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A Genève
Portrait : Jean-Claude Maret
Article mis en ligne le mai 2008
dernière modification le 8 juin 2008

par Maya SCHAUTZ

Jean-Claude Maret a mené une carrière riche en rencontres à Genève comme ailleurs en Suisse et à l’étranger, très souvent aux côtés de François Rochaix.

Les années 60 et 70
Vers la fin de ses études au Collège, qu’il quitte pour entrer aux Beaux-Arts afin de s’adonner à la peinture, Jean-Claude Maret exécute quelques travaux d’aide à la construction de décors, notamment pour Jean Monod et Diakonoff au Poche, sans envisager un quelconque but théâtral. La démarche artistique de la peinture restant sa priorité. Ses travaux de l’ombre financent ses études.

Jean-Claude Maret

En 1966, Armen Godel, qui vient de fonder avec François Rochaix L’Atelier à la Maison des Jeunes de St-Gervais, s’adresse à lui pour les décors et costumes de Premier Avertissement de Strindberg. Jean-Claude Maret exécute un premier travail pour la scène et constate qu’il y a une place pour un espace de création à part entière ! Il ne s’agira pas pour lui d’établir des maquettes de décors ni d’en rester aux seuls croquis de costumes, mais de s’investir pleinement aux côtés d’un metteur en scène et de l’ensemble des artisans du théâtre. La même année, il est sollicité par Georges Lavelli pour Il est arrivé de Milos Bulatovic. Ce metteur en scène, déjâ célèbre à Paris, sera un facteur déclencheur pour toute la troupe. Dès lors la troupe de L’Atelier s’estime en formation continue. Elle part en tournée, voyage pour aller voir les grands modèles de l’époque que sont Le Berliner Ensemble et Strehler.
On se souvient avec nostalgie du Cabaret Brecht 1925 et de l’animation autour de l’auteur, récemment découvert en France.On se souvient du Chant du Fantoche lusitanien de Peter Weiss avec Rochaix et du Testament du Chien avec Godel. En 1969, Lavelli revient, cette fois au Grand Théâtre, pour les Anabaptistes de Dürrenmatt et fait à nouveau appel à Jean-Claude Maret, ce qui procure au scénographe une notoriété au-delà des frontières genevoises.

Laurence Montandon (Aldjia) dans « Aldjia, la femme divisée » de Jacques Probst, mise en scène de François Rochaix.
Photo du spectacle : Marc Vanappelghem

Sa collaboration avec L’Atelier continue au même rythme : ce sont Dans la Jungle des Villes de Brecht avec François Rochaix, Liguarel de Michel Viala, écriture (et m.e.s.), Le Soleil foulé par les Chevaux de Adoun avec François Rochaix, Le Bunker de et avec Viala, Le Jardin aux Betteraves de Dubillard au Théâtre Pitoëff, m.e.s. Ph. Mentha. Il enchaîne avec Le Malade Imaginaire de Molière pour le Théâtre de l’Ecole internationale-Théâtre de Carouge.
En 1974, l’Opéra du Rhin de Strasbourg fait appel à lui pour Hippolyte et Aricie de Rameau. En 1975, le Théâtre de Carouge et l’Atelier fusionnent. Maret y collabore régulièrement avec divers metteurs en scène. L’on se souvient des pièces de Viala : Séance, Le Creux et des Apéritifs-théâtre, puis de la très belle scénographie des Sauvages de Hampton avec François Rochaix , qui enchaîne avec lui l’admirable Mère Courage de Brecht avec Magali Noël.
On se souvient bien sûr de la remarquable scénographie et des costumes pour Ubu Roi de Jarry dans la mise en scène de Michel Soutter.
Les collaborations continuent de s’enchaîner avec Martine Paschoud, Rochaix, Kullmann, Loichemol, Mentha pour servir Ruzzante, Brecht, Pirandello, Beckett.

En 1977, Yves Yersin fait appel à Maret pour son film Les Petites Fugues.
En 1978, ce sont les metteurs en scène Karge-Langhoff pour Prométhée enchaîné d’Eschyle avec Mentha dans le rôle-titre, donné à l’Usine de dégrossissage d’or. Un événement qui dépassera largement nos frontières. Suivent encore deux années riches en collaborations diverses avec Stratz, Martine Paschoud, Loichemol, Godel, Probst pour Woyzeck, Io, Dans le dos du Maître, Par Dieu qu’on me laisse rentrer chez moi, Le Quai et Se trouver.
Cette époque se terminera par les mises en scènes et les scénographies respectives de Rochaix et Maret de Richard II et Henri IV de Shakespeare. Elle sera couronnée pour Jean-Claude Maret en janvier 1980 par le prix Boris Oumansky pour l’ensemble de son œuvre.
Comme l’écrit Daniel Jeannet à cette occasion : « Si le décorateur, au sens habituel, est celui qui habille le drame et suscite autour de celui-ci un commentaire ornemental plus ou moins sensible et sensé, Maret est plus que cela. Il est un scénographe, c’est-à-dire qu’il fonde l’espace du jeu et conçoit l’architecture scénique en s’appuyant sur l’analyse de texte, qu’il conduit avec le metteur en scène… Maret sait faire parler la matière. Chaque centimètre qu’il interprète produit du sens. Quand il conçoit des costumes, il voue le même soin au traitement qu’au choix du tissu… Parfois, il patine les étoffes à coups de marteau ou en les brûlant à la lampe à souder. Pour leur donner une apparence crasseuse, il les gicle avec une bombe de peinture… Il participe toujours à la construction de ses décors. Il aime le travail d’atelier.  »

De gauche à droite : Élodie Bordas (Yvette), Isabelle Bosson (Anne) et Hélène Hudovernik (Nicole) dans « Les Travaux et les Jours ».
Photo du spectacle : Marc Vanappelghem

Britten et l’opéra : les années 80 et début 90
Après ces années d’intense travail théâtral à l’Atelier, puis au Théâtre de Carouge-Atelier, l’opéra va solliciter Maret et Rochaix. Hugues Gall vient de les apprécier dans leur travail sur Shakespeare, les met en contact avec le chef anglais Brydon, spécialiste de Britten, compositeur encore peu connu chez nous. C’est le coup de foudre. Le Tour d’écrou est programmé à Carouge. Le succès est immense. Dès lors Jean-Claude Maret travaille comme décorateur indépendant pour le théâtre ET l’opéra. C’est également le début des prestations en-dehors de Genève, en Suisse, à Bergen, à Leeds, à Oslo. En 1982, un deuxième Britten voit le jour au Grand Théâtre avec Brydon : Mort à Venise. En 1983 c’est Pelléas et Mélisande de Debussy, en 84 Idoménée de Mozart, puis un nouveau Britten , à Neuchâtel : Le Viol de Lucrèce. En 1985, Tristan et Isolde de Wagner à Genève, puis La Traviata de Verdi à Leeds et le Rake’s Progress de Stravinsky à Genève.
Parallèlement, le théâtre n’est pas abandonné à Genève, Bergen, Oslo, Lausanne, Lucerne. Puis l’ouverture se fait au-delà de l’Europe avec Carmen de Bizet à Seattle et Cardillac de Hindemith. Un nouveau Britten : Peter Grimes est monté à Berne en 1988. La même année, une ouverture théâtrale se fait au Théâtre de l’Odéon de Paris avec Les Exilés de James Joyce, mis en scène J. Baillon, puis un retour à Genève pour Katia Kabanova de Janacek avec Rochaix. Le temps des deux artistes se partage dès lors entre Bergen, Genève, Berne, Strasbourg, Lyon, Seattle. Le cycle des opéras se clôt sur un dernier Britten à Berne : Albert Herring en 1990.

La découverte de Matthias Zschogge (1993)
Elle se fait avec L’Heure Bleue de Matthias Zschogge, mise en scène par Martine Paschoud au Théâtre de Poche. Maret reviendra plusieurs fois à cet auteur admiré, suisse, établi à Berlin. En 2000, il collabore à nouveau pour la mise en espace des Alphabètes à la Comédie. La Commissaire sera mise en scène par l’auteur au Poche. En 2003, c’est L’Ami riche à Carouge avec Michel Kullmann. En 2006, c’est Le Bonheur flottant au Théâtre de l’Orangerie avec Martine Paschoud suivi de L’Invitation à Carouge avec Kullmann.
Beaucoup d’autres temps forts en de nombreux lieux et théâtres : Moscou, Mézières, Ferney-Voltaire, Le Poche, Comédie, St. Gervais, Grand Théâtre, Cambridge Mass., Neuchâtel, et Vevey pour la scénographie générale de la Fête des Vignerons. C’est encore un film avec Reusser : La Guerre dans le Haut Pays de Ramuz en 1998 et d’autres arrêts : Lausanne, Kléber-Méleau, Carouge, Le Grütli, Cernier, Villeneuve-les-Avignon, l’Orangerie, Belfort.
Les auteurs pris en compte vont de l’Antiquité à nos jours. Les éléments de la scénographie s’organisent toujours pour éclairer le texte. Jean-Claude Maret a le sens des lieux comme personne. Le public genevois a pu s’en rendre compte une fois de plus dans son récent Molière ou la Cabale des Dévots de Mikhail Boulgakov au Théâtre de Carouge, mis en scène par François Rochaix.

Maya Schautz