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Ausstellungshalle de la République allemande, Bonn
Bonn : “Rome et les Barbares“

L’Ausstellungshalle de Bonn reprend l’exposition du Palazzo Grassi, « Rome et les Barbares », jusqu’au 7 décembre.

Article mis en ligne le mai 2008
dernière modification le 10 décembre 2008

par Françoise-Hélène BROU

Après avoir fait les beaux jours du Palazzo Grassi, l’exposition « Rome et les Barbares », qui célèbre l’émergence historique de l’Europe en rassemblant plus de 1700 oeuvres d’art et trésors archéologiques provenant de toute l’Europe, d’Orient ou encore des Etats-Unis, est montrée à Bonn jusqu’au 7 décembre, dans les locaux de l’Ausstellungshalle de la République allemande. L’idée de l’exposition est originale puisque les racines barbares de notre culture sont rarement abordées, mais celles-ci s’inscrivent plus que jamais au cœur des problématiques de l’histoire actuelle.

Le magazine L’Histoire a d’ailleurs publié en janvier 2008 un numéro spécial sur le sujet en donnant un nouvel éclairage sur ce choc de civilisations. Plusieurs articles montrent notamment que les idées de « décadence » et de « chute », souvent liées à cette période de l’histoire romaine, font jour à une notion de « migrations », une théorie qui aujourd’hui met en relief les aspects civilisateurs des invasions qui favorisèrent les échanges et l’intégration des peuples étrangers, ennemis ou alliés.
L’invasion de ces populations a connu un impact culturel fondamental qui marque définitivement la transition de la Rome impériale vers la période médiévale. Huns, Vandales, Goths ou Ostrogoths ne sont pas seulement de redoutables et cruels guerriers, ils se révèlent être aussi de fins artisans, travaillant toutes sortes de matériaux comme les pierres précieuses, l’ivoire, l’ambre, le cuir, les métaux et en particulier le bronze et l’or. Les objets artistiques ou artisanaux qu’ils ont créés sont souvent d’une rare beauté et témoignent d’un haut degré de civilisation comme, par exemple, le célèbre buste en or de Marc Aurèle du Musée Romain d’Avenches (180 ap. J.-C.).

Fascination
La civilisation romaine exerce sur les Barbares une réelle fascination, elle les conduit à assimiler rapidement leurs us et coutumes.
« Un historien romain du début du IIIe siècle, Dion Cassius, … décrit bien le phénomène de romanisation à l’oeuvre : Les Barbares s’adaptaient au monde romain, ils installaient des marchés et des rassemblements pacifiques, quoiqu’ils n’aient pas oublié leurs habitudes ancestrales, leurs coutumes tribales, leur vie indépendante, et la liberté que leur assuraient leurs armes. Cependant, pendant tout le temps où ils acquéraient ces nouvelles habitudes, progressivement, et en étant sous une forme de contrôle, ils ne trouvaient pas difficile de changer leur mode de vie et étaient en train de devenir différents sans s’en rendre compte. » (cité in : L’Histoire, n° 327, janvier 2008, p. 55). Ainsi les contacts entre Rome et les Barbares ne se limitent pas à une guerre de conquête, ils prennent la forme d’échanges culturels et commerciaux s’étendant sur des territoires extrêmement vastes allant du bassin méditerranéen jusqu’aux rives de la Baltique. Le commerce du métal, armes et monnaies, en constitue peut-être l’exemple le plus significatif. En effet, les peuples barbares ne frappent pas leur monnaie, à partir du IIe siècle ils utilisent des monnaies romaines pour leurs échanges commerciaux. Rome vend également des épées jusqu’en Pologne, ces armes très appréciées seront par la suite imitées et reproduites par les Goths. Les Romains pour leur part importent de l’ambre et des esclaves en grande quantité.
Les études récentes sur cette période mettent en lumière toute l’ambiguïté des relations entre Rome et les peuples barbares, alternant entre épisodes de guerres et de paix, de confrontation et de collaboration. Alors migration ou invasion ? L’idée originale qui se dégage de cette nouvelle vision de l’histoire occidentale présentée au Palazzo Grassi est qu’une part importante de ces déplacements de populations n’étaient pas de simples « raids » ou conquêtes expansionnistes, mais bien des mouvements migratoires de grande ampleur. C’est ainsi que les Huns se seraient déplacés vers l’Ouest en raison de changements climatiques – et probablement aussi politiques – importants survenus en Asie centrale, ceux-ci ont chassé Burgondes, Goths, Vandales et Francs hors de leurs propres territoires et les ont poussés à s’installer, par vagues successives, outre Rhin et Danube. Les peuples barbares seraient donc plutôt des réfugiés, entraînant avec eux biens, femmes et enfants, que des guerriers sanguinaires avides de pouvoir et de richesses. Rome s’est trouvée confrontée brutalement à ce flux migratoire cherchant désespérément, de gré ou de force, à se tailler un refuge sur le territoire de l’empire. Certes les Barbares ne furent pas que de paisibles voyageurs, mais il reste que leur arrivée et leur installation ont contribué à la fondation d’un monde nouveau.

Françoise-Hélène Brou

Ausstellungshalle de la République allemande à Bonn, jusqu’au 7 décembre.