nous sommes très loin ici des petites filles du Dimanche d’été de Benjamin Vautier (d’ailleurs charmantes) quelques minutes plus tôt…
La salle 6 présente des œuvres des Actionnistes viennois, très discutés (et discutables). Le travail sur le visage et se disparition est au centre des préoccupations du plus grand d’entre eux, Arnulf Reiner, lequel retouche par le dessin des photographies ou des reproductions (Autoportrait, 1969). A noter un beau dessin intitulé Nachtnacht (1987) de Günter Brus, plus connu pour les happenings spectaculaires mêlant violence, sexualité et pratiques rituelles qu’il réalise au sein du groupe des Actionnistes viennois durant les années 60 et 70.

L’exposition se termine sur des artistes pour la plupart encore en activité dans les domaines les plus divers : compositions abstraites faites de terres ou de cendres frottées sur du papier, de feuilles ou de plantes (Herman de Vries), installations (Markus Raetz), sculpture (les beaux phoques sculptés sur bois de Stephan Balkenhol), peinture (Jean-Frédéric Schnyder, M Ostermundigen, 1983), installation vidéo (Pauline Boudry, Normal Work, 2007). Mention spéciale pour l’artiste d’origine japonaise Leiko Ikemura qui alterne petites sculptures en terre cuite hybrides et peintures oniriques aux superbes couleurs pastels (Alpenindianer, 1989).

Laurent Cennamo