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Forum Meyrin
Meyrin : “Maître Puntila et son valet Matti“
Article mis en ligne le avril 2007
dernière modification le 17 octobre 2007

par Jérôme ZANETTA

Du 17 au 29 avril, l’infatigable maestro Porras offrira sa dernière création au Théâtre Forum-Meyrin, dans le cadre d’un théma « Brecht ou le théâtre nécessaire ». C’est encore au cœur de la relation maître-valet proposée par Brecht dans Maître Puntila et son valet Matti que le metteur en scène malandrin situe son dernier opus. Un texte décisif relu sur le rythme fascinant du Teatro Malandro.

À peine remis du succès rencontré par sa mise en scène du Barbier de Séville de Paisiello à l’Opéra de Lausanne, Omar Porras rebondit pour jouer avec l’œuvre de Bertold Brecht, Maître Puntila et son valet Matti (1940). Lorsqu’on y regarde de plus près, après avoir monté La Visite de la vieille dame et El Don Juan, Porras poursuit sa recherche à la croisée de la tradition et de la modernité. De plus, quand on connaît le travail récurrent du dramaturge allemand dans le domaine de l’adaptation et de la relecture des œuvres du répertoire (Sophocle, Shakespeare, Molière ou Gozzi), cette démarche s’apparente sensiblement de celle du Teatro Malandro.

Une visions festive
D’un côté, donc, la société malade et souffrant de sa décadence teintée d’une tragique dérision qui rappelle la vision féroce d’un Dürrenmatt ; de l’autre, le retour d’un duo mythique maître-valet comme dans le Don Juan de Tirso de Molina ou, mutatis mutandis, dans les rapports délicieusement irraisonnés qu’entretiennent Don Quixote et Sancho ! Chez Brecht, Maître Puntila et son valet Matti revisitent ce couple fondamental du théâtre fondé sur un rapport de force toujours en mouvement et susceptible de révolution, tel que Porras l’aime. Ici la clef de lecture passe indubitablement par Gozzi et le jeu scénique entre un maître et son valet légué par la commedia dell’arte au dramaturge vénitien et dont s’empare Omar Porras de toute sa vision festive.
On serait à même de penser que la démarche esthétique et les enjeux défendus par le Teatro Malandro se distancient à priori des chemins scéniques empruntés par Brecht, mais ce serait omettre les rapports privilégiés qu’instaure avec le spectateur la dramaturgie brechtienne. De cela, Porras est parfaitement conscient, de cette relation frontale avec le public auquel Brecht tend un miroir sans concession de son époque et propose un formidable manifeste théâtral qui défend l’interaction entre jeu scénique et vision sociopolitique comme salutaire et décisive.

“Maître Puntila et son valet Matti“, photo de répétition, copyright Marc Vanappelghem

Dualité
Rappelons comment Bertold Brecht développe la relation maître-valet au sein de la question sociale, existentielle et poétique. Un propriétaire terrien administre avec une grande cruauté son domaine et ses gens qui souffrent de cette hiérarchie et de cette justice abusive. Mais il lui arrive d’être ivre et de devenir le plus généreux des hommes. Son chauffeur Matti le suit tant bien que mal et s’efforce avec raison de se préserver de la cruauté comme de la fraternité soudaine de son maître. Sa situation est d’autant plus délicate que Mlle Puntila souhaite l’épouser contre toutes réalités sociales. Un voyage qui plonge dans la dualité de la personnalité humaine et questionne notre identité individuelle.

Ambiguïtés
On le voit bien, Porras nous emmène une fois encore au cœur de notre difficulté d’être. On attend donc de savoir comment il fera tomber les masques, de quelle façon il intégrera à sa vision le corps brechtien distancié et quel rythme scénique il imprimera à sa troupe. Autant d’ambiguïtés avec lesquelles les comédiens du Malandro aiment jouer et nous divertir.
On comprend donc aisément que le Théâtre Forum Meyrin soutienne une fois encore la démarche créative d’Omar Porras et se fasse le relais naturel d’une dynamique de troupe en résidence meyrinoise. Elle est partie pour une grande tournée avec ce spectacle jusqu’en 2008 avec notamment Vidy-Lausanne, Montpellier et le Printemps des Comédiens, ainsi que le Japon au Shizuoka Performing Arts Center.
Bref, de quoi réaffirmer la présence passionnée et vive du Teatro Malandro sur la scène internationale.

Jérôme Zanetta

Du mardi 17 au dimanche 29 avril : Maître Puntila et son valet Matti de Bertolt Brecht. M.e.s. Omar Porras. Par le Teatro Malandro.
Forum Meyrin à 20h30, sauf mention contraire (rés. 022/ 989.34.34)