Arts-Scènes
Slogan du site

Cinéma Danse Expositions Musique Opéra Spectacles Théâtre

Pulloff théâtres, Lausanne
Entretien : Claudine Berthet

Au Pulloff Théâtres à Lausanne, on pourra voir En haut de l’escalier de Claudine Berthet, dans une mise en scène d’Anne-Cécile Moser.

Article mis en ligne le octobre 2007
dernière modification le 21 octobre 2007

par Laurent CENNAMO

Du 18 septembre au 8 octobre, le Théâtre Pulloff à Lausanne présente En haut de l’escalier de Claudine Berthet, dans une mise en scène d’Anne-Cécile Moser. Entre souvenirs réels et souvenirs rêvés, une pièce en clair-obscur qui revisite sur divers modes narratifs les thèmes de la mémoire – parfois dangereuse – et des secrets de famille. Entretien.

Comment est né le projet de monter votre pièce En haut de l’escalier au Pulloff Théâtres ?
C’est une histoire en plusieurs temps. En haut de l’escalier est né lors du « Textes en Scène » qui, sous l’égide de la Société Suisse des Auteurs, a donné à quatre auteurs la possibilité d’écrire une pièce. Lors de plusieurs résidences, nous avons alors eu la chance d’être accompagnés dans l’écriture par le dramaturge Jean Marie Piemme. Le texte a ensuite été mis en lecture au Théâtre de Vidy en janvier 2005. Anne-Cécile Moser était présente lors de cette lecture. Elle a aimé le texte, la problématique du secret de famille, de l’incommunicabilité l’ont tout de suite intéressée, je crois que des images lui sont venues très vite. Un projet de réalisation a été mis sur pied à ce moment-là, mais les fonds étaient difficiles à trouver. C’est grâce à l’association « Action pour la Création Dramatique Contemporaine » (ACTC) créée par le théâtre Pulloff et la SSA, que nous avons finalement pu passer du projet à l’aboutissement après deux ans d’effort. J’en profite pour remercier Claude Champion de la SSA, qui a beaucoup œuvré pour que le projet se réalise. Nous inaugurons une série : en effet, chaque année d’autres textes seront montés sous l’égide de cette association.

En haut de l’escalier, avec Vincent Bonillo © Nicole Seiler

En haut de l’escalier traite du thème de la mémoire, de la mémoire tantôt impossible, tantôt torturante. Est-il dangereux de partir à la recherche des fragments qui nous constituent ?
Je suis un peu nostalgique… J’aime me remémorer, mais pas de manière mortifère. Les bruits surtout me ramènent à des choses lointaines, une chanson ou un fragment de chanson, une phrase. Bien sûr il y a des choses qui me hantent. J’ai personnellement vécu ce silence des adultes lorsque j’étais enfant, ces mystères, ces mots incompris ou incohérents. Le monde des adultes est une sorte de puzzle lorsqu’on est enfant, lorsqu’on est « en haut de l’escalier ». Revenir à ces souvenirs n’est pas dangereux dans la mesure où on peut l’écrire. L’écriture est une sorte de thérapie, bien sûr, une forme d’exorcisme. Mais mon texte est tout autant autobiographique (j’ai inséré une chanson écrite par mon père dans le texte, une chanson su l’amour déçu qui collait parfaitement) qu’imaginaire ou fantasmé.

Thomas, le protagoniste de la pièce, est un personnage très inquiétant, hanté par des fantômes du passé. Pouvez-vous nous parler de son rapport complexe à la réalité ?
Je crois que Thomas n’a pas beaucoup de rapport à la réalité. Il essaye d’expliciter son passé par des jeux de rôles, il est obligé de passer par des filtres pour dire ce qui le hante. Thomas est quelqu’un qui peut travailler, être, en apparences du moins, dans la vie. Néanmoins, tant qu’il n’aura pas « craché » ce quelque chose de sombre en lui il ne parviendra pas à être dans la réalité des choses. Il y a un côté obsessionnel chez lui, lié au fait qu’il est enfermé dans toutes sortes d’univers clos : la musique, la vidéo, les jeux de rôles aussi. J’aime les jeux de rôles : ils amènent une théâtralisation des rapports humains, et permettent parfois de dire ce que l’on ne peut pas dire dans un « état » normal. Mais bien sûr, Thomas risque énormément en se situant constamment dans ce rapport ambigu au langage, violent, malsain. C’est quelqu’un qui remue beaucoup la boue, qui use de la provocation parce qu’on ne lui a pas appris la relation sereine à l’autre.

La langue de la pièce est tantôt très crue, violente, tantôt presque poétique (il y a des chansons, des bribes de poèmes, des sortes de « duos »). Pourquoi ce choix ?
Ce que je voulais, c’était avoir des plans d’écriture différents. Les jeux de rôles sont écrits dans un style réaliste, assez cru en effet. Dans les parties monologuées de Thomas enfant, j’ai essayé de reproduire le parler enfant (qui n’est pas le parler enfantin). Quant au langage de la mère, il est tout sauf réaliste : il s’agit d’un personnage rêvé, qui ne parle pas normalement. Elle parle comme on chante. Il y également des dialogues qui n’en sont pas puisque les personnages se situent dans des lieux ou des temps différents. Ils se « parlent » néanmoins, dans un langage qui est alors assez proche de la transe. Ce que j’aime, c’est que les dialogues soient jouables, qu’on ait tout de suite envie de les lire à haute voix, de les incarner.

Propos recueillis par Laurent Cennamo

La pièce sera interprétée par les comédiens Julie Cloux, Anne-Shlomit Deonna, Vincent Bonillo et Michel Cassagne, avec une musique de Stéphane Vecchione. A noter que le 27 septembre à l’issue du spectacle aura lieu une rencontre avec le psychiatre Gérard Salem.

Réservations : 021 311 44 22
www.pulloff.ch