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Au Théâtre de Carouge
Carouge : “Les nuits blanches“

José Lillo met en scène Les Nuits blanches, de Dostoïevski.

Article mis en ligne le avril 2009
dernière modification le 26 avril 2009

par Andrea TEANO

Les Nuits blanches, texte de jeunesse de Dostoïevski, n’est peut-être pas la plus connue de ses nouvelles. Portée à la scène par José Lillo, elle révèle
la puissance d’un questionnement sur l’inconscience des rêveurs, et leur quête de liberté.

Une fausse rencontre amoureuse
Petersbourg, un ciel étoilé. Un jeune homme solitaire, un rêveur, rentre chez lui quand il croise une jeune femme en larmes. Celle-ci manque de se faire violenter par un inconnu, et ne doit son salut qu’à l’intervention du nôtre. Ainsi a lieu la rencontre entre deux êtres dont rien ne devrait empêcher le rapprochement sous le signe de l’amour.
Tenez, par exemple, pourquoi tremblez-vous ? Elle lui pose cette question. Et c’est de là qu’on commence. Quatre nuits durant lesquelles s’insinue doucement l’idée que les deux solitudes pourraient s’annuler dans un destin commun. Et pourtant, ça rate.
Complètement.

« Les nuits blanches », avec Julia Batinova et Lionel Brady.
Photo Marc Vanappelghem

L’universel
José Lillo a voulu séparer de la composition d’ensemble ce qui lui semble le plus universel – à savoir le croisement de deux trajectoires, la somme impossible de deux authenticités perdues. Pour cela, il a réuni les talents de Julia Batinova, que l’on connaissait déjà puisqu’elle a joué dans La traductrice de Elena Hazanov, et d’un jeune comédien, Lionel Brady, qui tous deux font montre d’une indéniable intelligence de la situation.
Le metteur en scène a donc fait l’impasse sur d’autres figures, secondaires, qui apparaissent dans le récit de l’écrivain. Plus encore, il aménage un espace – la salle Gérard-Carrat dépouillée de son gradin, de sa scène, avec des chaises (il n’en est pas deux qui se ressemblent) disposées tout autour – où il n’est simplement rien, hormis des mégots de cigarette.
Cette mise en scène, outre qu’elle permet d’éclairer au plus près l’enjeu pour le moins cérébral, pour ne pas dire nerveux de cette histoire, traduit aussi la volonté d’échapper au dispositif spectaculaire de la scène. Ce n’est pas le texte qui est contre la salle, explique José Lillo, c’est la salle qui allait contre ce qu’on voulait faire du texte. C’est certainement l’un des apports, et non des moindres, qui peut transiter de la scène alternative à la scène officielle. Tout cela a des airs de squat, mais il n’est pas encore interdit de croire qu’on puisse ainsi donner une lecture plus éclairante de Dostoïevski.

La vérité contre sa représentation
Le texte est en apparence simple, comme de ceux qui ne font qu’annoncer le gros de l’œuvre en gestation. Pourtant, à suivre les méandres de la rêverie du protagoniste, les méandres de sa pensée où se mêlent l’inconscient et l’espoir, on se prend à partager son drame. Et lorsqu’il se demande, lorsque tout s’est déjà joué, et sans lui, si une pleine minute de béatitude, ce n’est pas assez pour toute une vie d’homme, on en convient avec le metteur en scène, on lui donne raison – oui, la représentation est de trop qui, dans ce cas, fait écran avec la vérité du texte.
Ce qui ne pouvait se dire sur la non-scène parce que trop littéraire, il fallait le dire en épurant l’espace. En ne laissant en présence, au milieu d’un public, que les deux corps, et les deux voix des comédiens.

Andrea Tenao

Théâtre de Carouge. Salle Gérard-Carrat. Jusqu’au 12 avril
À 19h les mardis, jeudis et samedis. À 20h les mercredis et vendredis. À 17h les dimanches. Relâche les lundis
Location 022/343.43.43