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Théâtre des Marionnettes de Genève
Genève, TMG : “Un os à la noce“

Avec Un os à la noce, le Théâtre des Marionnettes présente une version d’Antigone pour les jeunes.

Article mis en ligne le novembre 2008
dernière modification le 8 décembre 2008

par Jeremy ERGAS

Le Théâtre des Marionnettes présente Un os à la noce du 1er au 16 novembre prochain, une version d’Antigone pour les jeunes qui tente de rendre la tragédie de Sophocle plus accessible sans lui faire perdre de sa profondeur. Un pari difficile qui pourrait s’avérer intéressant s’il est réussi.

Comme son titre l’indique, Un os à la noce est une adaptation d’Antigone qui s’adresse en premier lieu à des enfants et des adolescents. Ainsi, si Un os à la noce suit les grandes lignes du drame de Sophocle, deux inventions viennent actualiser la pièce et en faciliter la compréhension. D’abord, les chœurs propres au théâtre classique grec sont remplacés par les dialogues des manipulateurs-acteurs visibles derrière les marionnettes et participant à la pièce en tant que garçons de salle. Ensuite, les charognards auxquels le cadavre de Polynice est promis sont transformés en personnages d’Un os à la noce, donnant leurs vues d’oiseaux sur les événements humains qui se déroulent sous leurs yeux et reproduisant dans les cieux les mêmes erreurs qu’ils observent sur terre.

Sans édulcorant
Ces deux nouveautés sont l’œuvre d’Isabelle Matter, femme polyvalente qui a non seulement écrit et mis en scène Un os à la noce, mais qui participe également à la pièce en tant que marionnettiste. Grâce aux changements qu’elle a opérés dans sa version d’Antigone, elle espère que le jeune public sera tenu en haleine par un spectacle plus « ludique, rythmé et visuellement riche » que l’original. Mais le plus important pour elle est que cette attractivité formelle ne soit pas gagnée au profit du fond : Isabelle Matter le rappelle elle-même, son souci premier lors de la réécriture d’Antigone fut de ne pas « arrondir les angles ou édulcorer le contenu ». Cette tâche compliquée semble plutôt réussie au vu des dialogues de la pièce. Reste à voir ce que donne le résultat final sur scène.

« Un os à la noce »
Photo Carole Parodi

Mais pourquoi ce désir chez Isabelle Matter d’adresser Un os à la noce en particulier à des enfants ou des adolescents ? Parce que selon elle le comportement révolté d’Antigone – qui transgresse les ordres du roi Créon en enterrant son frère Polynice – se rapproche beaucoup du comportement de l’enfant ou de l’adolescent qui conteste l’autorité de ses parents, parfois à raison. L’aspect didactique est donc essentiel dans Un os à la noce : la pièce cherche à faire réfléchir le jeune spectateur sur cette lutte qu’il mène tous les jours pour affirmer son individualité dans une collectivité qui lui impose ses lois, ses codes et ses comportements.
Pendant l’heure que dure Un os à la noce, l’enfant ou l’adolescent est censé prendre une distance critique par rapport à la vie en société, aux phénomènes d’intégration et d’exclusion, etc… Tel est du moins le défi d’Isabelle Matter et de tous ceux qui ont participé à la création du spectacle, notamment Domenico Carli (écriture) et Freddy Porras (décors).

Double face
Si, comme nous venons de le voir, le didactisme est omniprésent dans Un os à la noce, ce n’est pas un didactisme facile du genre de certains films hollywoodiens. Ainsi, les personnages d’Antigone et de Créon ne sont pas mis en opposition dans la pièce. Le combat entre le Bien et le Mal est évité afin de ne pas offrir de solutions simplistes à une tragédie complexe. Selon Isabelle Matter, « Antigone et Créon sont les deux faces d’une même pièce de monnaie ». Antigone n’est pas clairement héroïne, Créon n’est pas clairement tyran : l’une représente la loi du cœur, l’autre la loi de la cité. Chacun fait preuve d’un absolutisme fatal, et cet aspect décisif de leur caractère les rend très semblables. Pas de gentils, pas de méchants : le monde des hommes est gris, les héros ont leurs côtés sombres et les vilains leurs côtés brillants. Si le jeune public s’en rend mieux compte après avoir vu Un os à la noce, la pièce aura atteint l’un de ses objectifs les plus importants.

Jeremy Ergas

« Un os à la noce ». Théâtre des Marionnettes de Genève, du
1er au 16 novembre.
Réservation : 022 418 47 77 ou marionnettes.ch