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Musée des beaux-arts, Bâle
Bâle : Les paysages de Van Gogh

Exposition-événement à Bâle, avec l’exposition de 70 paysages de Van Gogh.

Article mis en ligne le juillet 2009
dernière modification le 30 septembre 2009

par Régine KOPP

Fin avril, le coup d’envoi était donné pour l’exposition-phare de l’été 2009 au Kunstmuseum de Bâle. Un événement à l’échelle globale, qui n’aurait pu se faire sans le soutien logistique de la banque UBS, avec laquelle le musée avait pu signer un contrat de sponsoring, avant la débâcle de la banque fort heureusement !

En choisissant le sujet de l’exposition Entre ciel et terre : les paysages, qui n’est autre qu’une rétrospective des paysages de Van Gogh, le directeur du musée, Bernhard Mendes Bürgi, assisté de la conservatrice du musée Nina Zimmer, ont eu une main heureuse, puisque ce sujet n’avait jusqu’à présent jamais donné lieu à une exposition.

Liberté nouvelle
Dans aucun autre genre pictural, l’artiste n’a travaillé avec plus de régularité, peignant des paysages entiers, des vues villageoises, des paysages fluviaux, des jardins ou des parcs. C’est en suivant le fil de ses tableaux de paysage qu’on peut voir l’évolution de l’art de Van Gogh et comprendre comment il s’est construit son propre langage artistique, en accédant du même coup à une liberté radicalement nouvelle en peinture.
Le parcours, constitué de soixante-dix tableaux, propose au visiteur de suivre la chronologie de l’artiste. Ce sont tout d’abord ses débuts à Nuenen (1883-1885), puis son arrivée à Paris (1886-1888), son séjour dans le midi à Arles (1888-1889) à Saint Rémy ensuite (1889-1990) et sa dernière étape à Auvers sur Oise (mai à juillet 1990). Les œuvres peintes dans sa Hollande natale à Nuenen font apparaître, par la composition et les coloris, que Van Gogh se place dans la tradition des maîtres anciens de La Haye et de Barbizon. Que ce soit Le Jardin du Presbytère à Nuenen (1883) ou Une allée en automne (1884), où il peint selon les lois de la perspective, ou Travail des Champs (1885) qui montre deux paysans courbés et rappelle L’Angélus de Millet. Les Champs de fleurs en Hollande (1883) de la même période est cependant déjà une œuvre prémonitoire avec ses champs de fleurs de grandes surfaces colorées et la combinaison des couleurs rouge et vert.

L’arrivée de Van Gogh à Paris au printemps 1886 est marquée par une toile dans des tons blancs gris, Vue de Paris aux environs de Montmartre (1886) qui est aussi une confrontation du peintre avec le défi artistique des impressionnistes. Il transformera l’impressionnisme à sa manière, parvenant à une palette plus éclatante et à un trait de pinceau plus dégagé. Les contrastes complémentaires – bleu/rouge, rouge/vert – se multiplient. Il tire sa propre leçon de l’impressionnisme, et invente une autre voie, où la dynamique de la couleur se laisse gouverner par le trait. Les impressionnistes avaient choisi de représenter la vie moderne. Van Gogh reprend certains de ces sujets et les traite là aussi à sa manière. On décèle chez lui une profonde aspiration à une nature intacte, dans laquelle le citadin des grandes villes trouve refuge et protection et où les personnages sont représentés généralement seuls, comme dans Allée longeant le fleuve près d’Asnières (1887), La Pêche au printemps (1887), ou Femme dans un jardin (1887).

Puissance colorée
Dans cette même période parisienne, il s’intéresse à l’industrialisation. Mais là aussi, on ne peut négliger les différences entre sa vision et celle de ses contemporains. Dans Les Usines (1887), Van Gogh choisit une composition qui rend visible la dichotomie entre nature et civilisation, montrant un premier plan fait d’un champ de blé avec des promeneurs et à l’arrière des bâtiments d’usine avec leurs cheminées qui fument. La vie citadine lui devient cependant de plus en plus insupportable et il acquiert la conviction qu’elle est nocive pour sa santé physique et mentale, décidant alors de partir vers le sud.
En février 1888, il commence une nouvelle période de sa vie à Arles, une région plus ensoleillée et plus riche en couleurs. Sous l’influence de la lumière du Midi, il intensifie la puissance colorée de ses toiles : Soir d’été (juin 1888) et Les Moissonneurs (juin 1888) sont réunis avec sept autres toiles de la série des moissons. Les surfaces monochromes d’un jaune d’or éclatant sont rythmées par le mouvement des épis, évoqués par différents types de traits de pinceau. Les champs de blé se conjuguent aux vergers du printemps mais aussi au semeur ou au vendangeur, pour donner naissance à un cycle des saisons et lié l’homme au cycle de la nature. A la fin d’octobre 1888, son ami Gauguin lui rend visite mais le grand projet artistique commun ne se réalisera jamais. Après s’être coupé une partie du lobe de l’oreille, il est interné dans l’hôpital local et quitte Arles au printemps 1889 pour se rendre à Saint-Rémy, où il accepte de se faire soigner dans une maison de santé. Il peint alors ce qu’il voit de sa fenêtre et son regard s’arrête à chaque fois au mur de l’institution comme Le Parc de l’hôpital Saint Paul (novembre 1889).

De cette même époque datent aussi ses tableaux peints hors les murs, d’oliviers noueux ou de cyprès majestueux dont l’association biblique saute aux yeux. Pour l’occasion, le Moma de New York a prêté une œuvre majeure comme Les Oliviers (juin 1889) et le Metropolitan Museum celle des Cyprès (juin 1889), deux œuvres bouleversantes qu’on ne se lasse pas de regarder. L’organisation de la surface peinte par des lignes et des faisceaux de traits orientés, cède alors la place à un nouveau mouvement de tourbillons et de cercles. Une évolution qui amène le peintre à se distancier du motif et fait apparaître les qualités abstraites de la couleur et de la touche. Cela n’était cependant pas fait pour plaire aux contemporains, ni surtout à son frère Théo qui lui reproche son manque de fidélité à la nature. La maladie rattrape de nouveau l’artiste, qui quitte Saint-Rémy pour Auvers, afin de se faire soigner par le docteur Gachet. Dans nul autre genre, sa production artistique n’aura été plus abondante, peignant soixante-quinze tableaux en soixante-dix jours, des paysages pour la plupart. Les sujets ne sont guère neufs, puisqu’il peint des maisons aux toits de chaume (Vue à Auvers), des champs (Champ de blé aux bleuets, La Plaine d’Auvers), des rivières (Au bord de l’Oise à Auvers). Mais la nouveauté est dans son traitement de la perspective et le choix de ses cadrages, la surface du tableau et le sol sont rapprochés, au point de se fondre l’un dans l’autre. On sait l’admiration de Vincent Van Gogh pour son collègue Charles-François Daubigny qu’il n’a pas connu mais qui a travaillé et vécu à Auvers. Van Gogh lui rend hommage avec Jardin à Auvers (juillet 1890) et Le Jardin de Daubigny (juillet 1890). Ces ultimes œuvres sont aussi une manière de prendre congé du visiteur, qui repartira dans une réalité moins colorée et moins poétique, mais chacun, en fonction de sa sensibilité, emportera ses coups de coeur.

Régine Kopp

Jusqu’au 27 septembre
Il est conseillé de réserver : www.vangogh.ch