Bientôt à la Comédie de Genève, l’Homme sans but d’Arne Lygre est la dernière découverte de Claude Régy. Le jeune auteur norvégien laisse ses personnages s’inventer dans un univers sans délimitations. Visionnage en avant première d’un reflet critique de la modernité aux Ateliers Berthier à Paris.

Première image, celle du noir qui apaise les esprits. Puis dans une douce lenteur, la lumière s’éveille. Le spectateur aussi. La quête de l’Homme sans but commence. Claude Régy met en scène les six personnages d’Arne Lygre dans un espace proche du vide, dépourvu d’éléments réels. Dans une symétrie de mouvements, les personnages se mettent à bouger, comme dans du coton. Leurs voix traînantes et leurs gestes amortis créent d’emblée une atmosphère d’apparence calme. Des jeux d’ombres placent les comédiens dans une pénombre transformant l’image en croquis. Dans leur lenteur les personnages s’appliquent à ne pas faire de bruit. Seuls les bruits parasites du public prennent place. L’univers sonore en bruit de fond accompagne les personnages, que ce soit dans leur lente élocution ou dans leur cris, permettant d’accentuer les ruptures entre les différents tableaux.

Le projet d’une vie
Claude Régy nous peint une histoire qui s’écoule durant une trentaine d’années, celle de Peter, interprété par Jean-Quentin Chatelain, qui décide, accompagné de son jeune frère, joué par Radjep Mitrovista, de construire une ville moderne et bon marché au fond du fjord qui aura pour centre, sur les hauteurs de la ville, un hôpital pour que ceux qui, comme Peter, sont malades aient une belle vue en attendant que leur heure sonne. Prévoyant, rien ne l’arrête. En moins de deux, il fait du propriétaire son allié en mettant le prix pour son terrain. Cet homme semble vouloir accomplir le projet de sa vie. Projet dans lequel réapparaîtra son ex-femme, incarnée par Bulle Ogier – actrice fétiche de Claude Régy – et apparaîtront les personnages « Fille » et « Sœur » dans un jeu dangereux menant chaque personnage à sa perte.
Car tout n’est que simulacre. L’argent est l’unique élément qui lie ces personnages. C’est d’ailleurs à coup d’enveloppes bien garnies qu’ils créent l’illusion de ce qu’ils ne sont pas : une famille. Face à l’absence de but, le trop de possibilités fait dériver les personnages.

Ann Schonenberg

Homme sans but d’Arne Lygre
Mise en scène de Claude Régy
Avec Axel Bogousslavsky, Jean-Quentin Chatelain, Marion Coulon, Bénédicte Le Lamer, Redjep Mitrovitsa, Bulle Ogier
Aux Ateliers Berthier à Paris jusqu’au 10 novembre 2007
A La Comédie de Genève du 16 au 25 novembre 2007

Lire également l’entretien de Claude Régy réalisé par Jérôme Zanetta