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Théâtre de Carouge
Carouge, Théâtre : “Bérénice“

Bérénice de Racine est présentée à Carouge dans la mise en scène de Philippe Sireuil.

Article mis en ligne le novembre 2009
dernière modification le 4 décembre 2009

par Sophie EIGENMANN

Produite par la compagnie La Servante de Bruxelles et en co-production entre le Théâtre de Carouge – Atelier de Genève et le Théâtre de la Place des Martyrs de Bruxelles, Bérénice de Racine est présentée à Carouge du 28 octobre au 15 novembre 2009. Rencontre avec son metteur en scène Philippe Sireuil.

Pourquoi adapter Bérénice de Racine aujourd’hui ?
J’ai vu cette pièce plusieurs fois et notamment dans la version de Klaus Michael Grüber à la Comédie française en 1984 avec Ludmila Mikaël et Richard Fontana. Je garde un vrai souvenir de cette mise en scène très pertinente, extraordinaire et peut-être indépassable. A la lecture du texte de Bérénice, je ressens toujours beaucoup d’émotion et l’adapter était une évidence. J’éprouve le désir de me frotter à ce type de théâtre. Cette année, je commence aussi un travail sur trois ans avec des artistes associés. Je l’ai appelé le Théâtre de l’intimité. Ouvrir avec Bérénice, cela s’imposait ! J’ai prévu ensuite La musica deuxième et Savannah Bay de Duras, puis Juste la fin du monde de Lagarce.

Philippe Sireuil
© Lorenzo Chiandotto

Quel est l’axe principal de Bérénice ?
Bérénice est une tragédie mais on n’y verse pas de sang, juste des larmes. Il y a peu d’action, la pièce tourne beaucoup autour de la capacité à renoncer et des conséquences qui en découlent. C’est un sujet bouleversant ! Le défi que pose Racine est de partir de rien et de construire ensuite. La douleur est au centre de cette pièce qui peut encore émouvoir.

Comment la mettre en scène ?
Mettre en scène Bérénice de Racine, c’est d’abord réussir à faire écouter le texte afin de mettre en valeur la magnificence de la langue tout comme sa musicalité. J’avais envie d’alexandrins mais aussi de créer un lien avec Molière car j’ai récemment adapté Le Misanthrope. Mettre en scène une œuvre, c’est surtout travailler sur le rapport qu’on entretient avec elle, être un passeur, un archéologue. Pour Bérénice, j’ai cherché à être concret dans le rapport avec l’histoire et le texte sans mettre en avant la forme, à être proche du texte sans en être prisonnier.

« Bérénice » avec Anne-Pascale Clairembourg et Vincent Bonillo
© Danièle Pierre

Comment interpréter cette tragédie ?
Je n’ai pas cherché à actualiser la pièce, à parler de sa modernité ou à la placer dans une approche historique. J’ai misé sur son intemporalité, sa fragilité et sa simplicité. Sur scène, il n’y a pas d’or ou de glaives. J’ai choisi trois jeunes interprètes avec qui je n’avais encore jamais travaillé : Anne-Pascale Clairembourg (Bérénice), Vincent Bonillo (Titus) et Itsik Elbaz (Antiochus). Sur scène, ils sont pieds nus. Ces trois personnages sont dépassés par des problèmes et des engrenages, un peu comme des enfants qui essayent de lutter contre l’oubli. Le personnage de Bérénice est fort, contrairement à celui de Titus qui, plus frénétique, renonce au choix de son cœur pour écouter celui que lui impose sa fonction.
Autour d’eux, le décor est dépouillé. J’ai fait construire un grand mur qui est un peu un mur des lamentations. Par le biais de la vidéo, les portraits des trois acteurs sont projetés et très progressivement, leur image se modifie jusqu’à se transformer en figure romaine. A la fin de la pièce, un film suit Bérénice dans la rue. Cette technique permet aussi de laisser ouvert, d’écouter les possibles.

« Bérénice » avec Anne-Pascale Clairembourg
© Danièle Pierre

Vous venez de présenter La musica deuxième de Marguerite Duras au Théâtre L’Alchimic puis au Théâtre de Vidy du 29 octobre au 22 novembre 2009, comment liez-vous ces deux écritures ?
Duras a écrit : « Le théâtre ne peut qu’être le lieu de la passion, il faut se méfier du théâtre qui est autre ». Sans tomber dans les clichés, je fais aussi mon métier par passion. Concernant la variété de mes choix, je citerai Laurent Busine qui dirige le Musée des Arts contemporains en Belgique et qui a dit « Est contemporain ce qui me parle encore ». Il y a des textes qui restent conséquents à travers le temps. Je peux donc travailler sur l’ensemble de la littérature car certains écrits actuels ne me parlent pas forcément. Ma curiosité et mon travail consistent aussi à aller voir des écritures dont je ne sais pas forcément ce qu’elles vont me faire faire. On cherche et on trouve des clefs durant les répétitions. Par contre, les textes transparents ou trop évidents ne me donnent pas de désir de mise en scène, comme si le metteur en scène cherchait avant tout une énigme dont il propose, avec ses comédiens, quelques clefs.

Propos recueillis par Sophie Eigenmann

Informations : www.theatredecarouge-geneve.ch