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Vidy-Lausanne
Entretien : Maurice Aufair

Maurice Aufair participera à La noce à Vidy et ne cache pas son admiration pour la mise en scène de Valentin Rossier.

Article mis en ligne le novembre 2008
dernière modification le 8 décembre 2008

par Nancy BRUCHEZ

Du 30 octobre au 23 novembre, le théâtre de Vidy accueille la pièce de Bertold Brecht, La noce chez les petits bourgeois, création de l’Helvetic Shakespeare Company. L’occasion de poser quelques questions à Maurice Aufair.

Ce drame dérisoire d’une société dont les règles morales s’écroulent sous le poids de l’individualisme se joue dans un décor en chantier, autour d’une longue table où se placeront, face au public, les neuf protagonistes. Au lendemain de la première au Théâtre du Loup à Genève, Maurice Aufair s’est prêté volontiers au jeu de l’entretien. Toujours passionné et enthousiaste, il ne cache pas son admiration pour le travail de mise en scène de Valentin Rossier.

« La noce chez les petits bourgeois »
photo Marc Vanappelghem

Maurice Aufair, vous tenez le rôle du père de la mariée dans la pièce de Brecht. Comment avez-vous appréhendé ce rôle ?
De différentes manières. Ce rôle n’est pas facile à trouver d’entrée. On a essayé différentes choses. On a d’abord pensé que c’était un personnage plus sénile, qui radotait un peu dans son coin. Puis on a changé d’avis, on lui a donné plus de dureté. Au final, c’est un personnage qui est là et que tout le monde respecte, que tout le monde est obligé d’écouter. C’est un vieux râleur, il raconte des histoires souvent crues, pas très drôles. Il rabâche les mêmes anecdotes. Mais il bénéficie de son grand âge et on l’écoute par politesse. Au début de la pièce, il y a cette tradition bourgeoise et familiale qui fait qu’on écoute le vieux. Ce personnage décide de raconter des histoires et si elles ne plaisent pas au gens, tant pis.

Quelle a été votre réaction lorsque Valentin Rossier vous a proposé ce rôle ?
J’ai déjà collaboré trois fois avec Valentin (Rossier). Il y a longtemps qu’il me parle de travailler avec lui dans cette pièce. Vu mon âge, je ne pouvais jouer que le rôle du père ! Mais ça m’a séduit. J’aime travailler avec lui. Je n’ai pas accepté de jouer ce rôle par hasard. Il se trouve que j’ai même refusé plusieurs propositions pour monter cette pièce avec lui.

Est-ce facile de se laisser diriger par Valentin Rossier ?
Pas du tout ! Ce n’est pas facile du tout ! Il est un perfectionniste obstiné ! Nous avons passé de longues heures à répéter. C’est difficile, mais ô combien passionnant ! C’est quelqu’un qui cherche beaucoup et qui aime explorer différentes pistes. Il change d’avis fréquemment. Au bout de quelques jours, on part tout à fait ailleurs, puis on revient en arrière. C’est toujours difficile pour l’acteur. On croit s’engager dans une histoire, on y pense le matin avant d’aller répéter, puis ça change. C’est à la fois passionnant et préoccupant. Il y a un moment donné où on aimerait bien savoir à peu près à quoi s’en tenir ! (il rit). C’est ardu, mais c’est comme cela qu’on avance, qu’on trouve des solutions. J’aime travailler dans ces conditions, je n’aime pas le ronron !

« La noce chez les petits bourgeois »
photo Marc Vanappelghem

Votre travail s’est concentré sur le texte et sur le sens que dégage l’acteur. Quel sens particulier apporte à la pièce votre personnage ?
Il ne donne pas un sens particulier à la pièce, il représente un des neuf personnages, un des neuf archétypes. Je joue le papy emmerdeur qui s’impose pas sa présence. C’est très simple ! En revanche, ce qui est difficile, c’est qu’on est neuf en face du public. Les gens se parlent d’un bout à l’autre de la table. C’est là que réside toute la difficulté de la mise en scène de ce spectacle. Les personnages sont assis autour d’une longue table face au public. Cela implique un jeu indirect. Il s’agit d’une chose que l’on projette face à soi, comme si elle allait ricocher sur le public et revenir sur le personnage d’à côté. Le metteur en scène s’est beaucoup préoccupé de cela dans son travail et il a réalisé quelque chose de très beau. On a parfois l’impression que La noce est une pièce mineure de Brecht. C’est faux ! Elle est bien plus profonde qu’elle n’en a l’air. Il y a dans cette pièce l’idée d’une destruction morale et physique très forte. Petit à petit, le consensus bourgeois part en miettes, on assiste à la déconstruction des valeurs telles que le mariage, la famille et l’amitié. Quand on sort du spectacle, on n’a plus du tout l’impression que c’est une petite pochade. Même s’il est vrai que les premières pièces de Brecht ne sont pas de grandes épopées historiques, Valentin Rossier a fait quelque chose de fort avec La noce, tout en sachant rester burlesque. Il en a sorti le maximum !

Maurice Aufair, comment définiriez-vous votre travail de comédien ?
Le travail de comédien est d’abord d’essayer d’être le plus proche possible du personnage que l’auteur a écrit, et que le metteur en scène veut montrer. Il y a à la fois un travail d’imagination et un travail technique : savoir son texte, ce qui se passe, où on est, ce qu’on fait. Moi j’aime imaginer le personnage dans un lieu, dans un milieu. Les personnages de Brecht sont populaires, de ce fait je les côtoie, je les rencontre. J’essaie de les capter. J’en vois dans les bistrots, je les observe. Mais je ne puise dans mon quotidien que ce qui me correspond. Je dois pouvoir adhérer à ce que dit le personnage, sans jamais être artificiel. Cette façon de faire convient à mon tempérament de comédien, je m’y sens à l’aise. Avec un autre auteur, comme Shakespeare par exemple, j’adopterais très certainement une autre démarche…

Propos recueillis par Nancy Bruchez

Théâtre Vidy-Lausanne du 30 octobre au 23 novembre.
Location 021/619.45.45