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A La Chaux-de-Fonds et Genève
Entretien : Andrea Novicov

Quelques éclairages sur la saison 2010-2011 du Théâtre Populaire Romand.

Article mis en ligne le décembre 2010
dernière modification le 28 décembre 2010

par Firouz Elisabeth PILLET

A la tête du Théâtre Populaire romand (TPR) depuis 2009, Andrea Novicov aime relever de multiples défis et sa tête foisonne de projets. Né à Montréal il y a un peu plus d’un demi-siècle, aujourd’hui établi en Suisse romande, Andrea Novicov a été nourri par des influences familiales variées et multiples - une grand-mère polonaise, un grand-père russe émigrés en Argentine...

Andrea Novicov, de langue maternelle italienne, ayant vécu au Canada, en Italie en Argentine et au Tessin, rappelle que ce nomadisme dicte ses choix artistiques. A l’image de son directeur, la saison 2010-2011 du TPR oscille entre le classique et le contemporain, dont l’unique fil conducteur est « la qualité des spectacles », selon le maître des lieux. Au programme, théâtre, musique, opéra, jonglage, nouvelle magie et même d’un roman musical. Rencontre avec le directeur des deux institutions culturelles chaux-de-fonnières.

Andrea Novicov
© Christian Lutz

Quels sont les temps forts de la nouvelle saison 2010-2011 ?
Le TPR se trouve dans une ville plus petite que Genève ou Lausanne où il existe un public même quand un théâtre prend des risques considérables dans sa programmation. La première mission, en tant que théâtre de la Ville, est de demeurer accessible à plusieurs catégories de public en présentant une offre diversifiée de spectacles. Les explorations de la saison 2010-2011 permettront à des artistes jeunes et talentueux de redonner vie à des pièces du répertoire : Shakespeare, Corneille, Tchekhov, Feydeau, Hugo, Ibsen... Ces auteurs classiques sont transformés, adaptés, revus, confrontés, réanimés par la créativité et la force des équipes qui les portent. Ainsi, le norvégien Ibsen – un auteur que j’affectionne – sera confié à un jeune metteur en scène argentin, Daniel Veronese, qui mettra en scène deux œuvres, « Maison de poupée » et « Hedda Gabler », présentées le même soir sur un tempo argentin. L’épopée narrative des Misérables sera restituée avec l’audace et l’insouciance d’un batteur de rock. Le nouveau cirque revient avec Jeanne Mordoj, ainsi que la nouvelle magie avec le jeune Etienne Maglio, accompagnée par une véritable écriture théâtrale. En tant que qu’institution pour la région de l’Arc jurassien, nous sommes attentifs aux jeunes auteurs de l’arc jurassien Camille Rebetez et Christophe Studer. Il y a de spectacles qui représentent des risques quant à l’appréciation du public, comme, par exemple, « Sous la glace », de Falk Richter, ou « Au cœur des ténèbres », qui décrit la jungle proprement dite, celle de l’Afrique tropicale, sombre et suffocante, où un homme seul se confronte à cette nature hostile et à une culture inconnue. Cette Afrique primitive convoque les pulsions ancestrales du fin fonds de ses tripes, l’obligeant à faire face aux profondeurs les plus vitales et les plus intenses de lui- même. Là où toute réaction devient physique et primaire.

« Sous la glace » au TPR
© Guillaume Perret

Vous mettez en scène une pièce de Falk Richter, « Sous la glace » ? Comment avez-vous procédé ?
Le premier défi pour mettre en scène cette pièce était de parvenir à raconter un univers froid, glacé, l’univers financier du consulting et le rendre attractif, attrayant, agréable, voire séduisant et poétique. Dans « Sous la glace », la jungle est complètement virtuelle mais extrêmement violente. Le milieu des consultants financiers de l’économie contemporaine est comme un système binaire, froid, modelé par des flots d’informations sur lesquels l’homme formaté, privé de tous ses instincts naturels, perd prise et glisse comme sur une pente glacée. Ces consultants, à la fois victimes et bourreaux aux mains blanches, submergés par tant d’abstraction des données, doivent se confronter, eux, à la perte de toute référence concrète et humaine. On a affaire à un héros tragique qui est éjecté de son rôle car dépassé ou qui s’éjecte lui-même car il il ne parvient plus à assumer le rôle qui lui a tété confié. Il fallait rendre une certaine chaleur, une sensualité. Servie par trois comédiens fascinants et charmants, la pièce aborde les questions de la richesse, le pouvoir, la beauté, l’argent. Dans « Au cœur des ténèbres », le personnage principal est parfois maladroit, parfois fanfaron. Il y a aussi des moments franchement comiques dans « Sous la glace ». Je pense que cela doit faire partie de tout bon spectacle. La légèreté et l’ironie font adhérer instinctivement aux personnages. Elles permettent de créer l’empathie nécessaire pour obtenir la confiance du spectateur, afin qu’il puisse se laisser emmener dans les moments plus profonds d’une pièce.

Que pouvez-vous nous dire des collaborations de cette année, notamment celle avec Denis Maillefer ?
Denis est un collègue que j’estime beaucoup. Il est Suisse Romand et propose un travail assez différent du mien. J’aime beaucoup travailler avec lui. Cette année, nous avons mis davantage de moyens pour mettre sur pied trois créations TPR, dont une avec un metteur en scène invité. Par ailleurs, le TPR continue quand même à soutenir un ensemble de compagnies avec des coproductions et des accueils en résidence. Le but pour le TPR est de continuer à tisser des liens et à s’imposer comme un acteur indispensable de la création théâtrale en Suisse Romande, et pourquoi pas, de la Francophonie. Nous tentons également de rendre cette activité de soutien plus visible auprès du spectateur. D’une part, car celui-ci est très sensible à cette identité de création et de diffusion qui a fait la réputation du TPR, et d’autre part, car cela va complètement dans la direction de la nouvelle structure qui verra le jour sous l’appellation de Centre Dramatique Régional.

« Dernier thé à Baden-Baden » au théâtre du Loup

Les deux dessinateurs et humoristes suisses Plonk & Replonk ont écrit « Les monologues d’un agent double », autrement intitulé « Dernier thé à Baden-Baden », spectacle qui sera présenté au Théâtre du Loup, du 7 au 12 décembre 2010 ; quelle a été votre mise en scène pour ce spectacle ?
En arrivant à la Chaux-de-Fonds, j’ai rencontré Plonk et replonk et je me suis qu’il serait intéressant de travailler avec eux. C’est à la demande du Théâtre Populaire Romand que les deux dessinateurs et humoristes de la ville ont écrit « Les monologues d’un agent double », autrement intitulé « Dernier thé à Baden-Baden ». Le défi était grand : par une carte postale, on fait un acte de communication en trente secondes ; avec le théâtre, il faut captiver l’attention du public une heure et demi. On passe d’un extrême à l’autre. C’est le côté décalé, déplacé plus que le côté anarchistes que m’intéressait. Sur un écran vidéo où défilent les images de Plonk et Replonk, bruitées en direct. C’est à partir de ces éléments que Jacques et Hubert Froidevaux – frères à la ville – ont élaboré un scénario et des textes, servis par un comédien. Le personnage de l’agent double, Otto, filmé en direct et incrusté dans les images, fait allusion à la période de la guerre froide.

Quelle opinion portez-vous sur la situation actuelle du théâtre en Suisse ?
Si on regarde le verre, la situation a évolué : quand je suis arrivé en Suisse, il y a quinze ans, l’engagement était très différent ; à l’époque, aucun artiste suisse ne tournait à l’étranger. La nouvelle loi, qui vient d’être acceptée, est catastrophique. On n’en voit pas encore les effets mais l’offre culturelle va diminuer car les comédiens devront aller gagner leur vie plutôt que de faire des stages et s’entraîner. Si on regarde le verre plein, une douzaine d’artistes suisses romands sont accueillis sur des scènes internationales. Comme il y a eu la période belge, il y a maintenant un réel intérêt pour le théâtre suisse, reconnaissable par sa francophonie mais décalé par sa spécificité. A la différence de la Belgique où l’État apporte son soutien – le cachet des tournées est souvent couvert par la participation de l’État – ce n’est pas le cas ici. Les artistes suisses devraient pouvoir compter sur l’aide de l’État helvétique.

Propos recueillis par Firouz-Elisabeth Pillet

www.tpr.ch et www.heurebleue.ch