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La Comédie de Genève
Genève : “Le Médecin malgré lui“

Du tout beau Molière à la Comédie, avec un Sganarelle plus vrai que nature !

Article mis en ligne le décembre 2009
dernière modification le 27 janvier 2010

par Jérôme ZANETTA

Du 8 au 15 décembre, l’énergique metteur en scène Jean-Claude Berutti monte une pièce du grand Molière qu’il affectionne tout particulièrement : Le Médecin malgré lui. Démonstration magistrale du maître qui rend au genre farcesque ses lettres de noblesse et mobilise encore aujourd’hui notre sens critique grâce à une mise en scène qui nous tient en éveil.

Qu’on ne s’y trompe pas, chez Molière rien n’est mineur, si l’on veut bien prêter l’oreille, entendre sa voix et rire avec lui, contre la bêtise et la duperie, pour mieux démasquer le « faux savoir ».

« Le Médecin malgré lui »
© Régis Nardoux

En avant toute !
Le Médecin malgré lui, on le sait, nous donne à voir l’ultime apparition de l’inimitable Sganarelle dans le théâtre de Molière. L’affaire est rapidement entendue. Après une dispute fameuse avec sa femme Martine, le joyeux mari en goguette qui bat son épouse va être puni et se retrouver au sein d’une famille bourgeoise dans la peau d’un médecin recommandé par « la victime » ! Sganarelle est pris dans les filets de sa propre vanité, mais saura tenir son rôle sans faillir, avec joie et panache, pour le plus grand bonheur du spectateur.
Mais on sent aussi le plaisir de Molière qui peut alors retrouver Sganarelle, son alter ego. En avant toute ! avec en cascade, une espèce de florilège des multiples facettes du personnage : pitreries, grossièretés, coups, disputes, enlèvement, leçon de médecine sans ménagement pour la sensibilité du spectateur.

Appel à la vigilance
Et puis, pour le fond, une autre manière encore pour Molière de traiter de ses obsessions du moment : combat contre l’hypocrisie, celle des tartuffes de tous poils dont les médecins et les universitaires nourrissent trop souvent les rangs de la société. Car derrières ses airs bouffons, la pièce est politique et fait appel à notre vigilance afin de ne pas se laisser duper par ces écrans de fumée que sont les stratégies de communications au service des intérêts de tous ceux qui comme Sganarelle se cachent derrière des jargons technocratiques ou populistes !
Sganarelle va provoquer le désordre, la discorde et l’anarchie dans une maison bourgeoise, au point de devenir rapidement dangereux par ses procédés malhonnêtes, si la comédie ne s’arrêtait pas avant. On ne peut alors s’empêcher de se demander jusqu’où il aurait pu aller !

Jean-Claude Berutti
© Régis Nardoux

Cette démarche nous pose la question de la crédibilité de ceux qui nous gouvernent à coup de discours prononcés comme des vérités absolues, mais elle pose aussi la question de la crédulité des peuples qui pour certains cèdent en niant ce qu’ils savent devant la conviction feinte de ces charlatans.

Oser pour réussir
D’autre part, c’est aussi la démonstration faite par Molière qu’un individu issu de la classe sociale la plus défavorisée, dans l’option souhaitée par Jean-Claude Berutti, un SDF, peut être animé d’une saine colère, et même d’une hargne salutaire qui lui fait tout oser pour réussir.
Avec la complicité intelligente du scénographe Rudy Sabounghi, le premier acte se déroule dans une espèce de bidonville…, avant de nous transporter à Neuilly…, au deuxième acte. La pièce est ainsi propulsée jusqu’à nous par un décor contemporain où le squat côtoie un loft bourgeois. Une épure qui permet de mettre en évidence les contrastes sociaux du XXIe siècle et de prendre conscience qu’il faut garder l’œil ouvert sur les désordres actuels.

C’est une équipe restreinte et composée de jeunes comédiens et d’acteurs plus chevronnés de La Comédie de Saint-Étienne comme Louis Bonnet ou François Font, qui s’en donnent sur scène. Avec sans nul doute une révélation dans le rôle-titre incarné par Djamel Hadjamar qui sait rendre justice au rire majeur de Molière et à la verve pleine de bon sens du malin Sganarelle.

Jérôme Zanetta

Du 8 au 15 décembre : « Le médecin malgré lui » de Molière, m.e.s. Jean-Claude Berutti. Avec Jacqueline Bollen, Louis Bonnet, Vincent Dedienne, Julie Delille, François Font, Djamel Hadjamar, Olivier Parenty, Delphine Roy
La Comédie, mar-ven à 20h, mer-jeu-sam à 19h, dim à 17h, relâche lun (loc. 022/320.50.01)