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Le Poche, Genève
Entretien : Geneviève Billette

Le Poche présente Le Pays des genoux, pièce créée par la Compagnie Marin.

Article mis en ligne le mai 2007
dernière modification le 22 juillet 2007

par Magali JANK

Avec Le Pays des genoux, de Geneviève Billette, le théâtre québécois s’offre à nous ! Cette production romande, créée en mars à Lausanne par la Compagnie Marin et habilement mise en scène par François Marin, achèvera sa tournée à Genève, avec une incursion au Poche du 9 au 13 mai. Rencontre avec l’auteure de cette pièce tout public, où se mêlent, tendresse, amitié et désobéissance.

Licenciée en études françaises de l’Université de Montréal et diplômée en écriture dramatique de l’École nationale de théâtre du Canada, Geneviève Billette a participé à de nombreuses productions théâtrales, lectures publiques et créations radiophoniques de ses textes. Le Pays des genoux est son premier texte tout public, pour lequel elle a obtenu le Prix Littéraire du Gouverneur Général, catégorie « théâtre » en 2005.

Timothée et Sammy, 9 ans, se réunissent clandestinement à l’arrière d’un théâtre. Convaincus que le nombre de baisers est compté, les deux enfants décident de partir à la recherche d’un pays, où « l’on peut s’asseoir sur tous les genoux que l’on rencontre, un pays où les genoux sont comme des places publiques. Et où l’amour ne s’épuise pas. » Suite à l’effondrement du théâtre, Timothée se retrouve prisonnier des décombres. Mais sa solitude sera brève. Il rencontre Sarah, une chanteuse de 7 ans qui tentait de s’enfuir du même théâtre, où elle a perdu sa voix.

Le pays des Genoux, par la Cie Marin. Copyright Mercedes Riedy.

Comment avez-vous abordé l’écriture d’un texte tout public ?
Lorsque j’écris, il faut avant tout que je sois sûre de rester honnête par rapport à mes aspirations en tant qu’écrivain. M’aventurer, afin de me donner un vrai projet d’écriture, est essentiel. Dans mes ébauches, ont d’abord traîné quelques figures de « parents », faisant allusion à un monde d’« adulte ». Cependant, un monde d’adulte me poussait à parler de pédagogie ou de comment apprendre à vivre, ce que je redoutais fortement. C’est en créant par la suite des personnages d’enfants, que je suis finalement parvenue à réunir trois individus qui se parlent et essaient de se rejoindre d’un point de vue égalitaire. En créant un microcosme avec ses propres règles, un huis clos, il naît comme un murmure, où l’on a accès à toutes sortes de paroles. De m’être autant rapprochée de mes personnages lors de l’écriture de la pièce, m’a permis de voir plus loin et de ce fait, de découvrir, en tant qu’auteur, un chemin que je n’avais pas encore exploré jusqu’alors. J’ai besoin de m’imposer des défis, pour que l’écriture reste
vivante !

Votre texte conjugue à la fois simplicité du langage de l’enfant et poésie, attribuant ainsi au texte une autre dimension tout en réflexion.
A travers mes mots, j’ai tenté de faire parler le plus justement et le plus sincèrement possible les personnages, afin que le jeune public puisse les comprendre. Au-delà du concret, c’est une pièce qui repose avant tout sur une métaphore. La poésie est donc venue tout naturellement. C’est une pièce qui parle d’amour, mais aussi de désobéissance, c’est donc en premier lieu aux enfants que je m’adresse tout en traitant néanmoins une question qui se pose à tout être humain : faut-il toujours obéir ? N’y a-t-il pas une forme de désobéissance vitale qu’il faut accepter, voire rechercher ?

Comment cette thématique est traitée à travers les trois héros ?
Timothée, Sammy et Sarah, malgré leurs différences manifestes, ont un point en commun. Tous trois sont en fugue, à la recherche de leur rêve : aimer sans compter. Ce dessein semble compromis dès le début de la pièce, par un premier plafond qui s’effondre sur eux. Mais le deuxième plafond, celui métaphorique, est encore plus cruel selon moi. A travers l’effondrement de ce théâtre – lieu où l’art, forme de partage, est aussi amour – le message est clair : pas d’amour sous les décombres. Dans un premier temps, c’est tout un rêve qui s’envole. Aux personnages ensuite de faire renaître l’art à travers l’amour, en parvenant à ouvrir assez leur cœur à l’autre afin d’exister. La mise en scène traite parfaitement cet aspect-là, à travers les gestes des comédiens. On perçoit en effet cette demande d’amour constante, notamment chez Sarah, beaucoup plus ouverte que Timothée. Pour elle, partager de l’amour, de la tendresse et faire confiance semble moins compliqué que pour Timothée, trop enfermé dans ses théories. Ainsi, chacun à sa manière, va parcourir un chemin initiatique pour accomplir son rêve : découvrir « le pays des genoux ». Le don d’amour devient alors possible, ce qui semblait invraisemblable au début de la pièce.

Au-delà de l’amour et de l’humour, ce besoin vital de créer « le pays des genoux » révèle un certain malaise, avec un monde d’adultes omniprésent.
En effet, certaines choses sont dites, sans toutefois insister. Par la description d’un dimanche peu glorieux en famille chez Timothée, je voulais qu’on comprenne d’où il venait. A travers ce type de passages, il est très facile ensuite de faire une radiographie du genre de vie que mène Timothée. Ces côtés plus sombres sont davantage de simples clins d’œil et sont décrits avant tout avec ironie.

Propos recueillis par Magali Jank

Du 9 au 13 mai, au Théâtre Le Poche, Location au 022 310 37 59
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