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En marge du “Malade imaginaire“ à Sierre.
Entretien : Alain Knapp

Alain Knapp monte Le Malade imaginaire à Sierre.

Article mis en ligne le juillet 2009
dernière modification le 6 juillet 2009

par Frank DAYEN

Trois questions au metteur en scène Alain Knapp, au sujet du Malade
imaginaire
de Molière, qui sera joué cet été par la Compagnie Opale à Sierre, dans les jardins du Château Mercier.

Après vos adieux au théâtre, vous aviez accepté en 2007 de revenir à la mise en scène, en montant L’Ecole des femmes de Molière, avec la même Compagnie Opale. Vous nous aviez alors déclaré faire votre dernière mise en scène.
Alain Knapp : Il ne faut jamais jurer de rien ! (Rires) Je garde un excellent souvenir de notre dernière collaboration et j’avais encore l’envie de faire une mise en scène. C’est comme je le répétais à mes étudiants au Théâtre National de Strasbourg ou à l’ENSATT : « Ce n’est pas tout de dire que vous aimez le théâtre, est-ce que le théâtre, lui, vous aime ? » Là est la question. Eh bien, j’ai le sentiment que le théâtre m’aime bien : même quand je le laisse tomber, quand je ne lui demande plus rien, il s’arrange pour me ramener sur son territoire.

Alain Knapp
Crédit Hofmann / Nouvelliste

Quel est ce théâtre qui ne vous laisse pas en paix ?
On ne peut pas refuser Molière. Monter Molière est un privilège. D’abord, sa dimension est telle que son théâtre comprend tout le théâtre. Ensuite, Molière contient aussi la totalité de la littérature française. Toutes les préoccupations des romanciers et des essayistes français, même contemporains, s’y trouvent. Il faut lire Molière pour comprendre la littérature française.

Pourquoi Le Malade imaginaire en particulier ?
Cette pièce-là, Molière l’a écrite d’abord pour s’en prendre aux médecins de son époque. De ce point de vue, la pièce paraît datée. Mais, à travers l’hypocondrie d’Argan, la pièce soulève une autre interrogation, d’actualité celle-là, sur l’angoisse de mort. Certes, les charlatans existent toujours et certains abusent et en tirent des avantages. Mais ce serait oublier que le couple de docteurs Diafoirus est construit par Argan, il s’agit de sa projection, du même type que celle qui pousse Orgon dans les bras de Tartuffe. Le Malade imaginaire pose donc la question du désir, et de la crédulité des hommes qui écoutent ce désir en pensant fuir leurs angoisses, leur peur de mourir. Cette dimension de la pièce prend ses distances vis-à-vis de la bouffonnerie farcesque dans laquelle on classe encore trop facilement Molière. Il faut oublier les genres : pour que Molière soit drôle, il faut le jouer sérieusement, le jouer à la lettre.
C’est parce que le Malade pose une véritable question philosophique (la peur de mourir) que le rire devient fort et libérateur, c’est parce qu’il interroge et détourne en même temps une question centrale qu’il libère l’esprit. Notre théâtre occidental est par essence tragique, car il met en jeu la personnalité : l’Autre n’est jamais compatible avec le Moi.

Propos recueillis par Frank Dayen

« Le Malade imaginaire » de Molière, par Alain Knapp et la Cie Opale, au Château Mercier de Sierre/VS, du 15 juillet au 13 août.
Rés. Libraire Zap 027/451 88 66 ou sur le site : www.compagnieopale.ch