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Théâtre Am Stram Gram, Genève
Genève, Am Stram Gram : “Le rêve des petites valises“

Le Théâtre de l’Esquisse sera à Am Stram Gram à fin mai pour la reprise du spectacle Le rêve des petites valises.

Article mis en ligne le mai 2008
dernière modification le 8 juin 2008

par Rosine SCHAUTZ

Après la fin de sa saison, le théâtre Am Stram Gram accueillera la reprise et re-création du spectacle Le rêve des petites valises créé en mai 2005 à Forum Meyrin par le Théâtre de l’Esquisse, compagnie qui travaille avec des personnes handicapées mentales.

Dans ce spectacle est évoqué le thème de la frontière. Frontière intérieure, frontières physiques, langagières. Comment passer de l’autre côté de la barrière, franchir les limites ? Comment sortir, s’échapper de son corps, avec son corps, et s’alléger ? Telles sont en effet les questions que pose ce spectacle signé par Gilles Anex et Marie-Dominique Mascret qui se font ici topographes ou géographes, encadrant de manière à la fois proche et lointaine, dans un travail sensible et intelligent, leur troupe ambulante qui danse sa quête de liberté sur le devant de la scène.
Grâce à ce détour artistique, le spectateur comprend combien les personnes avec un handicap mental peuvent révéler et donner à sentir des valeurs essentielles, telles que poésie première de l’être, altérité, humanité.

Entretien


« Dans une zone incertaine, un homme cherche à expliquer sa situation face à un douanier incrédule. Mais comment expliquer ce qu’on fait là, pourquoi on en est arrivé là. Avec leurs petites valises énigmatiques, des passeurs fugaces ou ludiques déploient l’écho de ces interrogations dans une chorégraphie multiple où se conjuguent légendes, souvenirs, et rencontres… » Gilles Anex, Marie-Dominique Mascret

« Le rêve des petites valises »
© Isabelle Meister

Depuis la création de votre compagnie, il y a vingt ans, en quoi vos projets se sont-ils modifiés ?
G.A : Le travail n’a pas changé de nature : le fait de travailler avec des personnes qui n’ont pas toutes accès à l’écrit, qui ont un accès à la culture bien différent, demande à trouver des chemins. Cela reste vrai aujourd’hui. Depuis 1995, nous avons mis sur pied ce théâtre semi-professionnel. Les modalités du travail ont ainsi un peu changé. Aujourd’hui, les comédiens de l’Esquisse viennent deux jours par semaine chez nous à l’Usine, à temps plein. C’est une forme de stage professionnel : ils sont détachés de leur travail pour venir faire du théâtre tout en étant rétribués. Cela a débloqué du temps, de la disponibilité, et de ce fait, le travail a réellement gagné en professionnalisme.

Comment définissez-vous votre théâtre ?
G.A : Nous aimons bien l’idée d’un « théâtre dansé », qui n’est pas tout à fait pareil que la danse-théâtre. Ce terme résume bien à nos yeux le fait d’un théâtre où le mouvement, l’aspect chorégraphique, fait partie du langage théâtral que nous essayons de développer.
En cela, la reprise et re-création du spectacle Le rêve des petites valises correspond à une avancée dans notre travail. Ici, on a voulu, avec un scénario et un décor assez abstrait, mettre en lumière cette sorte d’équilibre entre le théâtre et le corps, le théâtre et le mouvement, car c’est un aspect important de ces personnes qui passent moins par le texte. Cet atout-là, leur présence sur scène et leur capacité à investir le mouvement, nous paraissent être une piste de travail intéressante. Ainsi, de spectacle en spectacle, nous lançons la pierre toujours plus loin dans ces registres de jeu.

Quelles sont les caractéristiques d’un travail avec des handicapés mentaux ?
M.-D M : Un des chemins à trouver tourne autour de la mémoire intellectuelle et de la mémoire corporelle. La mémoire sensible. Nous essayons toujours plus de ne pas appauvrir, mais au contraire de garder vivante cette mémoire, tout en fixant certains gestes, certains mouvements.

Car jouer, c’est aussi savoir re-jouer…
G.A : Oui. D’ailleurs au début, lors des premiers spectacles, on avait l’impression que toute une matière présente dans les ateliers ne se prolongeait pas entièrement dans le spectacle. Au fil du temps, nous avons essayé de trouver des trames qui permettent aux comédiens à la fois de s’intégrer dans un scénario - de manière par exemple à ce que le régisseur lumière puisse s’y retrouver - et qu’il y ait une interprétation, et un jeu. Le fait de rejouer, effectivement, reste essentiel pour ne pas simplement reproduire une mécanique. Oui, précisément, de re-jouer.

Le scénario est-il écrit après les improvisations, ou au contraire avant ? C’est-à-dire, le texte vient-il d’un vrac de mouvements ciselé petit à petit ou y a-t-il écriture préalable ?
M.-D M : Au départ, il y a un champ d’exploration, un territoire à découvrir, puis un travail d’aller et retour entre les comédiens et nous. Peu à peu on construit un scénario.
G.A : En fait, c’est aussi les deux… Avant et après. Le domaine d’exploration vient avant. De notre imaginaire, de ce qui nous constitue, de ce que nous sommes. On a un champ de possibles et aujourd’hui, par expérience, on ne ferme pas trop ces possibles, car souvent une chose accessoire deviendra quelque chose d’important. Ensuite, on construit, on fixe.

Sur le programme, on lit accompagnement des comédiens et lieu de vie. Que signifie cette rubrique ? Comment l’entendre ?
G.A : C’est une vraie dimension qu’on a mise en place, en complément du théâtre…
M.-D M : … Qui participe d’un projet global, commun à l’ensemble de l’association Autrement-Aujourd’hui. On voulait créer un espace hors milieu institutionnel pour mener des projets artistiques.
G.A : On trouvait que travailler avec des personnes handicapées mentalement demandait une certaine globalité. Qu’on ne pouvait pas tout couper en tranches. Il y avait cette idée de développer un projet global de relations pour des raisons éthiques, et pratiques.
M.-D M : Ainsi on a également acquis une grande habitude de vivre ensemble, et en tournée cela rend les choses plus simples.

Propos recueillis par Rosine Schautz

Du 28 au 30 mai 2008 au Théâtre Am Stram Gram
Pour plus de détails, contacter : autrement.aujourdhui@worldcom.ch