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En direct de Cannes 2011 : “Les neiges du Kilimandjaro“

Avec poésie et légèreté, Guédiguian brosse un tableau juste et attendrissant des milieux populaires qui lui sont si chers.

Article mis en ligne le 20 mai 2011
dernière modification le 29 octobre 2011

par Firouz Elisabeth PILLET

Les neiges du Kilimandjaro


de Robert Guediguian, avec Ariane Ascaride, Gérard Meylan, Jean-Pierre Darroussin. France, 2011.

C’est en 1997, à Cannes, dans la section parallèle Un Certain Regard, que le public de festivaliers découvre Robert Guédiguian avec Marius et Jeannette, un film tourné dans son quartier de l’Estaque à Marseille – où il est né et a grandi - avec la clique fidèle du réalisateur ; le film avait alors suscité l’enthousiasme des festivaliers. Avec Les neiges du Kilimandjaro, également sélectionné à Un Certain Regard, le cinéaste marseillais revient entouré de ses acteurs, et surtout avec son cinéma engagé, motivé par de fortes préoccupations politiques et sociales.
Inspiré des Pauvres gens, le poème de Victor Hugo, cette chronique sociale permet au cinéaste de s’entourer de ses complices de longue date, sans oublier les nouveaux venus dans l’équipe : Jean-Pierre Darroussin, Ariane Ascaride, Gérard Meylan, Marilyne Canto. Mais aussi un panel de la nouvelle génération : Julie-Marie Parmentier, Grégoire Leprince-Ringuet, Anaïs Demoustier, Adrien Jolivet, Robinson Stévenin.

« Les neiges du Kilimandjaro »

Avec son titre qui sonne comme un grand film d’aventure, Les Neiges du Kilimandjaro surprend au sein de la carrière de Robert Guédiguian. Après deux œuvres très ambitieuses, le polar Lady Jane et la fresque historique L’armée du crime, il revient au cinéma qui l’a construit en tant qu’artiste, la fable sociale et solaire, le drame provençal. Et pour parler des gens simples, quoi de mieux que d’adapter à sa sauce Les Pauvres gens de Victor Hugo et sa conclusion qui transpire l’humanité.
Il y est question d’un couple, Michel et Marie-Claire. Lui se retrouve soudain licencié, et le couple devra affronter cette nouvelle situation. Avant qu’une agression les déstabilise encore un peu plus, et pousse Michel à déposer plainte. Leur désarroi sera d’autant plus violent lorsqu’ils apprendront que cette brutale agression a été organisée par l’un des jeunes ouvriers licenciés en même temps que Michel, par l’un des leurs...
 Michel et Marie-Claire vont peu à peu s’apercevoir que leur agresseur, Christophe, n’a agi que par nécessité. En effet, il vit seul avec ses deux petits frères, Jules et Martin, délaissés par une mère volage et qui les a reniés depuis longtemps ; Christophe s’en occupe admirablement, veille à leurs études comme à leur santé, et tente de régler les loyers en retard pour éviter l’expulsion.
 Constatant que Christophe bénéficie de circonstances atténuantes, et qu’il n’a pas de casier, Michel décide de retirer sa plainte mais il est trop tard… Les rouages judiciaires sont en marche.

« Les neiges du Kilimandjaro »

Malgré le titre, il n’est bien sûr pas question du Kilimandjaro ni de ses neiges éternelles mais bien de l’Estaque et de ses habitants. Les Neiges du Kilimandjaro, cela évoque bien évidemment la chanson de Pascal Danel, ainsi que le cadeau collectif remis à Marie-Claire et Michel par leurs proches et amis : des vacances bien méritées en Afrique. Cela évoque surtout un Robert Guédiguian engagé avec véhémence, comme pas vu depuis plusieurs années ; ce conte moral est pour lui l’occasion de poser moult questions sur des sujets qui lui sont chers, comme le chômage des quinquagénaires, les conditions de vie précaires, les familles monoparentales, la responsabilité face à un acte désespéré, la limite entre morale et criminalité, la vengeance.
En réunissant toute sa famille de cinéma, comme à l’accoutumée, il reste fidèle à sa fresque marseillaise, tout en abordant de nombreuses thématiques, avec ces personnages conditionnés par les apparences sociales de la réussite, les traditions, les barbecues dominicaux, les bouteilles de rosé et les pastis sur les terrasses ombragées, les disputes aussitôt dissipées par une accolade fraternelle, la solidarité des petites gens face aux coups durs de la vie. Avec poésie et légèreté, par touches impressionnistes subtiles et délicates, Guédiguian brosse un tableau juste et attendrissant des milieux populaires qui lui sont si chers et qui habitent si justement sa caméra engagée et militante. D’ailleurs, le parterre de festivaliers, aux côtés de la presse internationale, n’a pas manqué de manifester son approbation face à un cinéma d’auteur devenu rare, en acclamant Guédiguian et sa troupe…. Parmi cette foule en liesse, un autre engagé, venu en toute discrétion voir le travail d’un confrère… Nanni Moretti qui n’a pas été avare en applaudissements, devant le tableau très réussi de Guédiguian.

Firouz-Elisabeth Pillet, de Cannes 2011