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Forum Meyrin
Entretien : Gino Zampieri

Entretien avec Gino Zampieri au sujet de sa mise en scène de Phèdre de Jean Racine.

Article mis en ligne le novembre 2007
dernière modification le 4 novembre 2007

par Laurent CENNAMO

Pour ceux qui n’auraient pas eu l’occasion de la découvrir à La Chaux-de-Fonds (Théâtre Populaire Romand), la mise en scène de Phèdre de Jean Racine par Gino Zampieri sera de passage au Forum Meyrin les 20 et 21 novembre prochains. Entretien.

Gino Zampieri, qu’est-ce qui vous a incité à monter un classique comme Phèdre ?
Il me semble de première urgence aujourd’hui de revenir aux fondamentaux, c’est-à-dire aux classiques. Dans ces chefs-d’oeuvre, nos grands frères se sont attaqués avec une maîtrise théâtrale extraordinaire aux thèmes fondamentaux des rapports humains. Il me semble que les auteurs contemporains devraient davantage s’inspirer de la maîtrise de la machine théâtrale - rythme et jeu - partout visible dans ces pièces. Au nom d’une liberté d’expression qui n’est en fait souvent que de la facilité, on voit aujourd’hui des spectacles qui ne veulent rien dire, totalement informes, sans habileté, sans génie, sans art. Il faut absolument des critères, sans eux nous sommes condamnés au n’importe quoi.

Phèdre, par le Théâtre Populaire Romand ©Xavier Voirol.

Pourquoi Phèdre aujourd’hui ? Quelle actualité pour cette femme pourchassée par des dieux vengeurs ?
Phèdre est d’abord un drame de la liberté. La question fondamentale est celle de la responsabilité de l’être humain face aux choix dans son existence. Phèdre se croit victime des dieux, elle se raconte beaucoup d’histoires, notamment sur la prédétermination, tout cela pour fuir ses responsabilités ou ne pas voir ce qui n’est que trop clair en elle. L’intérêt extraordinaire de ce personnage est qu’il n’est ni tout à fait coupable, ni tout à fait innocent. Il n’y a pas que Phèdre qui nous interroge sur notre propre comportement dans la pièce : le rapport père-fils avec Thésée et Hippolyte nous intéresse évidemment de très près, ainsi que l’amour entre Aricie et Hippolyte, ou le rapport ambigu, « empoisonné », de Phèdre à sa nourrice. Mais l’essentiel est qu’ici, dans cet univers, tout se passe dans l’urgence. Le rythme est terrible, les personnages sont pris dans une sorte de tourbillon, les événements s’enchaînent. Chaque série détermine un changement de rapports complet entre les personnages.

Pour quel type de mise en scène avez-vous opté ?
J’avais plusieurs idées de mises en scène au départ. A un moment j’avais imaginé un jeu très physique où les comédiens évoluaient au cœur d’une toile d’araignée, mais en cours de route je me suis dit que ce n’était pas possible. J’ai finalement opté pour une mise en scène certes contemporaine mais qui ne cherche pas à se démarquer à tout prix du classicisme de Racine.
Pour quelles raisons ? Afin de rendre le texte et les rapports entres les personnages les plus évidents possible pour n’importe quel public. Je n’ai pas envie de choquer, encore moins d’exclure du public. Je voudrais que les vers soient compris pour ce qu’ils disent, je n’ai aucune envie de nier l’alexandrin et la poésie. Pour ce qui est des décors, j’ai opté pour un cadre sobre, en marbre noir, monumental, asphyxiant, plus proche du mausolée que du palais où se déroule l’action. Les costumes – à connotation militaire – ne sont pas non plus particulièrement stylisés. A partir de cette relative simplicité, je n’ai fait que creuser jusqu’à l’exaspération les rapports entre les personnages. Ce n’est pas avec un décor ou des costumes bizarres qu’on transforme Phèdre. Racine est trop puissant pour qu’on le réduise à notre petite invention. Une mise en scène pour surprendre – telle que ma toile d’araignée par exemple – est selon moi dangereuse parce qu’elle ne permet pas au texte et aux personnages de se révéler. Il ne faut pas sacrifier la profondeur du texte à un jeu visuel, même si celui-ci est intéressant.

Propos recueillis par Laurent Cennamo

Phèdre, de Jean Racine
Forum Meyrin. 20, 21 novembre
Réservation : +41 (0) 22 989 34 34
www.forumeyrin.ch