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Les films d’avril 2007 / II

Commentaires sur les films : Michou d’Auber - Entre adultes - Die Herbstzeitlosen - Ensemble c’est tout.

Article mis en ligne le avril 2007
dernière modification le 5 décembre 2011

par Firouz Elisabeth PILLET

Michou d’Auber


de Thomas Gilou, avec Gérard Depardieu, Nathalie Baye, Mathieu Amalric, Mohamed Fellag. France, 2007.

En 1961, dans le contexte trouble des « événements » d’Algérie, Messaoud, un jeune garçon d’Aubervilliers d’origine kabyle, âgé de 9 ans, est placé par son père dans une famille d’accueil dans le Berry profond. Gisèle, sa mère adoptive, par peur du contexte raciste qui sévit dans la région, décide de décolorer les cheveux ténébreux et de travestir l’identité de l’enfant. De Messaoud il devient Michel, "Michou". Gisèle cache aussi la vérité à son propre mari, Georges, un militaire bourru et rustre à la retraite. Petit à petit, une complicité s’établit entre Georges, Gisèle et Michou.

Michou d’Auber

Douce France, cher pays de notre enfance… Ah, Charles Trenet et la quiétude du bon vieux temps ! On connaît la rengaine ! Mais attendez la suite, vous risquez d’être surpris. Le décor est planté : le Berry rural et bucolique, son agriculture, ses ruisseaux, ses paysans. Débarqué comme un ovni dans cette famille irréprochable, Messaoud, l’enfant de l’Assistance publique, retrouve rapidement ses repères et s’intègre bon gré mal gré au sein de ce couple en mal d’enfant. L’accueil n’est pas aussi chaleureux parmi les villageois du patelin ; guerre d’Algérie oblige, racisme en puissance, intolérance vis-à-vis de l’autre, préjugés. Les réticences vont bon train.
Michou d’Auber marque les retrouvailles de deux des acteurs les plus populaires du cinéma français, Gérard Depardieu et Nathalie Baye. Le tandem fonctionne à merveille tout au long du film. Quant au réalisateur Thomas Gilou, plus connu pour ses comédies à succès (La Vérité si je mens, Black mic-mac), il s’essaie avec Michou d’Auber à un registre plus tendre, parfois empreint de mélo, mais toujours attendrissant : « Michou d’Auber nous raconte une histoire qu’ont vécue beaucoup d’enfants algériens dans les années 60. L’histoire des parents d’aujourd’hui et de leurs enfants, à la recherche de racines rêvées et d’une culture qui leur rassemble (...) C’est l’histoire universelle de parents et d’enfants qui s’ouvrent à la différence. » Ce film humaniste nous autorise aussi à ouvrir certaines chapitres de l’histoire française souvent occultés.
« Michou d’Auber est l’histoire vraie, mais romancée, de Messaoud Hattou", révéle le réalisateur ; c’est sans doute cette caractéristique qui en fait toute la saveur et la fraîcheur. Scénariste du film, Messaoud Hattou, source d’inspiration de Gilou, qui, grâce à sa contribution, a fourni l’authenticité du récit, est un familier du milieu cinématographique : il avait déjà coécrit un précédent film de Thomas Gilou, Raï. En tant qu’acteur, il jouait l’un des rôles principaux de Bab el-Oued City de Merzak Allouache, apparaissait dans Chouchou, et on l’a aperçu également chez Ruiz, Dubroux.
Pour les fans de Depardieu, qui le trouveront en grande forme dans Michou d’Auber, sachez que l’acteur fit une déclaration inquiétante lors du tournage : lassé par le métier, il songeait mettre fin à sa carrière. Le succès populaire garanti de ce nouveau film lui permettra de changer d’avis !
Firouz-Elisabeth Houchi-Pillet

Entre adultes

de Stéphane Brizé, avec Edith Mérieau, Vincent Dubois. France, 2007.

Six hommes, six femmes : douze adultes qui s’aiment, se mentent, se manipulent, se trompent, se confient et se quittent… Le tout divisé en chapitres, chaque chapitre étant consacré à un couple. Les petites saynètes d’une vingtaine de minutes se succèdent, s’enchaînant sans se ressembler pour autant. Avant d’entamer le tournage de Je ne suis pas là pour être aimé, Stéphane Brizé s’est vu proposer par la région Centre Val de Loire un projet insolite. Avec l’aide de comédiens professionnels de théâtre, n’ayant par conséquent aucune expérience au cinéma, le réalisateur est invité à écrire puis à tourner un film en dix jours avec deux caméras vidéos et un micro : "Les 6 premiers jours, histoire de faire connaissance, nous avons travaillé des scènes écrites pour l’occasion et les 4 jours suivants, nous avons tourné le film, raconte le réalisateur. C’est donc un long-métrage écrit en 10 jours, tourné en 4 jours et monté - puisque là non plus nous n’avions pas de temps - en 4 jours." La mission est tout aussi acrobatique pour les douze comédiens qui ne reçoivent le texte de leurs répliques qu’une heure avant le tournage ; doit-on alors préciser qu’ils ne disposent pas d’assez de temps pour mémoriser leur texte. Une place majeure est laissée donc pour l’improvisation, et par ce biais, pour la spontanéité et la véracité. Chaque regard, chaque hésitation, chaque silence à sa place.

Entre adultes

Surprenante démarche que celle d’Entre adultes qui a conditionné tant l’équipe artistique que l’équipe technique ; le cinéaste de commenter : « Comme certaines histoires d’amour dont on se souvient toute une vie et qui n’ont pourtant duré que très peu de temps, il y a eu une urgence sur ce projet. Et cette urgence a créé une énergie assez extraordinaire sur le plateau, une concentration maximale de la part de chacun, comédiens et techniciens. » Achevé en août 2004, le film n’était pas destiné à sortir en salles. C’est sur l’insistance du réalisateur Simon Lelouch, que Stéphane Brizé finalisa le film pour le cinéma. Il le montra ensuite à Claude Lelouch – fin connaisseur des relations homme femme depuis Un homme et une femme – qui fut conquis par le film et en assura la production, frustré de n’avoir pas songé auparavant à réaliser un tel film.
Brizé confirme son talent, signant un nouveau opus de cinéma d’auteur, et se révèle un fin observateur des méandres de l’âme, et surtout du cœur humain. Les hommes en prennent pour leur grade mais le ton reste juste. Il peut arriver un matin de se réveiller à côté de la personne dont on partage la vie depuis dix, vingt, trente ans et de réaliser que l’on ne l’aime plus ; de souffrir à ses côtés sans parvenir à la quitter ; de répéter les mêmes erreurs à chaque relation. Chacun pourra donc retrouver des bribes de sa propre histoire dans ce film qui titille, malmène, emporte et finalement … libère. Comme il est bon de retrouver ses propres problèmes chez autrui !
Firouz-Elisabeth Houchi-Pillet

Die Herbstzeitlosen

(Les Mamies ne font pas dans la dentelle), de Bettina Oberli, avec Stéphanie Glaser, Hanspeter Müller-Drossaart, Heidi Maria Glössner. Suisse, 2006.

Depuis le décès de son mari, Martha ne va plus jouer au jass le dimanche. Dans le village de Trub, en Emmental, on se fait du souci. Ses amies Lisi, Hanni et Frieda veulent remonter le moral à Martha. Elles lui proposent alors de réaliser un vieux rêve. Elles n’auraient jamais pensé que cette idée plairait tant à Martha. La couturière de 80 ans ouvre sans hésiter sa propre boutique de lingerie. Ce n’est pas du tout du goût des autorités du village, surtout du pasteur qui n’est autre que le fil de Martha. Mais il en faut plus pour ébranler le nouvel entrain de la vieille dame qui se lance dans la lingerie fine aux broderies traditionnelles de l’Emmental….qui se mettent à se vendre comme des petits pains sur internet !
Cette comédie helvétique charmante, qui mélange savamment humour et mélancolie a été présentée au dernier Festival de Locarno sur la Piazza Grande et a remporté le suffrage du public de manière incontestée. Prévu initialement pour n’être qu’un téléfilm en Suisse allemande, le scénario avait été travaillé dans cette optique et les dialogues étaient abondants et longs. Le distributeur eut l’idée de proposer le film pourles projections de La Piazza, ce qui paniquait la réalisatrice. C’était pourtant un coup de génie car depuis le film cartonne chez nos voisin alémaniques.
La source inspiratrice du caractère principal est la grand-mère de la cinéaste mais cette dernière regorge de facettes, ce qui a amené la réalisatrice à créé des amies autour de Martha pour pouvoir caser toutes les caractéristiques de sa grand-mère dans chacune de ses femmes. Les spectateurs s’amusent à découvrir des côtés tant amusants qu’attachants dans chacune d’entre elles. On découvre une région de Suisse qui, sans sombrer dans le kitsch, nous semble plus exotique que des pays lointains. Dans la veine d’un Full Monty ou de Calendar Girls, ce film « Made in Switzerland » redore le cinéma helvétique en prouvant que le cinéma suisse sait rire de ses travers tout n poésie et finesse.
Firouz-Elisabeth Houchi-Pillet

Ensemble c’est tout


de Claude Berri, avec Audrey Tautou, Guillaume. France, 2007.

Camille fait des ménages le soir dans les bureaux et dessine avec grâce à ses heures perdues. Elle peine à se détacher de sa mère qui lui empoisonne la vie. Philibert est un jeune aristocrate féru d’histoire, bègue, timide, émotif et solitaire, il occupe un grand appartement que possède sa famille et y héberge son ami Franck, cuisinier, viril, volage, souvent sur la défensive. Franck aime infiniment sa grand-mère, Paulette, une vieille dame fragile et drôle, qui l’a élevé. Chacun va apprendre à apprivoiser l’autre pour adoucir les chagrins et les doutes de la vie.
Ce film est inspiré de l’œuvre d’Anna Gavalda (Éditions Le Dilettante, 2004) ; mes confrères journalistes, qui ont lu le livre, sont sortis enthousiasmés de la projection, convaincus du choix judicieux des acteurs pour porter à l’écran les personnages très typés de l’ouvrage. Pour ma part, je confesse ne pas avoir la référence littéraire nécessaire, mais l’enthousiasme m’a touché également tant ce petit film enjoué fait du bien, vivifie et rend heureux. Le charme et le jeu des acteurs sont certainement pour quelque chose dans cette impression.

Ensemble c’est tout © Georges Etienne

Cette histoire, à la fois intimiste et universelle sur la quête de soi à travers l’autre, sur le bonheur retrouvé grâce à l’amour et l’amitié, touche chacun d’entre nous. Réaliste quant aux difficultés d’atteindre ce bonheur, poétique, ce sujet contemporain peut être transposé ailleurs… Chez vous, chez moi. Les dialogues sont tendres, drôles, véridiques. L’intrigue est construite autour de quatre personnages principaux, et permet au quatuor d’acteurs d’exceller, chacun dans un registre bien particulier. Précisons que Laurent Stocker, Sociétaire de la Comédie Française, fait ses premiers pas au cinéma. Pour un rôle si difficile, il fallait bien évidemment un artiste qui n’ait pas d’antécédents cinématographiques.
Claude Berri a longtemps hésité avant de s’intéresser au livre d’Anna Gavalda. Sans trop y croire, il se met à l’adaptation, pensant destiner le scénario à un autre réalsaiteur. Mais quand il a constaté le succès énorme du roman, il s’est décidé à réaliser ce film lui-même. Bien lui en a pris car au vu du résultat de cette adaptation, on peut augurer que le film connaîtra d’aussi beaux jours que le roman.
Firouz-Elisabeth Houchi-Pillet